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Le système financier mondial, talon d’Achille de la reprise économique

Le système financier mondial continue de traverser une période de profonde incertitude et reste le talon d’Achille de la reprise économique.


Laurent Leloup
Laurent Leloup
D’après le scénario de référence la reprise en cours devrait certes se poursuivre et se traduire par un renforcement graduel des bilans, mais les progrès vers la stabilité financière mondiale ont marqué le pas depuis l’édition d’avril 2010 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR).

Les récentes perturbations des marchés obligataires souverains en Europe ont mis en évidence les vulnérabilités croissantes des bilans des établissements bancaires et des États issues de la crise. Si la situation financière s’est depuis améliorée grâce à une riposte résolue des pouvoirs publics qui a contribué à stabiliser les marchés de financement et à atténuer les risques extrêmes, de grandes incertitudes persistent sur les marchés. La production mondiale a connu une progression conforme aux prévisions initiales, les pays émergents ayant été particulièrement performants. Dans les pays matures les appuis temporaires sont en train de passer le relais à une demande privée plus durable. Cela étant, les bilans des États sont fortement exposés aux chocs de croissance, d’où une moindre certitude quant à la viabilité de la dette.

Dans cette conjoncture, les pays doivent s’atteler à plusieurs réformes fondamentales pour assurer la viabilité du système financier mondial et préserver la reprise :
1) faire face aux séquelles dont souffre le secteur bancaire, y compris, le cas échéant, en procédant à des recapitalisations ;
2) renforcer les fondamentaux qui sous-tendent les bilans des États ;
3) continuer à définir et à préciser la réforme réglementaire en s’appuyant sur les grandes améliorations proposées par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB).

Les progrès vers la stabilité financière ont été entravés par les turbulences qui ont secoué les marchés de la dette souveraine en Europe, où l’aggravation des vulnérabilités des bilans, tant des banques que des États, a suscité des préoccupations croissantes. Aux problèmes existants de viabilité des dettes souveraines sont venus s’ajouter la concentration des besoins de refinancement à court terme et le manque de diversification des investisseurs ; de ce fait certains États de la zone euro se sont vus exposés à des tensions de financement.

Ces tensions se sont étendues au secteur bancaire, rendant d’autant plus probable un sombre scénario d’assèchement du crédit, de ralentissement de la croissance et d’affaiblissement des bilans. La riposte énergique des autorités nationales et supranationales pour faire face aux risques souverains et rehausser la confiance dans le système financier, notamment grâce à la communication d’informations détaillées sur les bilans des banques, a contribué à stabiliser les marchés de financement et à maîtriser les risques, mais la situation reste fragile.

Chapitre 1 : Analyse des problèmes que doivent surmonter les pays avancés

Le chapitre 1 du rapport rend compte d’une analyse des problèmes que doivent surmonter les pays avancés face à l’effet conjugué d’une reprise lente, d’une dette et un refinancement en hausse et d’un secteur financier qui reste grippé. Le rapport part du principe que les bilans privés et souverains continueront de se renforcer à mesure que la conjoncture économique s’améliorera, et que des initiatives seront engagées pour faire face aux séquelles dont souffrent les principaux systèmes bancaires parallèlement aux importantes politiques de stabilisation. Cependant, l’intensification des risques macroéconomiques baissiers, les tensions de financement des États et l’aggravation des tensions sur les marchés de financement pourraient aboutir à un environnement difficile qui mettra les gouvernants à rude épreuve.

En Europe, les programmes de soutien coordonnés et l’annonce d’ambitieuses réformes budgétaires dans les pays aux prises avec les pires difficultés de financement ont contribué à maîtriser les turbulences dans la zone euro après leur soudaine aggravation en mai. Cependant, les risques souverains restent élevés car les marchés ne perdent pas de vue le lourd fardeau des dettes publiques, la dynamique défavorable de la croissance et l’intensification des risques de refinancement et des liens avec le système bancaire. Les banques de second rang et celles des pays où les écarts de taux souverains demeurent sous pression n’ont toujours qu’un accès limité aux marchés et doivent assumer des coûts grandissants. Bien que les États aient mis en place des dispositifs nationaux et supranationaux pour faire en sorte que les marchés continuent de fonctionner, des mesures énergiques restent nécessaires pour maintenir fermement le cap sur une plus grande résilience du secteur financier.

