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Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et réduction Fillon : toilettage ou recyclage ?

La réduction Fillon, héritière des aides financières consenties pour stimuler l’emploi dans un contexte de chômage de masse, est une technique déployée depuis 1993 pour permettre une baisse générale et uniforme de cotisations sur les bas salaires.


Loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 et réduction Fillon : toilettage ou recyclage ?
Si la forte efficacité de cet allègement en matière de maintien dans l’emploi et de maîtrise du coût du travail semble faire l’unanimité, les effets d’aubaine, les abus et les optimisations qui lui sont associés étaient pourtant au cœur des réflexions des représentants de la nation ; et ce depuis la communication de la Cour des Comptes sur le sujet, en 2007. C’est en raison d’un mode de calcul critiqué, d’un coût élevé correspondant à un allègement d’environ 21,8 milliards d’euros en 2010, et d’un contexte budgétaire en berne que le Gouvernement et le Parlement ont souhaité « toiletter » le dispositif de réduction générale de cotisation. Au vu des modifications présentées, le toilettage pourrait se transformer en recyclage.

Un toilettage « moralisateur » : l’annualisation de la réduction Fillon

A l’occasion des débats sur la loi TEPA, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat avait relevé la nécessité de « mettre fin à des possibilités d’optimisation, pour augmenter le montant de la réduction Fillon ». Dans son rapport daté de 2008, la mission d’information commune aux commissions des affaires sociales et des finances de l’Assemblée nationale avait mis en évidence les limites de la mensualisation du montant de la réduction Fillon. Elle y faisait valoir un constat désormais célèbre : « pourquoi une entreprise qui paie 1 625 € sur 12 mois bénéficierait-elle de moins d’exonérations qu’une entreprise payant 1 500 € sur 13 mois, par conséquent pour un même montant annuel ? ».

Les représentants de la nation avaient donc annoncé l’avènement d’une « moralisation » de la réduction Fillon en montrant du doigt certaines catégories d’entreprises aux pratiques « contestables ». Or, ce discrédit mérite bien évidemment un certain nombre de réserves, en ce sens que les entreprises visées sont celles qui versent des primes de fin d’année, un treizième mois ou de l’intéressement. Autrement dit, des entreprises qui améliorent le pouvoir d’achat de leurs salariés, en leur allouant de la rémunération complémentaire de manière ponctuelle. Avant de vouloir « moraliser » le calcul de la réduction Fillon, il aurait été bienvenu que le législateur « fasse ses ablutions », c'est-à-dire purifie la réduction Fillon de certaines imperfections dont il avait lui-même, de par ses lacunes des pratiques de paie en entreprise, été l’instigateur quelques années auparavant.

L’annualisation du calcul de la réduction Fillon aura pour conséquence de s’appliquer non plus à la rémunération mensuelle mais à la rémunération annuelle. Le projet de décret relatif à cette annualisation est ainsi venu préciser qu’elle serait désormais fonction du rapport entre la rémunération annuelle brute du salarié (hors heures supplémentaires) et le salaire minimum de croissance calculé pour un an sur la base de la durée légale du travail. Il est prévu que le montant de la réduction Fillon soit appliqué chaque mois par anticipation, assorti d’une régularisation progressive de la réduction. En fin d’année, une régularisation pourra être effectuée s’il existe une différence entre la somme des montants de la réduction Fillon appliquée par anticipation pour les mois précédents et le montant de cette réduction calculé de façon annualisée.

L’annualisation de la réduction risque donc de renforcer l’insécurité juridique au sein des entreprises et de complexifier la réalisation des calculs confiés aux services RH et aux gestionnaires de paie au cours de l’année 2011.

Des toilettages « discrets », une réduction Fillon recyclée ?

L’exclusion de la cotisation accident du travail du champ de la réduction Fillon, vers du « Marketing budgétaire »
Au titre des modifications induites par la LFSS pour 2011, le législateur a notamment prévu la non-exonération des cotisations d’accidents du travail. Cette précision pouvait a priori paraître surprenante dans la mesure où la LFSS pour 2008 avait déjà instauré l’exclusion des cotisations d’accidents du travail des différents dispositifs d’exonération de cotisations – réduction Fillon comprise. Si certains spécialistes ont pu voir dans cette réforme, la volonté de plafonner le montant des allègements, de nombreuses simulations ont permis de tempérer cette analyse. Cette réforme correspond principalement à du « Marketing budgétaire » puisqu’elle va permettre d’augmenter le montant de la ligne « cotisations effectives » et de diminuer la ligne « impôts et taxes affectées ». Cette modification n’aura donc aucun impact direct sur le montant de l’allègement accordé aux entreprises.

