Les nouvelles règles du crédit à la consommation : des enjeux stratégiques et des conséquences concrètes dans les process de vente

C'est un profond changement que la loi en débat au Parlement sur le Crédit consommation va introduire avant le 12 mai 2010 pour les consommateurs, les sociétés financières spécialisées et les commerçants.


Ce renouvellement du crédit à la consommation, inscrit dans la création d’un grand marché intérieur des services financiers et des règles de protection des consommateurs, engage des enjeux stratégiques qui impliquent des changements concrets dans les process de vente : nouvelles règles d'information et de protection du consommateur, nouveau mécanisme de sanctions, nouveaux risques associés à chaque étape de la souscription et, cela, pour tous les acteurs concernés.
L'investissement promet d’être lourd mais il sera d'autant plus indispensable que les règles nouvelles s'appliquent dans tout l'espace communautaire ouvrant ainsi, enfin, un grand marché fortement concurrentiel dans l'offre de crédit aux consommateurs européens. Anticiper cette évolution est vital en période de crise. CANTON-Consulting fait le point.

La loi en cours de discussion au Parlement a été examinée par le Sénat en première lecture, adoptée le 17 juin et transmise à l'Assemblée nationale dès le lendemain. Son examen en commission a déjà été engagé. Même si la date de son inscription dans l'ordre du jour de l'Assemblée Nationale n'est pas encore disponible sur le site de cette Assemblée, l'obligation d'avoir transposé la directive communautaire applicable le 12 mai prochain impose de manière certaine un calendrier serré et un examen à la session d'automne, malgré le poids traditionnel des débats budgétaires.

Les règles du crédit à la consommation sont en effet sur le point d’être profondément bouleversées non seulement du fait de la volonté affichée par le Gouvernement de promouvoir « le crédit responsable » et de prévenir le surendettement dans un contexte de crise mais aussi et surtout par la prochaine transposition en droit français de la Directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit à la consommation, que doit assurer le projet de loi en discussion. Cette directive est encore une directive d’harmonisation maximale.

Des règles nouvelles sur un champ d’application largement étendu
La Directive s’applique à toutes formes de contrats de crédit à la consommation à l'exception des crédits pour l’achat de biens immobiliers, des crédits hypothécaires, du crédit-bail, des découverts de moins d’un mois et des crédits gratuits. Désormais les crédits travaux seront donc couverts par le droit de la consommation. Elle concerne les crédits d’un montant compris entre 200 € et 75 000 €, quelle que soit leur durée (actuellement 21 500 € et plus de 3 mois).

Les objectifs poursuivis par la Commission européenne relèvent du même esprit que ceux qui ont présidé à la réforme et à l’harmonisation des systèmes de paiement : assurer à tous les consommateurs de la Communauté un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts en matière de paiements afin de créer un véritable marché intérieur homogène. Ce cadre nouveau va créer des obligations nouvelles à gérer en particulier dans la définition de l’information obligatoire communiquée à l’emprunteur à chacun des trois stades de la relation commerciale : publicitaire, précontractuel, contractuel. Ainsi la règle est fixée que le prêteur et, le cas échéant, l’intermédiaire doivent fournir au consommateur les informations adéquates afin que celui-ci soit en mesure de déterminer si le contrat proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière. Par ailleurs le délai de rétractation est porté à 14 jours calendaires, contre 7 jours actuellement, sans frais ni motif. Enfin elle impose la modification des règles sur les remboursements anticipés. Diverses autres mesures définissent un encadrement strict pour le développement du « crédit responsable ». Celles-ci se complètent par l'instauration d'une nouvelle sanction pour les prêteurs qui ne respectent pas le formalisme, une sanction redoutable : le prêteur qui ne respecte pas ces dispositions encoure en effet une sanction de nature civile qui consiste en la déchéance de son droit aux intérêts. L'emprunteur continuera donc à rembourser selon le calendrier convenu... Mais seulement le capital !

Un nouveau cadre applicable aux commerçants
Au sens de la directive, et donc de la prochaine législation française, les commerçants deviennent des « intermédiaires de crédit », dès lors qu’ils participent à la diffusion du crédit et en tirent un avantage, même purement commercial.