Aux États-Unis la stabilité financière s’est améliorée mais des poches de vulnérabilité subsistent dans le système bancaire. Bien que les banques aient pu mobiliser d’importants volumes de fonds propres, et que les demandes escomptées paraissent gérables, elles pourraient être amenées à mobiliser plus de capitaux pour faire face aux récentes tendances d’inversion du levier financier et éventuellement pour respecter les réformes réglementaires locales. Les faiblesses dans le secteur immobilier représentent un problème de plus pour les États-Unis. Dans une grande mesure, les besoins en fonds propres apparemment modestes des banques américaines s’expliquent par l’ampleur des entreprises bénéficiant de la garantie de l’État et par les autres interventions publiques, ce sans quoi ces besoins auraient été nettement supérieurs. Cela montre à quel point le risque a basculé des bilans privés aux bilans publics, et souligne la nécessité de répondre au fardeau imposé aux institutions publiques.

Au Japon, une perturbation à court terme du marché des titres d’État reste peu probable. Pour l’instant la stabilité de l’épargne intérieure et la solidité de l’excédent du compte courant rendent d’autant moins nécessaires les financements extérieurs. À terme, les facteurs qui sous-tendent aujourd’hui le marché obligataire japonais — niveau élevé de l’épargne privée, préférence pour le pays d’origine et absence de solutions de rechange aux actifs libellés en yens — devraient perdre en intensité avec le vieillissement démographique et le tassement de la population active.

Les pays émergents ont, dans l’ensemble, manifesté une grande résilience face aux tensions souveraines et bancaires des pays avancés, et la plupart d’entre eux ont continué d’accéder aux marchés de capitaux internationaux. Les effets de débordement se sont principalement limités aux régions qui entretiennent des liens économiques et financiers importants avec la zone euro. Vu l’actuel ralentissement de la croissance dans les pays avancés, les pays émergents présentent en général un attrait grandissant pour les investisseurs du fait de la solidité relative de leurs fondamentaux et de leur plus fort potentiel de croissance. Cette redistribution des actifs financiers à l’échelle mondiale risque de s’intensifier tant que cette différence relative persistera. Cela dit, l’éventuelle accumulation de risques macro-financiers résultant de la vigueur des entrées de capitaux, y compris de la demande excédentaire sur les marchés locaux, et d’une possible aggravation de la volatilité, continue de préoccuper dans le cas des pays récepteurs de cette redistribution.

Politiques pour maîtriser les risques
Nombreux sont les pays avancés qui devront faire face à une conjoncture marquée par l’effet conjugué d’une croissance faible, d’une dette publique grandissante et d’institutions financières toujours fragiles. Il faudra en outre jeter les bases du nouveau régime de réglementation financière.

S’attaquer aux séquelles du système bancaire. La confiance dans le secteur financier n’a pas été entièrement rétablie. Il convient toutefois de signaler que les ratios de fonds propres réglementaires des banques se sont améliorés et que les dépréciations et provisions pour prêts à l’échelle mondiale ont diminué. Notre estimation des dépréciations bancaires liées à la crise entre 2007 et 2010 a légèrement baissé, de 2.300 milliards de dollars EU dans l’édition d’avril 2010 du GFSR à 2.200 milliards de dollars EU aujourd’hui, en raison principalement de la diminution des pertes sur titres. Les banques ont en outre progressé davantage dans la comptabilisation de ces dépréciations, plus des trois quarts ayant déjà été déclarées, ce qui laisse un montant résiduel avoisinant les 550 milliards de dollars EU. Les progrès ont cependant été moins marqués dans la résolution des tensions imminentes de financement bancaire : près de 4.000 milliards de dollars EU de dette bancaire devront être refinancés sur les 24 mois à venir. Autrement dit, il faudra agencer et planifier avec prudence les retraits des soutiens financiers exceptionnels, y compris les garanties des dettes bancaires par les États. La résolution ou la restructuration des institutions financières plus faibles — par leur fermeture, leur recapitalisation ou leur fusion —reste une priorité, pour que les marchés de financement puissent revenir à la normale et que le secteur recouvre sa santé. Les supports nationaux et supranationaux devraient être disponibles pour fournir un soutien le cas échéant.