Un « vrai-faux » renforcement de la réduction Fillon pour les entreprises de travail temporaire
Les entreprises de travail temporaire et tout le réseau intérimaire allaient profondément être impactés par l’annualisation de la réduction Fillon. Le mode de rémunération spécifique à ce secteur permettait, en effet, de profiter des effets d’aubaine liés à la mensualisation du mode de calcul de l’allègement en dissociant le noyau dur de la rémunération perçue des primes de précarité et des indemnités de congés payés. Afin de limiter l’impact des pertes annoncées, en septembre 2010,
à 29 % par le Prisme, organisation professionnelle représentant les professionnels de l’intérim, le législateur a finalement consenti à instaurer un « vrai-faux cadeau » au secteur intérimaire : la possibilité de majorer de 10 % le montant de la réduction Fillon calculé selon le nouveau dispositif. La portée de ce « vrai-faux » cadeau doit cependant être immédiatement tempérée car 10 % de majoration de zéro est toujours égal à… zéro.

Les nouvelles règles d’application à destination des groupements d’employeurs
L’esprit de l’annualisation va encore impacter les groupements d’employeurs. Il leur appartiendra désormais de réserver le coefficient majoré de réduction Fillon aux seules rémunérations des salariés mis à la disposition des entreprises de 19 salariés au plus, pour la moitié de leur temps de travail effectué sur l’année. Pour ce type de structures, l’important sera donc d’anticiper le temps de travail annuel que passeront leurs salariés au sein des entreprises de 19 salariés au plus. Une fois encore, l’annualisation de la réduction Fillon risque de complexifier son mode de calcul et les règles applicables.

La pleine application de la loi en faveur des revenus du travail de 2008 et la surprise de la double minoration de la réduction Fillon
Les réformes contenues dans la LFSS 2011 étaient toutes intimement liées à l’annualisation de la réduction Fillon ou à l’anticipation de ses effets. L’impact financier de la réforme pouvait donc être préparé au sein des entreprises sans trop de difficultés. C’était sans compter sur l’entrée en vigueur de deux dispositifs complémentaires instaurés en 2008 en faveur des revenus du travail.

Premier dispositif : le remplacement, dans la formule de calcul de la réduction Fillon, du Smic par le salaire minimum national professionnel applicable à l’entreprise. Cette réforme devait entrer en vigueur au 1er janvier 2011 afin de permettre aux branches de négocier sur leur salaire minimum. Elle aurait abouti à une drôle de conséquence : une diminution du montant de l’allègement Fillon applicable aux salariés des entreprises ressortissantes d’une branche n’ayant pas porté son minimum conventionnel au niveau du SMIC. Or, au 1er janvier 2011, une branche sur 10 aurait été impactée par cette conditionnalité. C’est la raison pour laquelle le ministre du Travail a annoncé le report à 2013 de ce mécanisme de conditionnalité de la réduction Fillon lié au minimum conventionnel de branche inférieur au Smic. Les entreprises auraient ainsi pu avoir une nouvelle surprise et surtout, de mauvaises nouvelles à l’occasion d’un contrôle Urssaf.

Second dispositif : la conditionnalité d’une réduction Fillon à taux plein, fonction de l’obligation annuelle de négocier sur les salaires. Cette obligation pour les entreprises dotées d’un délégué syndical, conduit, lorsqu’elle n’est pas remplie, à une minoration de 10 % de la réduction Fillon au titre des rémunérations versées cette même année. Une suppression totale de l’allègement général est prévue lorsque l’employeur ne remplit pas cette obligation pour la troisième année consécutive.

Il appartient donc aux entreprises concernées d’ouvrir des négociations sur le sujet et de conserver, le cas échéant, les PV de carence. Car, en la matière, le ministre du Travail a annoncé qu’il allait durcir le ton. Dans son discours du 14 décembre dernier, lors de la Commission nationale de la négociation collective, Xavier Bertrand rappelait qu’il allait demander « à l’ACOSS d’intensifier les contrôles pour veiller à l’application de ce dispositif par les entreprises ».
Les entreprises sont donc prévenues. Le montant de leur réduction Fillon va diminuer cette année, voire pour certaines, complètement disparaître… Annoncée comme une mesure « progressive », l’annualisation et ses 2,2 milliards d’économies risque de n’être que la première étape de la longue route qui nous mènera irrémédiablement vers le recyclage de la réduction Fillon…

Par Daniel MARTINS
Docteur en droit,
Directeur prospective et développement technique LEYTON

Mardi 22 Mars 2011




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