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Les Immatériels Actifs, le nouveau modèle de croissance

Entretien avec Jérôme JULIA, Directeur chez Kea&Partners, et co-auteur avec Hervé Baculard de l’ouvrage "Les Immatériels Actifs, le nouveau modèle de croissance" (éditions du Cherche Midi, 2011)


Jérôme Julia
Jérôme Julia
M. Jérôme Julia, bonjour, que sont les actifs immatériels ?

Bonjour. Tout d’abord une heureuse découverte, qui révèle à nos entreprises françaises et européennes qu’elles sont finalement beaucoup plus riches qu’elles ne le pensent. Les actifs immatériels sont une source de singularité et de création de valeur renouvelable pour l’entreprise : l’intérêt est évident pour toutes les parties prenantes de l’entreprise.
On désigne par actif immatériel tout actif, autre que matériel ou financier, qui produit d’une manière ou d’une autre de la richesse pour l’entreprise, ou est en potentialité de le faire. Les actifs immatériels apparaissant sous de multiples formes, il s’agit d’un patrimoine extraordinairement multiple. Une tradition, un savoir-faire à la fois culinaire et social peut être considéré comme un actif immatériel. Pour illustration, la gastronomie française, inscrite récemment au patrimoine mondial de l’humanité (UNESCO), constitue un actif immatériel de la marque France.
Pour illustration, on trouve au cœur de l’ADN de McDonald’s beaucoup d’immatériel : une gouvernance performante autour d’un parlement des franchisés ; des relations fournisseurs extrêmement robustes ; une culture de co-innovation et co-investissement, etc…

Les entreprises mesurent-elles bien leurs actifs immatériels ?

A l’évidence non, rien ne les a vraiment incitées à le faire jusqu’ici, mis à part le bon sens de certains dirigeants éclairés.
Souvenez-vous du « paradoxe de Solow » sur l’informatique. L’économiste Robert Solow Prix Nobel en 1987 aurait dit : "On voit des ordinateurs partout sauf dans les statistiques de productivité". Il en va de même pour les immatériels : ils sont partout sauf dans nos reporting ou dans nos outils d’analyse financière.
La communication financière elle-même, terrain de rencontre entre l’entreprise et ses parties prenantes, a été jusqu’ici souvent guidée par la prudence voire la culpabilité. Elle permet rarement à l’entreprise de parler de ses vraies richesses et expliciter comment elle va durablement générer de la valeur et mieux la répartir.
Au final, quel que soit le secteur d’activité, c’est la majeure partie de la valeur produite qui échappe au pilotage et à la gouvernance de l’entreprise. Imaginez votre maison ou votre appartement chauffé en hiver, mais avec toutes ses fenêtres grandes ouvertes !

Pourquoi activer ces immatériels ?

Tout d’abord, l’actionnaire, le dirigeant et le manager doivent prendre conscience qu’en jouant la carte des actifs immatériels, ils font le choix d’une entreprise qui évite l’écueil de la « destruction silencieuse », le choix d’une entreprise qui construit dans la durée en ayant la préoccupation de son patrimoine immatériel.
Ensuite, l’investissement dans l’immatériel s’avère extrêmement rentable. Nous proposons la mise en place d’un nouvel indicateur : le résultat d’exploitation immatériel (ReXi©), différence entre le price premium (prime de marque), et les coûts de singularité de l’entreprise sur son marché. Dans la majorité des cas étudiés, les taux de ReXi ressortent supérieurs au résultat d’exploitation classique. Par exemple, il est parfois plus pertinent d’investir dans la relation client pour fidéliser une communauté de consommateurs, plutôt que dans la rénovation physique d’un point de vente…
Enfin, pour doper la transformation des entreprises, il est nécessaire que les collaborateurs « portent » ces actifs immatériels, c’est-à-dire s’en occupent et les incarnent dans la durée. Cela crée du lien, de l’attachement dans l’entreprise, pour un résultat très puissant. Nous appelons la dette de l’entreprise vis-à-vis de ces « porteurs d’actifs » : son « passif immatériel »

Il existe donc un passif immatériel ?

Oui, et il ne s’agit pas d’un actif qui « aurait mal tourné ».
Si l’on tentait d’augmenter la vision économique de l’activité, un bilan étendu de l’entreprise pourrait être imaginé : tout ce que l’entreprise « a » comme capital immobilisé, actifs circulants et actifs immatériels, est équilibré au bilan par des dettes, ce qu’elle « doit » : dettes financières, actionnariales, dettes partenaire, sociales, sociétales, environnementales… et surtout dettes vis-à-vis de ses propres collaborateurs porteurs d’actifs. La différence entre actif et passif immatériel constituerait le ReXi, c’est-à-dire la dette de l’entreprise à un instant t vis-à-vis de tous les porteurs d’actifs qui contribuent à la création de valeur.

En d’autres termes, se séparer d’un salarié avec une importante ancienneté, c’est supprimer un créancier et la dette afférente. C’est tenter à court terme de capter l’actif immatériel dont il était porteur… qui ne manquera pas de s’éteindre comme se fane une fleur coupée.
A l’inverse, reconnaître la contribution aux actifs immatériels libère les énergies et redonne de la vitalité à l’entreprise !