Renforcer les fondamentaux à la base des bilans souverains
À court terme il faut pouvoir compter sur un soutien supranational suffisant pour étayer les bilans souverains dans les pays devant faire face à des tensions immédiates. À moyen terme, les bilans des États doivent présenter un profil crédible pour assurer la viabilité des finances publiques (voir l’édition d’octobre 2010 des Perspectives de l’économie mondiale et l’édition de novembre 2010 du Fiscal Monitor). Les risques de refinancement souverain doivent faire l’objet de politiques de gestion de la dette ayant pour effet de rallonger les échéances moyennes lorsque les conditions du marché le permettent. La gestion et la réduction des engagements conditionnels à partir de mécanismes basés sur les prix doit aussi entrer en ligne de compte.

Définir et préciser les réformes réglementaires
Les réformes financières proposées restent pour beaucoup inachevées. Les instances internationales de réglementation ont progressé dans leur éclairage des défaillances qui étaient les plus manifestes à la veille de la crise, mais il reste à leurs pays membres à s’entendre sur de nombreux détails liés aux réformes. Plusieurs dossiers sont encore à l’étude, dont le traitement à réserver aux institutions d’importance systémique dont on redouterait la faillite (too important to fail), le renforcement des moyens de supervision et des incitations y afférentes et la mise au point du cadre macro-prudentiel. Pour avancer sur ce front il faudra que les pays soient disposés à renoncer aux intérêts particuliers afin de privilégier un système financier mondial plus stable et performant. Plus tôt les réformes pourront être précisées, plus vite les institutions financières pourront formuler leurs priorités stratégiques et définir leur mode de fonctionnement. Si ces progrès ne sont pas au rendez-vous, les lacunes réglementaires persisteront au risque de nourrir une nouvelle phase d’instabilité financière.

Parmi les travaux en cours, nous saluons les récentes propositions du CBCB, qui aboutissent à une amélioration qualitative et quantitative sensible des fonds propres bancaires par rapport à la situation qui prévalait avant la crise. Concrètement, les actions ordinaires devront représenter une part plus importante des fonds propres, d’où une plus grande capacité d’absorption des pertes.

En outre le montant d’actifs incorporels ou qualifiés pouvant être inclus dans les fonds propres sera plafonné (à 15 %). Cette catégorie comprend les reports de crédits d’impôts, les charges administratives transférables liées aux créances hypothécaires, les participations importantes, sous forme d’actions ordinaires, dans d’autres établissements financiers, et d’autres actifs incorporels.

Des dispositions transitoires ont été définies pour permettre aux banques de se plier à ces normes plus rigoureuses, principalement à partir des bénéfices non distribués. À mesure que le système financier mondial se stabilisera et que le redressement de l’économie se raffermira, il faudra envisager de supprimer progressivement les avoirs incorporels et de comprimer la phase de transition.

Cela permettra d’accroître dans le secteur bancaire la capacité d’absorption des chocs qui pourraient se manifester à l’avenir. Par ailleurs il est essentiel d’avancer sur le programme global de réforme. Il ne suffira pas de mettre en place de solides réglementations micro-prudentielles. Il faudra suivre une démarche macro-prudentielle afin de maîtriser la procyclicalité et de limiter les effets systémiques des institutions financières, dont certaines ne sont pas bancaires.