À ce titre, ils seront bientôt susceptibles d’être mis en responsabilité contractuelle par l’émetteur du crédit dont ils auraient placé le produit sans respecter les obligations d'information, de conseil voire de mise en garde et de contrôle. Comme exposé plus haut, ces obligations relèvent d’un véritable devoir de conseil analogue à celui que connaissent les banques. Il ne suffira pas de diffuser une information stéréotypée. Pour chaque vente de crédit, le conseil devra se fonder sur une analyse des caractéristiques du client. Un tel travail ne sera certainement pas facile à réaliser dans les schémas actuels d'organisation de la vente ou de la distribution de crédit dans les espaces commerciaux et notamment dans les grandes surfaces.

Une tentation pourrait alors être naturelle pour le commerce : se désengager d'une activité annexe longtemps rémunératrice mais qui va devenir génératrice de surcoût et de risque. Une telle option doit être attentivement mesurée avant d'être adoptée : ceux qui céderont à cette tentation se retrouveront mécaniquement à l'écart de l'essor de ce grand marché du crédit à la consommation impulsé par la nouvelle réglementation communautaire. Les commerçants doivent donc dès à présent envisager et organiser de nouveaux modes de fonctionnement pour la diffusion de crédits à la consommation. Un réexamen opérationnel des attitudes commerciales est à étudier et mettre en place rapidement.

Des risques à évaluer pour les maîtriser
Un des effets les plus immédiats de la nouvelle réglementation résultera des responsabilités nouvelles assumées par le commerçant toutes les fois où il sera considéré comme intermédiaire de crédit. Pratiquement, cela signifie que le commerçant devra suffisamment connaître les caractéristiques financières des crédits qu’il va proposer : Comment expliquer clairement ce qu'est un TEG (Taux Effectif Global), les contraintes de souscription, les risques encourus par l'effet du sur-endettement ? Il devient aujourd’hui indispensable pour être vendeur de crédit dans un commerce d’être au moins un bon généraliste du crédit conso, selon les nouvelles règles.

De la même manière c’est tout le process de vente qui doit être revu de manière à être compatible avec les obligations en matière de crédit : il ne s’agit plus d’abord de vendre puis de mettre en place le financement adapté, mais d’intégrer dès le départ la possibilité d’un financement à crédit à la démarche commerciale…au risque de vendre un crédit plus qu’un produit ou un service !

En outre la mise place d’une sorte d'obligation d'explication sur risque de « credit addiction » auprès des consommateurs va s'avérer redoutable. Dans tous les cas et quelle que soit l’ampleur des futures responsabilités, celles-ci vont obliger tous les "commerçants" à former leurs vendeurs à ce type d'explications qui devront évoluer entre incitation et prévention. Après « fumer tue », « Manger fait grossir, pour votre santé, pratiquez une activité physique régulière » ou « Mangez 5 fruits et légumes par jour », les consommateurs vont s'habituer à la formule : « tout crédit doit être remboursé ». Quelle sera alors la réaction du consommateur ? la crainte de rentrer dans le processus pourra se traduire au final par une injonction implicite : « consommez moins mais payez tout de suite ».

Des investissements sur la formation des collaborateurs, l'organisation physique des espaces commerciaux où seront traités les mises en place des financements à crédit et l'organisation des sites de ventes en ligne seront le prix à payer pour être au rendez-vous d'une nouvelle offre de crédit consommation apportée par le grand marché intérieur européen, particulièrement précieuse est attendu dans le contexte de crise dans lequel l'économie et le commerce se sont installés.

Ce sera donc l'occasion ou jamais de repenser la relation commerciale au moment du paiement : un point de passage assurément obligé de tout acte de commerce et un élément de plus en plus déterminant pour faciliter le « passage à l'acte » de l'acheteur.

Yves BONNEMAIN et Yves LANGLOIS
Experts Services de Paiement : experts du cabinet Canton Consulting, le think tank des nouvelles dynamiques du paiement
Canton Consulting
9-11, Av FD Roosevelt,
75008 Paris
www.cantonconsulting.eu

Mercredi 23 Septembre 2009


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