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Les fusions & acquisitions, un nouveau cycle (Edmond de Rothschild AM)

Les derniers mois ont vu la multiplication des opérations de fusions / acquisitions que l’on pouvait attendre. De manière tout aussi logique, le phénomène atteint un degré d’internationalisation sans précédent. Non seulement le nombre des acquisitions transnationales et transcontinentales progresse, mais une proportion croissante d’entre elles se font entre zone développée et zone émergente. L’enjeu est devenu vraiment mondial.


Malgré l’accélération depuis le deuxième trimestre 2009, l’échelle du phénomène est encore modeste, puisque les volumes sont égaux à ceux de la fin de 2004 (soit la moitié de ceux de 2007, le sommet du cycle), aussi bien en termes de nombre d’opérations que de leur valeur.

Historiquement, les cycles de fusions & acquisitions suivent ceux de l’économie réelle, mais la crise financière de 2008-2009 est un souvenir trop récent pour ne pas freiner les initiatives, tant du côté des entreprises que de ceux qui les financent. Le retour progressif de l’environnement économique et financier à des conditions plus normales implique pour les entreprises un retour de leurs objectifs stratégiques au premier rang de leurs préoccupations.


LES FUSIONS & ACQUISITIONS : POURQUOI ?

L’acquisition d’une entreprise par une autre est depuis longtemps une réalité de la vie des affaires. Pour une entreprise, chercher à accélérer sa croissance est la motivation la plus simple de la croissance externe. Gagner du temps par rapport à la croissance interne, en réduire le coût et les aléas est l’objectif premier, mais il est loin d’être le seul possible. Le but peut également être défensif (échapper à un prédateur en gagnant en taille). Du point de vue de la logique économique, l’idée dominante est celle des synergies que peuvent dégager deux entreprises qui réunissent leurs activités et leurs moyens, et si les considérations financières ne sont jamais absentes, elles ne sont pas nécessairement les seules ou les plus importantes.

Dans son expression la plus simple, la croissance externe vise à : acquérir des parts de marché (Hertz prenant le contrôle de Thrifty dans la location de voitures), atteindre une masse critique sur un marché, réaliser des économies d’échelle (outil de production, fonctions d’achat). Dans une deuxième étape, la société absorbante réorganisera la société absorbée pour dégager les synergies de tous ordres (opérationnelles, commerciales) et exploiter les complémentarités existantes. La démarche de GDF Suez prenant le contrôle de International Power est un bon exemple de ce type de stratégie.

Variante de l’idée précédente, une entreprise cherchera à éliminer un concurrent en l’acquérant, transformant en sa faveur le rapport de force vis-à-vis des autres acteurs de ce marché.

Fréquemment, une entreprise cherchera à développer un axe stratégique complémentaire : acquisition dans le secteur de la santé par 3M, destinée à capter la croissance des dépenses dans ce domaine. Le projet d’acquisition de Genzyme par Sanofi - Aventis correspond à la même idée, en visant des capacités en recherche biotechnologique, dont l’acquéreur ne dispose pas. Dans d’autres hypothèses, une société voudra réduire sa sensibilité à un secteur peu rentable et peu porteur par l’addition d’un nouvel axe où la croissance est plus forte ; il sera plus rapide de le faire par une acquisition.

L’idée sera souvent de renforcer ses marges en ajoutant des produits complémentaires de ceux de la société qui acquiert : étoffer une gamme ou servir un même marché (Safran-Zodiac dans le secteur aéronautique).

L’action commerciale a une place éminente dans les motivations des acquéreurs : acheter une marque, réunir des marques, comme on l’a vu dans le secteur du luxe, ou faire l’économie de la constitution d’un réseau de distribution (en termes de coût financier et en termes de temps consacré) en enrichissant la gamme des produits distribués. Le développement d’une présence géographique sans avoir à la bâtir en partant de zéro est l’un des grands objectifs. L’achat de Cadbury par Kraft (novembre 2009) est une opération qui réunit plusieurs des motivations citées plus haut.