Globalement, les pays ne peuvent pas relâcher les efforts consentis pour réduire les risques de refinancement, renforcer les bilans et réformer les cadres réglementaires. Comme nous avons pu le constater à maintes reprises ces trois dernières années, le système financier peut basculer très rapidement dans la crise.

Dans ces conditions les autorités ne doivent manquer aucune occasion de renforcer et recapitaliser les systèmes bancaires, traiter de la question des institutions d’importance systémique dont on redouterait la faillite, réduire les engagements conditionnels et assurer la viabilité des finances publiques. Comme la situation reste fragile, l’appui que les pouvoirs publics ont fourni aux banques ces dernières années devra être en partie maintenu. Les stratégies programmées pour mettre fin aux politiques financières et monétaires exceptionnellement accommodantes devront sans doute être reportées jusqu’à ce que la situation soit plus robuste. Par ailleurs, il faut veiller à ce que le recours aux soutiens exceptionnels soit temporaire et qu’il ne se substitue pas au travail de réparation et de réforme des secteurs financiers et de réalignement des incitations en vue de renforcer les bilans et de réduire la prise excessive de risques.

Dans les pays émergents, les politiques à l’ordre du jour sont différentes, les risques liés au système financier étant pour l’essentiel haussiers. Beaucoup d’entre eux devront s’acquitter de la rançon d’un succès relatif, en ce sens que le maintien de la stabilité dépendra de leur capacité à gérer les poussées de flux de portefeuille. Les politiques macroéconomiques classiques devront sans doute être assorties, dans certains cas, de mesures macro-prudentielles car elles ne suffiront peut-être pas à relever les défis macro-financiers propres aux situations locales, comme par exemple l’existence de tensions inflationnistes ou de bulles d’actifs. Les politiques propres à gérer des flux de capitaux importants et volatils sont bien connues (voir chapitre 4 de l’édition d’avril 2010 du GFSR et la Note de synthèse des services du FMI (IMF Staff Position Note) 10/04). En outre, les marchés émergents doivent continuer de développer leurs marchés financiers locaux, de sorte qu’ils soient en mesure d’absorber un volume croissant de flux de capitaux et d’en assurer l’intermédiation de façon sûre et efficace.

Chapitre 2 : Risque de liquidité systémique

L’une des particularités de la crise tenait à l’intensité et à la durée des perturbations de liquidité systémique qu’ont subies les principaux marchés de financement. En effet, de manière persistante et simultanée, les institutions financières n’ont pas été en mesure d’obtenir des financements ou des refinancements à court terme, tous marchés et pays confondus. Le chapitre 2 examine cet épisode et explique comment les banques ont fini par accuser une vulnérabilité croissante au problème de financement en raison d’une multiplicité de facteurs : l’apparition de nouveaux pourvoyeurs de fonds en gros moins stables ; le recours grandissant aux marchés de prêts garantis (accords de pensions livrées) à partir d’un niveau conjoncturellement élevé de la valeur des garanties (en particulier pour les produits de crédit structuré) et les insuffisances des constitutions de dépôts ; l’utilisation croissante de financements transfrontaliers à court terme pour des actifs à plus long terme en devises ; les faiblesses d’infrastructure des marchés connexes ; et le manque d’informations sur les risques de contrepartie. Qui plus est, il y avait un manque de visibilité de la portée des interactions entre établissements bancaires et institutions non bancaires dans l’utilisation des marchés de financement à court terme. Par conséquent, lorsque les banques centrales ont été contraintes d’intervenir pour stabiliser les marchés, elles ont dû accorder des liquidités à des institutions non bancaires, accepter un éventail plus large de garanties en échange de leurs prêts, mettre en place des dispositifs transfrontaliers de lignes de swaps de devises, et engager d’autres mesures qui toutes ont soulevé des problèmes d’aléa moral, qui restent à résoudre.

