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Le monde capitaliste sait qu’il faut des règles

Toute réglementation est un compromis. Sa pertinence doit être appréciée en fonction des avantages qu’elle apporte


Le monde capitaliste sait qu’il faut des règles
A la suite de la crise financière d’ampleur planétaire, faut-il ou non réglementer plus sévèrement les marchés financiers? Sujet controversé s’il en est.

Entre les deux attitudes extrêmes qui s’affrontent durement (enfermer le secteur financier dans un carcan ou condamner sans appel quelque forme d’intervention publique que ce soit), y a-t-il place pour un régime réglementaire acceptable, fondé sur des principes éprouvés, dûment proportionné et soucieux par-dessus tout d’une analyse coût-bénéfice rigoureuse? Sans doute, même si définir pour les très nombreuses facettes de l’activité financière des solutions réglementaires optimales relève pour ainsi dire d’une mission impossible. Et même si le débat sur la question de savoir ce qui, dans le système financier, doit être réglementé et ce qui ne doit pas l’être évolue sans cesse.

En bref, quels sont les principaux arguments avancés de part et d’autre? Pour plus de détails, le lecteur intéressé pourra se reporter à l’article du soussigné dans Carrefour Europe - Une approche interdisciplinaire dédiée à Philippe Braillard que l’Institut européen de l’Université de Genève vient de
publier chez Bruylant-Academia, Louvain-la-Neuve.

Le pour: la précarité des marchés financiers entraîne des comportements «moutonniers» de la part des acteurs, des bulles et des crises pouvant se solder par des destructions massives de richesses. Une intervention extérieure s’avère nécessaire à des fins de protection. La gravité de la crise financière ne permet plus une politique de laisser-faire. Les codes de conduite volontaires ne suffisent plus dans un monde dans lequel les risques financiers se multiplient et deviennent de plus en plus intolérables. Une meilleure gestion des risques est nécessaire. Elle incombe certes aux institutions financières elles-mêmes mais, dans certains cas (exemple: titrisation), des exigences ne peuvent être imposées que de l’extérieur. Le jeu de l’offre et de la demande ou la concurrence, qui sont des régulateurs naturels, ne suffisent pas. Le marché a besoin de règles, de contrôles et d’institutions indépendantes qui les définissent et les exercent. Le marché est incapable de créer par lui-même l’état de droit dont il a besoin. Les risques systémiques ne font pas pour le moment l’objet d’une surveillance adéquate. Une réglementation s’impose si l’on veut pouvoir assurer la stabilité du système financier dans son ensemble.

Le contre: une grande partie de la crise est venue de la défaillance des régulateurs eux-mêmes. Comment croire, dans ces conditions, que la soif de réglementation est le meilleur moyen de mettre fin aux excès de la finance mondiale? Les réglementations n’ont jamais empêché les crises. Toute forme de réglementation se traduit de façon notoire par un effet procyclique. Le propre de toute réglementation est d’interdire ou du moins de restreindre la liberté d’action; les acteurs financiers chercheront toujours à la combattre ou à la contourner. Les banques d’investissement ont commis les mêmes erreurs et ont subi des pertes énormes sous des régimes réglementaires différents. Les Etats font, pour beaucoup d’entre eux, la démonstration de leur incompétence en matière de gestion des fonds publics; comment peut-on dès lors ne pas douter de leur capacité à comprendre la complexité des activités bancaires et à dicter les bonnes mesures correctrices à prendre?

Toute réglementation est un compromis. Sa pertinence doit être appréciée en fonction des avantages qu’elle apporte par rapport aux coûts qu’elle engendre. Autant dire qu’elle est par essence imparfaite.

Dans l’entretien qu’il a accordé au mensuel Philosophie Magazine (mai 2010), Michel Rocard élève le débat sur la réglementation internationale en s’interrogeant sur ses fondements: «L’espèce humaine
est trop anarchique, trop violente, trop individualiste pour que la cohabitation entre les peuples (…) puisse se passer de règles ». Evoquant plus concrètement l’action de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI, l’ancien Premier ministre français se réjouit que la communauté internationale ait accepté qu’un social-démocrate occupe ce poste. Il en déduit que «cela montre que le monde capitaliste a compris qu’il fallait des règles».

L’Agefi, quotidien de l’Agence économique et financière à Genève
www.agefi.com

Dimanche 6 Juin 2010




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