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Les frais de recouvrement de créance entrepris sans titre exécutoire demeurent à la charge du créancier.

Dans un arrêt du 20 mai 2010 la deuxième chambre civile de la cour de cassation a rendu un arrêt stoppant les dérives de certaines sociétés de recouvrement de créances qui, outrepassant les relations contractuelles entre le créancier et son débiteur, utilisaient l’article 4 du décret du 18 décembre 1996 pris en application des dispositions de l’article 32 alinéa de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991, qui stipule que « sauf s’ils concernent un acte dont l’accomplissement est prescrit par la loi au créancier, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire, restent à la charge de celui-ci », pour réclamer des frais injustifiés ou exhorbitants aux débiteurs.


Si l’intérêt financier du litige soumis à la Haute Cour était modeste, la solution de celui-ci était d’importance, tant pour le consommateur débiteur malheureux, que pour les sociétés de recouvrement de créances.

Ces « frais », et la mise à la charge de ceux-ci au débiteur, ont toujours été contestés par les associations de consommateurs, et le principe et/ou les montants appliqués par une partie des professionnels du recouvrement.

1/ les principes :

Les frais de recouvrement de créance entrepris sans titre exécutoire demeurent à la charge du créancier.

Il y a lieu déjà à ce stade, d’opérer une distinction entre les créances civiles (B to C) et les créances commerciales ou professionnelles (B to B).

La loi « LME » prise en prise en application de règles européennes impose des conditions strictes pour les créances entre professionnels, ces créances ne pas sont visées par l’arrêt du 20 mai 2010.

Seules sont visées par l’arrêt du 20 mai 2010, les créances civiles pour lesquelles aucune disposition législative ou réglementaire n’existe. Il existe notamment des dispositions issues de textes spécifiques notamment, en droit des asssurances et en droit bancaire, textes mettant à la charge du débiteur les frais de recouvrement avant l’obtention du titre exécutoire.

Le juge de l’exécution saisi à la demande du créancier, peut mettre à la charge du débiteur de mauvaise foi les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire.

Tel n’était pas le cas en l’espèce, la juridiction étant saisie par le débiteur, qui réclamait des dommages-intérêts du fait des agissements d’une société de recouvrement de créances, laquelle lui réclamait, outre le principal des sommes dues, des frais de recouvrement qu’il estimait injustifiés.

2/ la problématique :

La question tranchée par la Haute Cour dans le cadre strict de son contrôle de légalité se résumait ainsi :

L’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 et l’article 4 du décret du 18 décembre 1996 autorisent-ils les sociétés de recouvrement de créances à percevoir des frais en contrepartie de l’exécution des diligences prescrites par ce dernier texte, à savoir :

- Adresser une mise en demeure au débiteur contenant un certain nombre de mentions
- Délivrer une quittance

Ces frais issus d’actes accomplis par la société de recouvrement de créances, en tant que « mandataire » peuvent-ils être mis à la charge du débiteur, où s’intègrent-ils dans le processus du recouvrement d’une créance pour lequel aucun texte spécifique ne les met à la charge du débiteur.

3/ La solution et son fondement

La Haute Cour a tranché en indiquant notamment que « les frais réclamés par la société de recouvrement au débiteur ne correspondaient pas à l’accomplissement d’un acte prescrit par la loi au créancier »

Cette décision de la Haute Cour a été rendue sous le visa de l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991, elle en indique clairement que les dispositions de l’article 4 du décret du 18 décembre 1996 ne constituaient pas une formalité prescite par la loi au créancier et qu’à ce titre ils ne pouvaient pas être mis à la charge du débiteur.

En clair, et par déduction, les dispositions de l’article 4 du décret du 18 décembre 1996 sont des règles qui régissent l’exercice de la profession du recouvrement de créances, elles ne peuvent être considérées comme des règles « portant réglementation de l’activité des personnes procédant au recouvrement amiable de créances », tel est d’ailleurs l’intitulé du décret du 18 décembre 1996, décret pris en application des dispositions de l’article 32 alinéa 5 de la loi du 9 juillet 1991.