L’objectif de réduire le coût et le délai d’un développement technologique jugé indispensable sur le plan stratégique a été très présent dans certaines opérations récentes a été. On rangera dans cette catégorie l’achat par Intel de l’éditeur informatique McAfee, spécialisé dans la sécurité, ou encore l’achat de 3PAR (stockage informatique) par Hewlett-Packard.

La stratégie n’est pas seulement celle de croître plus vite, mais de s’intégrer vers l’amont ou vers l’aval : un sidérurgiste acquérant un gisement de minerai de fer afin de sécuriser ses approvisionnements (et stabiliser le prix de ces approvisionnements). C’est une démarche fréquente dans les entreprises du monde émergent (nombreux exemples en Chine, en Russie) et qui vaut pour bien des secteurs de première transformation (énergie, matières premières).

Enfin, l’évolution de la réglementation internationale peut pousser à des opérations entre les acteurs les mieux placés et les moins bien placés, ainsi les nouvelles réglementations bancaires (Bâle III) devraient conduire à la poursuite de la restructuration du secteur. Deutsche Bank a ainsi pris le contrôle total de Deutsche Postbank en faisant l’acquisition de 70% des actions qui lui manquaient.

POURQUOI CE REGAIN D’INTÉRÊT MAINTENANT ?

La convalescence se termine
Le coût du dernier cycle de fusions et acquisitions a été élevé. En pleine crise économique et financière, le poids conjoint de la dette utilisée pour financer les opérations et l’amortissement des survaleurs a mis plus d’une entreprise en péril, au moins sur le plan de la rentabilité. Motivés par ces échecs ou par des réorientations stratégiques, les désengagements (AIG, Carrefour) suscitent l’intérêt d’autres sociétés. Banco Santander a ainsi repris la participation que Allied Irish détenait dans la banque polonaise Zachodni. Le développement d’un marché de cessions d’actifs est une dimension importante de la reprise des fusions & acquisitions.

Le goût du risque revient
Bien que le souvenir des conséquences d’une prise de risque excessif soit encore bien présent, les dirigeants d’entreprise connaissent le danger d’une trop grande prudence face à leurs concurrents. Cet aspect semble particulièrement présent dans la technologie où les opérations se sont multipliées récemment. Le redressement de la rentabilité et la croissance des cash-flows ont redonné à beaucoup de sociétés les moyens d’engager une stratégie à moyen terme. En ce sens, la reprise des opérations de fusions-acquisitions est une indication d’un changement d’attitude durable dans les entreprises. Les marchés actions sont encore indécis, mais les entreprises ont un horizon à plus long terme et d’autres objectifs. Lorsque les conditions de la croissance sont réunies, et la croissance externe est un des
moyens d’atteindre leurs objectifs.

L’environnement financier est à nouveau favorable
Le coût de la dette rapporté à la rentabilité interne est bas. L’accès au marché du crédit est à nouveau ouvert (y compris dans le haut rendement) et l’attitude des banques s’est assouplie au cours des derniers mois. Les fonds de private equity pourraient être moins présents dans l’animation du marché, car ils ont été souvent victimes en 2006-2007 d’opérations imprudentes et mal contrôlées (valorisations excessives, fort effet de levier). Toutefois, les grands intervenants du secteur (Blackstone, TPG) gardent des ressources importantes. L’opération de CVC sur Sunrise (second opérateur téléphonique suisse), la plus grosse depuis deux ans, montre que les banques acceptent à nouveau d’apporter leur financement.

Les évaluations sont attractives
Qu’on les considère sous l’angle de la valeur d’actif net ou de la rentabilité intrinsèque, les évaluations des actions cotées sont attractives. Elles le sont particulièrement sur les sociétés qui ne sont pas encore pleinement remises de l’épreuve de 2008-2009, et c’est un attrait particulier de la situation actuelle pour les acquéreurs potentiels. Ces entreprises sont vulnérables en tant que cibles alors que le marché boursier sous-estime la valeur de leurs actifs (industriels, marques, parts de marché…). Le potentiel de redressement de leur rentabilité est réel pour un acheteur ayant les moyens de le mener à bien.

