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Mais que se passe-t-il dans les pays d'Europe du nord ?

Le couperet est officiellement tombé ce vendredi 29 novembre ; les Pays-Bas ne font plus partie du club ultra fermé et désormais très restreint des Etats notés AAA. Le pays ne s'est en effet toujours pas remis de la crise mondiale et vit actuellement sa troisième récession depuis 2008. Seuls donc trois pays de la zone euro disposent encore de la notation souveraine maximum : l'Allemagne, la Finlande et le Luxembourg. Mais pour combien de temps ?


Anthony Benhamou
Anthony Benhamou
Les Pays-Bas voient rouge depuis déjà bien trop longtemps

Que François Hollande et le gouvernement français se rassurent. Non, l'agence de notation Standard and Poor's n'est pas atteinte d'un syndrome de french bashing aiguë. Quand un pays présente de faibles perspectives économiques, il est en effet logiquement sanctionné. C'est ainsi que les Pays-Bas, cinquième économie de la zone euro, ont vu leur notation souveraine abaissée d'un cran, passant de AAA à AA+.

Car depuis 2008, la vie économique néerlandaise est loin de ressembler à un long canal tranquille. Le ralentissement de la demande mondiale provoqué par la crise financière a en effet paralysé l'activité de nombreuses entreprises nationales, à l'international. Un problème de taille quand, structurellement, les exportations des Pays-Bas pèsent pour plus de 80% du PIB. La morosité des échanges internationaux et la réduction des débouchés qui en résulte ont donc largement participé à détruire les marges des entreprises de même que les perspectives de croissance du pays.

Ainsi en 2013, l'économie orange devrait à nouveau voir rouge. En effet pour la troisième fois depuis 2008, le pays devrait subir une contraction de son activité par rapport à l'année précédente de l'ordre de 1%. Une destruction de richesses susceptible en outre d'aggraver la situation sur le marché du travail. Quasiment au plein emploi en 2008, le taux de chômage n'a effectivement pas cessé d'augmenter depuis, passant progressivement de 3% à 7%.

Ce faible dynamisme a contraint de nombreux ménages à se désendetter, notamment à travers la liquidation de leurs biens immobiliers. Seulement, la chute des prix des logements de plus de 20% depuis 2008 rend ce processus de désendettement complexe. Pire, de sérieux risques pèsent désormais sur les banques dont les garanties hypothécaires sont devenues caduques. Risques d'autant plus forts quand on sait que les créances immobilières de ces dernières représentent 90% du PIB néerlandais, pour un secteur bancaire affreusement concentré (Rabobank, ING Bank et ABN Amro constituent 70% du marché).

Une crise économique qui, comme dans beaucoup d'autres pays d'Europe, a favorisé la montée du risque politique. En témoigne ainsi la percée en 2012 du parti d'extrême droite PVV (parti pour la liberté) et de son leader Geer Wilders. Et ces tensions ne sont pas prêtes de s'apaiser. L'annonce faite par le roi Willem Alexander en septembre dernier portant sur la fin de l'Etat providence (comprenez une coupe drastique dans les dépenses sociales) a en effet provoqué l'ire de nombreux citoyens néerlandais, des syndicats et de l'armée. Comble de l'ironie cependant, c'est probablement grâce à cette déclaration que l'agence Standard and Poor's a attribué une perspective stable à la nouvelle note du pays…

Les pays du nord de la zone euro sur la sellette ?

Les Pays-Bas n'ont cependant pas à rougir de la perte du AAA. Tout d'abord parce que l'agence Standard and Poor's est la seule à avoir dégradé le pays qui, pour le moment, conserve son triple A au sein des agences Moody's et Fitch. Mais surtout parce que le AAA est devenu une denrée rare. Les pays pouvant encore se targuer de cette note ne sont en effet plus qu'au nombre de dix ; Australie, Canada, Singapour, Suisse, Suède, Norvège, Danemark et trois pays de la zone euro, à savoir l'Allemagne, le Luxembourg et la Finlande. Inutile néanmoins de préciser que, dans un monde où les dégradations constituent de plus en plus la norme, les agences de notations ont les yeux rivés sur ces rescapés du AAA.

