Le luxe plus fort que les taux ?

Lettre du vendredi 21 janvier 2022 rédigée par Eric Galiègue - VALQUANT.


Eric Galiègue
La surperformance des actions européennes relativement aux marchés américains a été assez impressionnante depuis le début de l’année. Alors que le CAC 40 évoluait encore en zone très légèrement positive hier soir, le S&P perdait 6% et le Nasdaq plus de 9% sur la même période.
L’histoire nous a montré de nombreuses périodes de performance divergente des deux côtés de l’Atlantique, même si la corrélation entre l’ancien et le nouveau monde demeure très positive. La bonne performance européenne s’explique par son exposition plus importante aux thèmes « Value », et la richesse de sa cote en valeurs du secteur du luxe, alors qu’à Wall Street les actions « Growth » et notamment les GAFAM, constituent une part de plus en plus importante de la capitalisation boursière et de la performance des actions. Ainsi s’explique logiquement la contreperformance du Nasdaq, qui est plus impacté par la hausse des taux d’intérêt que les autres marchés. En effet, les actions dites de croissance (« Growth ») sont plus sensibles à l’actualisation car leurs flux sont plus lointains que les actions « Value ».
A l’opposé, en Europe, la publication des ventes du Groupe Richemont a catalysé une hausse des indices à contre-courant de la tendance à Wall Street. L’ensemble du secteur du luxe européen a ainsi vu ses cours progresser de 3 à 4% grâce à l’effet Richemont. On a eu l’impression mercredi, que la hausse des bénéfices était capable de surcompenser l’impact négatif de la hausse des taux. Cette actualité nous ramène à revenir sur ce qui guide normalement la tendance des bourses, à savoir l’évolution des bénéfices.
La « saison des bénéfices » a commencé aux USA et dans le reste du monde dans une moindre mesure. Depuis le 13 janvier, 33 sociétés de l’indice S&P 500 ont publié leur résultat 2021. 22 ont donné lieu à une révision en hausse du BPA 2021, soit les 2/3, et la révision en hausse du BPA 2021 a été, en moyenne équipondérée, de 1,5%. Les plus fortes révisions en hausse reviennent à Prologis (+29,7%), Travellers (+10,7%) et Wells Fargo (+6,9%) ; les déceptions concernent Baker Hughes (-6%), Sherwin-William (-4%) et PNC Financial Services Group (-3,4%). On en saura plus dans la semaine qui vient car plus de 100 sociétés vont publier leurs résultats d’ici au 28 janvier.
Évidemment, en termes de croissance de bénéfice l’année 2021 demeure étincelante. Les bénéfices de l’année dernière devraient avoir progressé de 58,9% au niveau du S&P 500, et de 62% au niveau du NASDAQ, selon le consensus Factset. Il est vrai que l’année 2020 avait été négative en termes de BPA : -22,4% pour le S&P 500, -12,8% pour le Nasdaq. Mais la hausse des profits entre 2019 (avant la crise sanitaire) et 2021, a été, respectivement de 23,4% et 41,2% ! En Europe, la hausse du BPA entre 2019 et 2021 a été limitée à 14,9% au niveau de l’Eurostoxx, mais cela reste évidemment une performance remarquable lorsqu’on considère la gravité de la crise sanitaire qui a marqué les deux années 2020 et 2021. En conséquence, les marges nettes des entreprises sont aujourd’hui anticipées au plus haut historique pour 2021 aux USA. Malgré ce niveau de profitabilité, les analystes anticipent encore des hausses de bénéfice substantielles pour 2022 et 2023, respectivement 9,1% et 10,1% au niveau de l’indice S&P 500, 15,8% et 17,8% au niveau du Nasdaq et 7,4% et 9,2% au niveau de l’Eurostoxx.
Ces croissances pour les deux années qui viennent, comprises entre 7 et 17%, sont considérables. Elles sont normalement la base de la performance boursière des actions, dont l’attrait est intact malgré la hausse des cours des 3 dernières années. En effet, les rentabilités attendues sur les actions, qui intègrent en plus de la croissance des bénéfices, le rendement du dividende, demeurent particulièrement élevées, dans l’absolu, comme au regard des perspectives des autres actifs, et notamment celles des obligations. En effet, nul ne doute aujourd’hui que la hausse des taux est inévitable. Elle se fera probablement au rythme qui permettra d’éviter une grande crise systémique, à savoir, comme en 2021, entre 50 et 100 points de base par an jusque 2024. Cela induit une performance légèrement négative des obligations, ce qui renforce les arbitrages des investisseurs, qu’ils soient institutionnels ou particuliers, vers les actions. Plus que jamais, l’anticipation et la réalisation d’une hausse des bénéfices est la base de la prospérité des marchés d’actions. De ce point de vue-là, les entreprises n’ont pas droit à l’erreur.

Investisseurs : Nous sommes sous pondérés au maximum pour un CAC 40 supérieur à 6 458 points.

Tendance sur les marchés de taux et de devises : Le taux des obligations d’Etat (plus de 1,8%) des USA ont progressé significativement, comme en Europe. L taux des obligations allemandes sont à nouveau positifs, pour la première fois depuis 2019.

Tendances récentes sur les matières premières : Les cours du pétrole ont continué à progresser ; le Brent a dépassé 87$ le baril.

Eric GALIEGUE
Analyste financier indépendant,

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Vendredi 21 Janvier 2022


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