DÉJÀ LE SOMMET DE LA VAGUE, OU UN CYCLE LONG ?

La reprise des activités de fusions & acquisitions a suscité jusqu’à maintenant plus de scepticisme que de confiance dans la poursuite du phénomène. La phase initiale du cycle précédent (2003) avait provoqué la même réaction. Les opérations n’ont pas encore le caractère spectaculaire de certaines opérations phare de la période 2005-2006 et la moyenne reste d’ampleur modeste. Seul le secteur minier a connu des opérations ou des tentatives de grande envergure (BHP sur Potash of Saskatchewan).

La logique financière et économique n’a pas changé et l’histoire montre que, une fois engagé, ce type de processus a tendance à se poursuivre. Les opérations arrivent en cascade, les initiatives des uns provoquent celles des autres. Un autre facteur d’animation du marché réside dans la volonté de sociétés propriétaires d’une partie du capital d’une autre de porter à 100% leur participation (ACS et Hochtief dans le secteur européen de la construction).

Bénéficiant d’un cycle propre, le secteur des mines d’or a atteint récemment un plus haut en termes de volume d’opérations réalisées. Au début du mois de septembre, leur montant représentait près de 38 milliards de dollars depuis le début de l’année.

Malgré les différentes vagues de concentration qui se sont succédé depuis quarante ans, beaucoup de secteurs pourraient encore connaître de nouvelles étapes de regroupements.

La constitution par étapes successives de leaders sectoriels nationaux, puis régionaux, et finalement mondiaux est loin d’être terminée. Dans le secteur des équipementiers automobiles, un vaste mouvement de consolidation s’est ainsi accentué cette année, sous la pression des constructeurs. Les acteurs en provenance du monde émergent, désormais clé, présentent une taille importante, disposent de moyens financiers mais restent le plus souvent des forces locales. Ils ont l’ambition de développer une présence stratégique, nécessairement mondiale. A ce jour, il y a peu d’exemples comparables à Arcelor-Mittal, mais il y a toutes les raisons pour qu’ils se multiplient. L’offre récente de Korea National Oil Corp sur le britannique Dana Petroleum le montre bien.

La hausse du yen est également un nouveau facteur et les acquisitions initiées par les sociétés japonaises se sont multipliées depuis un an grâce aux moyens que leur donne la hausse de la devise (opérations dans le secteur pharmaceutique, achat de OCE par Canon).

Toutes les régions sont concernées, mais la zone émergente a enregistré une accélération des opérations initiées par les sociétés étrangères (le Brésil par exemple), une preuve du caractère international de cette reprise. L’axe émergentémergent devient un segment très actif, avec par exemple l’acquisition de Zain Africa (télécommunications) par Bharti Airtel (même secteur en Inde) ou celle de TAM (Brésil) par LAN (Chili) dans le transport aérien.

LA PLACE DE L’EUROPE

En relatif, les marchés européens sont les moins chers (en taux de capitalisation et en valeur d’actif nette) et les cibles ne manquent pas parmi les entreprises européennes. De plus, beaucoup de ces entreprises présentent l’avantage supplémentaire d’avoir des implantations internationales. Complément d’une première opération, l’achat de la totalité du néerlandais Crucell (vaccins) proposé par Johnson & Johnson (pharmacie, matériel médical) est un bon exemple de cette démarche. Le secteur bancaire n’est certainement pas sorti de sa phase de restructuration (Espagne, Allemagne, Grèce) et beaucoup d’autres secteurs devront connaître consolidations et regroupements face à des géants sectoriels qui sont en voie de se constituer en dehors de l’Europe et qui viennent bouleverser les données concurrentielles de telle ou telle industrie.

Par ailleurs, et même si sa croissance est faible comparativement, l’Europe est la première zone économique mondiale, une donnée stratégique pour des entreprises venant d’autres zones et soucieuses de construire une présence réellement mondiale.