La maîtrise des risques de liquidité systémique n’est pas une tâche aisée et les progrès sont difficiles à mesurer. En effet, les marchés de financement comprennent une mosaïque d’institutions dont les interactions portent sur une multiplicité de marchés, chacun ayant sa propre infrastructure. Le chapitre 2 analyse cette problématique sous l’angle des institutions et des marchés. Les propositions actuelles se centrent sur les mesures micro-prudentielles destinées à améliorer les volants de liquidité et à réduire les asymétries d’actifs/passifs au niveau de chaque banque. Les propositions du CBCB sont les plus notables. Le relèvement des volants de liquidités des établissements bancaires est certes utile mais il ne protège pas entièrement contre les pénuries de liquidités au niveau de l’ensemble du système. Dans ces conditions, les banques centrales seront vraisemblablement contraintes d’intervenir en qualité de pourvoyeur de liquidités de dernier ressort pour étayer les marchés et les institutions. Pour éviter le recours excessif aux guichets des banques centrales et maîtriser l’aléa moral, le dispositif applicable aux risques de liquidité doit faire en sorte que les banques et les autres intervenants jugés importants pour la transformation des liquidités et des échéances contribuent d’une manière ou d’une autre à assurer contre les risques systémiques en conjoncture favorable. Pour ce faire, il faudra mettre au point une bonne grille d’évaluation des risques systémiques de liquidité ;or, il reste à combler de grosses lacunes statistiques pour pouvoir mesurer et suivre de façon appropriée ces risques.

La maîtrise du risque de liquidité systémique passe certes par une action au niveau des établissements bancaires, mais l’attention doit aussi porter sur les marchés de financement. Toute initiative de nature à rendre plus efficace le marché des financements garantis — par exemple celui des pensions livrées — peut contribuer à amortir les risques systémiques et à éviter que les contraintes de liquidité ne s’aggravent au point de semer des doutes de solvabilité. Concrètement, l’amélioration des règles d’évaluation des garanties et de constitutions de dépôts et l’utilisation de contreparties centrales sont autant de facteurs qui pourraient également contribuer à réduire les vulnérabilités. Il faut aussi éviter que les investisseurs ne désertent les fonds communs de placement monétaires. Le chapitre recommande de ne pas employer la valeur nette des actifs (VNA) stable pour calculer les placements dans ce type de fonds, car il faut que les investisseurs comprennent mieux que la valeur de leurs placements est appelée à fluctuer au gré des conditions du marché. Ce changement devrait être opéré avec précaution et dans une conjoncture de stabilité des marchés de financement pour veiller à ce qu’il n’attise pas les délestages qu’il est censé prévenir. D’autres mesures correctives, telles que celles proposées pour les banques (volants plus importants et moindre transformation des échéances) peuvent également être adoptées pour parer aux risques de liquidité liés à ces fonds. Là où un régime de VNA flexibles ne peut pas être mis en place, il sera essentiel de veiller à ce que ces fonds de placement soient soumis aux mêmes exigences que les institutions de dépôts.

Chapitre 3 : Notations de crédit

La récente aggravation des risques de crédit souverain et les rétrogradations de note des instruments structurés de ces dernières années ont montré à quel point les évaluations des agences de notation agissaient sur la stabilité financière. Le contenu des notations a-t-il des retombées négatives sur la stabilité financière, ou les effets sont-ils attribuables à la manière dont ces notations sont utilisées ? Le chapitre 3 offre un éclairage sur cette question en se centrant en particulier sur la notation des dettes souveraines.