4/ Discussion

Avant tout, et bien que les conséquences de l’arrêt soient d’une importance vitale au plan économique pour les professionnels du recouvrement, ( la perception de ces « frais » représentent parfois 100% voire plus, du montant de la créance recouvrée dans le « B to C »), et bien que les associations de consommateurs aient été présentes (parties au procès) devant la Haute Cour, aucune des instances représentatives des sociétés de recouvrement de créances n’était présente bien que l’une d’elle ait publiée en son temps sur son site la décision contestée du juge de proximité de Marseille, en l’ayant considéré comme la reconnaissance « jurisprudentielle » du bien-fondé des frais ainsi réclamés.

Cette absence confirmant l’abandon par les instances représentatives, de leurs membres, abandon se traduisant depuis toujours par la célèbre phrase « il est urgent d’attendre ». Tel avait déjà été le cas, il y a quelques années dans les litiges opposant « les mandataires » aux avocats, tel a aussi été le cas récemment dans le cadre de l’application des textes régissant les ARP pour laquelle les mesures prises n’ont pas eu pour conséquence la reconnaissance du caractère spécifique d’exercice de la profession du recouvrement de créances , mais son adoubement.

5/ Quelles conséquences tirer de l’arrêt du 20 mai 2010.

De nombreuses sociétés de recouvrement de créances, ont courant 2009 début 2010 reçues la visite d’agents des DRCRF venant vérifier le respect par celles-ci des dispositions de l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 et des dispositions du décret du 18 décembre 1996.

Toutes ont été interrogées sur le fondement des frais réclamés au titre de l’article 4 du décret du 18 décembre 1996.

La réponse de l’administration a été claire « cette façon de procéder est contraire aux dispositions de l’article 32 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991 et par l’article 1999(i.e. lire 1139) du code civil et est susceptible de constituer une pratique commerciale trompeuse, suivant les dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation ».

Depuis cette décision du 20 mai 2010, le « est susceptible de constituer » s’est donc transformé en « constitue », avec tous les sanctions et risques encourus en application des dispositions des articles L121-1 et suivants du code de la consommation.

Il est donc urgent et impératif que les sociétés de recouvrement de créances mettent en conformité leurs procédures au regard de l’arrêt du 20 mai 2010, sauf à risquer de tomber sous le coût des sanctions prévues les L 121-1 et suivants du code de la consommation.

Il est aussi impératif et urgent d’engager les sociétés de recouvrement à axer leurs interventions auprès des créanciers en leur démontrant que leurs interventions constituent l’une des phases du recouvrement de leurs créances, ce que certaines ont déjà fort bien assimilé en proposant des formules d’outsourcing et de gestion de portefeuille, pour mettre en conformité leurs interventions avec les dispositions de l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991.

Cette décision ne déplaira pas forcément aux Majors de la profession qui ont intégré depuis de nombreuses années leurs interventions dès la naissance de la créance et très en amont de la créance impayée et reconnue comme telle.

Elle aura malheureusement pour conséquence de fragiliser encore un plus les structures de recouvrement de créances de peite et moyenne taille dont les résultats sur les deux dernières années sont très nettement en baisse et pour qui les frais issus de l’article 4 représentent parfois plus de 20% de leur chiffre d’affaire.

Devant tout cela, quelle attitude adopter ?

- Faut-il faire profil bas et se résigner,
- Faut-il passer à l’attaque et faire reconnaître l’utilité économique d’une profession ?

Que font ou feront les instances représentatives ?

Pour l’avoir vécu de l’intérieur, les conflits d’intérêts sont tels au sein de celles-ci, l’intérêt particulier primant la plus part du temps sur l’intérêt collectif, que rien de bon n’en est à attendre, si ce n’est des « parlotes », c’est ce que le « passé » a démontré et c’est ce que je souhaite que le présent et futur proche « fasse mentir » !

A bon entendeur !

6/ Droit comparé et prospective


L’examen des diverses réglementations européennes en matière de recouvrement « B to C » devraient nous donner l’exemple, d’aucuns en France s’élèvent contre celles-ci et leurs principes, ils ont au moins le mérite d’être clairs.

Sans vouloir citer de nombreux exemples, les interventions dans bon nombre de pays européens (Norvège notamment) sont strictement réglementées et tarifées, elles garantissent à chaque stade de la procédure amiable la légalité des procédures et tarifient les frais mis à la charge du débiteur et ceux restant à la charge du créancier et les y contraignent !

Avec pour conséquence simple, la stabilité et la parfaite légalité des ressources des sociétés de recouvrement de créances.