UN THÈME D’INVESTISSEMENT PROMETTEUR

Ce thème présente un intérêt direct pour l’investisseur. En sélectionnant avec rigueur les sociétés qui sont les cibles potentielles des acquisitions, il bénéficiera des primes que l’acquéreur doit accepter par rapport au prix du marché pour atteindre son objectif. Ces primes peuvent être substantielles (52% dans le cas de McAfee) lorsque l’opération a un caractère hostile ou lorsque plusieurs acquéreurs potentiels s’affrontent. Les primes ont enregistré une hausse qui en amène la valeur moyenne à 27% au troisième trimestre 2010, son meilleur niveau depuis le premier trimestre 2009.

TYPES DE PAIEMENTS

L’investisseur peut aussi bénéficier d’une opération à travers le caractère relutif sur le plan des résultats de la société qui réalise l’opération. Toutefois, l’horizon temporel est plus long, même si des acquisitions réalisées pendant la crise financière se sont révélées très rapidement positives pour l’acquéreur (achat de Fortis par BNP-Paribas).

Le type de paiement aux actionnaires existants a son importance. Outre la question de la prime, les meilleures conditions sont celles où l’acquéreur achète directement, mais celui-ci peut choisir de payer sous forme d’échange de titres (exemple récent : ACSHochtief), ce qui expose aux aléas du marché sur les titres reçus. Une autre formule associe liquidités et titres, dans des proportions variables.

CONCLUSION

Pour la société qui réalise une acquisition, les avantages dépassent aujourd’hui largement les risques. Ces derniers sont toujours présents et le risque d’exécution constitue le premier d’entre eux : intégrer deux sociétés peut se révéler complexe (confl it de cultures, stabilité des équipes). Du moins, le niveau modéré des valorisations actuelles sur les actions réduit le risque financier. Pour les opérations impliquant de grandes sociétés, le risque de la réglementation anti-monopole ou encore le risque politique (comme certaines sociétés chinoises (Cnooc, Anshan) ont pu en faire l’expérience aux Etats-Unis) est une dimension qui n’est pas absente.

L’environnement économique comptera autant que les conditions financières, mais les modalités d’acquisitions (valorisations, primes, paiement en titres ou non) influenceront aussi la durée de ce cycle. L’échelle encore modeste de la vague actuelle suggère qu’elle n’en est qu’à ses débuts car, une fois lancé, le phénomène a une inertie qui lui est propre, si le contexte financier reste favorable.

La présence réduite d’un secteur de private equity moins puissant qu’autrefois limitera peut-être les risques d’excès. Beaucoup plus que les acteurs financiers, ce sont avant tout les entreprises qui ont aujourd’hui l’initiative. Le cycle devrait donc être plus raisonnable que le précédent. Autant ou plus que les volumes, les indications de surchauffe sur les fusions & acquisitions ou d’un possible retournement du cycle seront données par la tension sur les primes payées par les acquéreurs. La situation actuelle est loin des niveaux d’alerte de 2007.

Par Pierre Ciret
Economiste Edmond de Rothschild Asset Management

Avertissement
Les données chiffrées, commentaires et analyses figurant dans cette présentation refl ètent le sentiment du Groupe Edmond de Rothschild et de ses filiales sur les marchés, leur évolution, leur réglementation et leur fiscalité, compte tenu de son expertise, des analyses économiques et des informations possédées à ce jour. Ils ne sauraient toutefois constituer un quelconque engagement ou garantie du Groupe Edmond de Rothschild ou de ses filiales. Tout investisseur potentiel doit se rapprocher de son prestataire ou conseiller, afin de se forger sa propre opinion sur les risques inhérents à chaque OPCVM et sur leur adéquation avec sa situation patrimoniale et personnelle. A cet effet, il devra prendre connaissance du prospectus simplifié de chaque OPCVM remis avant toute souscription et disponible sur simple demande au siège social de Edmond de Rothschild Asset Management ou sur le site edram.fr. Les données contenues dans cette fiche ne sont ni contractuelles, ni certifiées par les commissaires aux comptes. Ce document est exclusivement conçu à des fins d’information. Les chiffres cités ont trait aux années écoulées. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures.

Lundi 18 Octobre 2010




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