A commencer bien évidemment par les pays de la zone euro. La Finlande par exemple connait une situation économique des plus fragiles. Après avoir enregistré un repli de son taux de croissance de 0,8% en 2012, le pays devrait en effet subir une nouvelle contraction de son PIB de l'ordre de 0,6% en 2013. Une récession qui a engendré une diminution des recettes fiscales, susceptible d'alourdir l'endettement du pays dont le niveau pourrait prochainement dépasser la barre symbolique des 60% du PIB. Aussi, afin de donner des gages aux investisseurs internationaux et, surtout, pour protéger son AAA, l'Etat finlandais n'a eu d'autre choix que de couper dans ses dépenses sociales.

Il en va de même pour le Luxembourg. Bien que le pays semble plus solide que son voisin néerlandais, la perte du AAA par ce dernier constitue un risque de nature systémique. Car si le grand-duché connait une trajectoire budgétaire honorable, que dire de son dynamisme économique ? Certes, le pays n'est pas entré en récession, mais il a néanmoins subi un fort ralentissement de son activité en 2012 (PIB de +0,1%) et connait actuellement une reprise très timide (le PIB 2013 s'établirait à +0,5%). En cause notamment, une nette diminution de la demande intérieure luxembourgeoise qui, en temps normal, constitue le véritable moteur de l'activité du pays. Les entreprises nationales (qui par ailleurs figurent parmi les plus endettées de la zone euro) ne cessent effectivement de différer leurs décisions d'investissement en raison de l'atonie de la demande.

Enfin l'Allemagne, le meilleur élève de la zone euro. Malgré la robustesse de son économie, le pays est depuis peu au cœur d'une enquête menée par la Commission européenne portant sur son excédent commercial (supérieur à 6% du PIB). Une véritable remise en cause du modèle germanique pourtant quasi-exclusivement axé sur les exportations. Aussi, afin de calmer les ardeurs de Bruxelles, Angela Merkel a été contrainte d'accepter la création d'un revenu minimum national dans le cadre des négociations menées avec le SPD pour la formation d'un gouvernement de grande coalition. Cet élément devrait sans aucun doute modifier les équilibres économiques européens et en particulier les avantages compétitifs dont disposait jusque-là l'Allemagne. Et bien que la solvabilité du pays fasse encore l'unanimité, il convient de rappeler que sa notation triple A est assortie d'une perspective négative chez Moody's.

Dans ce contexte, la dégradation de la notation souveraine des Pays-Bas marque-t-elle un tournant pour les pays dits du nord de l'Europe ? Possible. Force est néanmoins de constater que les marchés ne sur-réagissent plus à ces notes ce qui laisse d'ailleurs songeur quant à l'avenir des agences de notation. Mais peu importe, là n'est pas le débat. Ce qui est formidable, c'est d'observer à quel point les gouvernements des pays d'Europe du nord osent entreprendre des réformes, parfois même aux dépens de leur propre avenir politique, pour conserver ce qui fait leur fierté nationale, leur notation AAA. Et cela, bien évidemment les marchés le voient. Un comportement courageux et audacieux dont le gouvernement français devrait s'inspirer s'il veut éviter un déclin… qui malheureusement parait de plus en plus inévitable.

Achevé de rédiger le 04 décembre 2013,

Anthony Benhamou

Anthony Benhamou est un économiste diplômé de l’université de Paris Dauphine. Il a notamment exercé pendant 3 années en tant que consultant auprès de grandes entreprises internationales. Maître de conférences à Sciences-Po Paris et tuteur enseignant à l’université de Paris Dauphine, il rédige par ailleurs avec Marc Touati de nombreuses chroniques économiques et financières pour le cabinet ACDEFI.


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Vendredi 6 Décembre 2013




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