Pour illustration, Jean-Paul Herteman, PDG de Safran, a donné début 2012 une explication du choix de Commercy, dans la Meuse, comme lieu d’implantation d’un nouveau site de production de pièces pour son moteur Leap. Ces éléments en matériaux composites nécessitent un savoir-faire proche de celui des filatures et les métiers Jacquard, particulièrement répandus dans l’Est. Un fil tissé entre le passé et l’avenir industriel de la France…

Justement, dans le contexte de compétition mondiale, nos entreprises sont-elles bien armées en immatériels ?

Chaque année, l’Allemagne investit 30% de plus dans l’immatériel que la France : 30% de plus en R&D, 30% de plus en formation professionnelle, … et 30% de plus en conseil en management.
Les immatériels sont pourtant des vecteurs forts de compétitivité des entreprises nationales, au-delà du coût du travail. Ils permettent aussi de bien définir le cœur de métier immatériel de l’entreprise.
Spécialisée dans les cosmétiques et senteurs de Provence et de Méditerranée, L’Occitane en Provence fait de ses immatériels le vecteur de son remarquable développement. L’Occitane a par exemple fait le choix de conserver le site de Lagorce (Ardèche), et d’y investir massivement dans la recherche-développement, la fabrication et la logistique. L’essentiel était ici de ne pas détruire le patrimoine immatériel du site : l’histoire de la marque Melvita portée par son fondateur ; la culture de réactivité, créativité, solidarité ; le savoir-faire en cosmétiques bio ; l’orientation écologique et touristique du site ; les relations avec les fournisseurs de plantes et de miel locaux, etc…
Un contre-exemple dans le même secteur pourrait être Sanoflore, racheté quelques années plus tôt par L’Oréal, dans la Drôme voisine. Dans ce cas, l’âme et l’identité de l’entreprise n’ont malheureusement pas pu être préservées.

S’agit-il d’un retour de flamme contre la financiarisation de l’économie ?

Plusieurs observations amènent à s’interroger sur la manière dont sont gérées les entreprises, grands groupes ou PME / ETI, aujourd’hui.
Tout d’abord, la prédominance de la valeur actionnariale (la shareholdervalue) sur toutes les autres, et l’injonction d’un retour sur capitaux investis de 15%. Dans les pratiques managériales, cette focalisation sur l’actionnaire a été parfois contrebalancée par la volonté de mettre le client au centre des systèmes de qualité ou d’amélioration continue. Au final, c’est avancer avec des œillères en focalisant le partage de la valeur tantôt sur l’actionnaire, tantôt sur le client,… et en négligeant certaines parties prenantes qui rendent possible cette création de valeur.

Ensuite, la gestion par les coûts, réputée vertueuse, aboutit régulièrement à « se couper un bras », comme par exemple avec l’externalisation de la production vers des pays à bas coûts. La gestion par les coûts nie souvent l’employabilité et les talents intrinsèques des collaborateurs (notamment les jeunes et les seniors), fait grossir le nombre de chômeurs, et remet en cause l’acceptabilité de notre économie.
Enfin, on constate une sortie progressive de la logique d’accumulation du capital (principalement financier), qui a pourtant permis le décollage du capitalisme dans la majorité des économies du monde. Il ne s’agit plus de capitaliser du matériel ou du financier (logique d’accumulation), mais bien d’activer de l’immatériel (logique de flux permanent). L’enseignement classique nous a appris qu’en raison des rendements décroissants (ce n’est pas parce que j’ai deux équipements que ma productivité va doubler), il devrait venir un moment où l’ajout d’une quantité supplémentaire de capital par tête coûte plus cher qu’il n’apporte. Ce raisonnement trouve sa limite ici : l’immatériel ne s’use que lorsque l’on ne s’en sert pas ! Par l’usage, l’investissement, la communication, l’interconnexion de l’immatériel de mon entreprise, je contribue à le renforcer.

L’économie de l’immatériel introduit une nouvelle vitalité, apporte du sens, et apparaît beaucoup plus accessible, égalitaire – en un mot « humaine » - que l’économie « matérielle ». Il faudra sans doute désapprendre beaucoup de nos croyances et nos réflexes managériaux pour accéder à ce nouveau monde.

Les Immatériels Actifs, le nouveau modèle de croissance
Pourquoi cet ouvrage ?

Cet ouvrage a été construit avec un professeur de stratégie d’HEC, et 9 praticiens de l’entreprise, managers chez Cartier, le PMU, Lafarge, ou Mondial Assistance… Avec eux, nous proposons des approches concrètes et des outils simples pour mieux identifier, mesurer et activer les immatériels. D’où le titre : « Les Immatériels Actifs ».

L’angle d’attaque est avant tout managérial et pratique. Il répond aussi à notre désir d’innovation et de prendre part aux débats de société actuels.

Au-delà des projets que nous menons avec nos clients, nous contribuons aux nombreux échanges sur les immatériels, comme levier de croissance des entreprises. Ce fut le cas au Medef le 15 mars dernier, par l’intermédiaire de l’Observatoire de l’Immatériel. Ce sera encore le cas tout au long de l’année 2012. Nous prévoyons un temps fort le 14 juin prochain, avec une grande conférence organisée par Kea&Partners sur le sujet.

Liens pour se procurer l'ouvrage :
www.amazon.fr/Les-immat%C3%A9riels-actifs-nouveau-croissance/dp/2749120934/ref=sr_1_3?ie=UTF8&qid=1333438425&sr=8-3
livre.fnac.com/a3680304/Herve-Baculard-Les-immateriels-actifs

Vendredi 6 Avril 2012




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