Ces principes protègent le débiteur mais pas seulement lui, elles fixent les règles du jeu en matière de coûts (ceux à la charge du créancier et ceux à la charge du débiteur) et empêchent les enchères « négatives » auxquelles ont assiste sur le marché du recouvrement de créances et du rachat de créances en France.

Ils supprimeraient les pratiques illicites de certaines officines qui promettent aux créanciers 0% de frais de recouvrement !

La réglementation des frais et de leur montant ne serait pas en soi incompatible avec la « liberté du commerce », contrairement à ce que certains pourraient plaider.

Elle permettrait un juste équilibre entre le débiteur et le créancier, distinguant ce qui est normalement à charge de celui qui donne mandat pour recouvrer sa créance en ses lieux et place, et celui qui a omis de payer ce que légitimement il devait.

7/ Portée de l’arrêt

Contrairement à la doctrine développée depuis de nombreuses années par certains juristes des organisations syndicales patronales on ne peut pas faire « tout et n’importe quoi » !

L’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 ne régit nullement :

- la lettre adressée au débiteur en vertu de l’article 4 du décret du 18/12/96
- la quittance prévue par l’article 5 du décret du 18/12/96

Le décret du 18 décembre 1996 ne fait que réglementer l’activité des personnes procédant au recouvrement amiable de créances, il n’organise nullement les relations financières entre l’agent de recouvrement et le débiteur, il met à la charge du premier des obligations se traduisant par des actes juridiques, à aucun moment il ne met des frais de quelque nature que ce soit à la charge du débiteur.

Bien plus, et pour clarifier son intention, le législateur a écrit dans l’article 32 alinéas 3 et 4 « sauf s’ils concernent un acte prescrit l’accomplissent est prescrit par la loi, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier .Toute stipulation contraire est réputée non écrite. Cependant le créancier qui justifie du caractère nécesaire des démarches entreprises pour recouver sa créance peut demander au juge de l’exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi »

Ce qui signifie très clairement que le législateur a entendu faire supporter au créancier toutes les démarches qu’il entreprend pour recouvrer sa créance, en ce compris l’intervention d’une société de recouvrement et par voie de conséquence la totalité des coûts inhérents à cette intervention ; donnant au surplus obligation aux sociétés de recouvrement de créances (article 4 3° du décret du 18 décembre 1996) d’indiquer « le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts, et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, et à l’exclusion des frais qui restent à la charge du créancier en application du troisième alinéa de l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991 »

En résumé, tous les frais issus de la combinaison des articles 32 de loi du 9 juillet 1991 et ceux-ci issus du décret du 19 décembre 1996, et entrepris sans titre exécutoire, sont donc à la charge exclusive du créancier, à charge pour celui-ci de saisir au cas par cas le juge de l’exécution pour se faire indemniser face au débiteur de mauvaise foi, à l’exception de ceux-mis par la loi dans quelques cas particuliers (mesures conservatoires, protêts et avis d’impayés de LCR ou BO et chèques sans provision, droit des assurances) à la charge du débiteur.

La Haute Cour dans son arrêt du 20 mai 2010 n’a fait que le rappeler, et ce faisant, a indirectement confirmé que le mandat confié par un créancier à une société de recouvrement de créances et les frais y afférents s’inscrivent dans le processus normal de recouvrement d’une créance et sont à la charge exclusive du créancier.

L’on pourra bien entendu enfin arguer de l’article 1139 du code civil qui définit les contours de la mise en demeure, et de sa combinaison avec les formalités prescrites par l’article 4 du décret du 18 décembre 1966, cet argument sera mis à néant par la motivation retenue par la Haute Cour, qui appliquant littéralement les termes de l’article 32 de la loi du 9 juillet 1991, a par avance tranché, en rappelant « que les frais réclamés (article 4 du décret) par la société de recouvrement de créances au débiteur ne correspondaient pas à l’accomplissement d’un acte prescrit par la loi au créancier »

Christian COTTENCEAU
Licencié en Droit Privé
Maître en Droit de l’entreprise
Expertises Conseils et Développement d’Entreprise
9, rue du four dieu
45200 MONTARGIS
cottenceau.christian2@wanadoo.fr

Ancien Vice-Président de l’ANCR
Ancien membre du Board de la FENCA

Jeudi 2 Septembre 2010




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