Les notations sont obligatoires dans plusieurs environnements règlementaires — notamment dans les besoins en fonds propres des banques selon l’approche normalisée de Bâle II. De nombreuses entités privées — caisses de retraite, compagnies d’assurances et fonds communs de placement — fondent leurs décisions d’investissement sur des notations ou des indices basés sur des notations. Les banques centrales ont également recours aux notations dans leurs politiques d’évaluation des garanties. Les réallocations d’actifs à partir de rétrogradations, par exemple suite à un décrochage de la catégorie investissement, peuvent avoir un effet déstabilisateur et entraîner des ventes forcées ainsi que des effets de seuil sous la forme de variations abruptes dans la pondération des risques entrant dans le calcul du prix des titres concernés.

Le chapitre constate que les notations ont effectivement leur importance dans les taux appliqués aux dettes souveraines et que ces effets de seuil sont particulièrement marqués lorsque les notations descendent en dessous de la barre de la catégorie investissement. En fait, même avant que ne se produise une rétrogradation, les alertes avancées de type «perspectives négatives» ou «sous surveillance» sont très révélatrices et ont un impact plus profond sur les prix du marché.
En matière d’exactitude, les notations souveraines ont en règle générale été bonnes. Les États qui se sont déclarés en défaut de paiement depuis 1975 avaient une note inférieure à la catégorie investissement durant l’année qui précédait le défaut, ce qui semble indiquer que la notation ordinale que les agences sont censées utiliser est significative. Cela dit, les variations récentes dans les types de risques assumés par les États (comme par exemple les engagements conditionnels liés au secteur bancaire) font apparaître qu’une meilleure disponibilité publique d’informations sur les risques souverains serait salutaire pour les agences de notation et les investisseurs.

Les agences de notation ont tenté de produire des évaluations stables s’«étalant sur le cycle» pour répondre aux besoins des clients qui jugent coûteux de modifier fréquemment leurs décisions de placement basées sur les notations. Le chapitre montre qu’une technique type de lissage utilisée par au moins une agence contribue vraisemblablement à la procyclicalité des notations, à la différence d’une méthode «ponctuelle» qui reflète avec exactitude l’information à un moment donné. Cela s’explique par le fait qu’une méthode étalée sur le cycle attend pour détecter si la dégradation est plus permanente que provisoire et supérieure à un cran. Cependant, cela signifie bien souvent que le décalage dans le temps de la rétrogradation accentue l’évolution déjà négative de la qualité de la signature.

Dans l’ensemble, le chapitre recommande les politiques suivantes afin d’atténuer certains des effets pervers que les agences et les notations pourraient avoir sur la stabilité financière :
- Premièrement, les régulateurs devraient supprimer les références aux notations lorsqu’elles risquent de provoquer des effets de seuil, et encourager les investisseurs à s’en remettre davantage à leur propre diligence raisonnable. Dans le même ordre d’idées, les banques centrales devraient établir leurs propres cellules d’analyse des risques si elles acceptent des garanties présentant des risques inhérents de crédit.
- Deuxièmement, pour autant que les notations continuent d’être utilisées dans l’approche normalisée de Bâle II, les agences de notation doivent être supervisées avec la même rigueur que les banques qui utilisent les notations internes — à savoir présenter les technique d’évaluation des risques, tester les méthodes de notation sur des périodes antérieures et réaliser des tests d’exactitude ex post.
- Troisièmement, les régulateurs doivent restreindre la pratique consistant à acheter la meilleure notation et les conflits d’ intérêts résultant de l’application du modèle où l’émetteur rémunère l’agence, en exigeant que soient fournies plus d’informations aux investisseurs. Une formule où l’usager est celui qui rémunère est difficile à maintenir vu l’impossibilité de restreindre l’accès aux notations et le fait que ces dernières ont un rôle de bien public en agrégeant des informations privées difficiles à obtenir. Il est donc préférable d’atténuer les conflits d’intérêts liés à la formule de rémunération par les émetteurs, en annonçant toute notation préliminaire obtenue et en expliquant comment les notations sont payées.

FMI
Rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR) octobre 2010

Bonjour chez vous...

Laurent Leloup

Jeudi 7 Octobre 2010




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