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Le langage des dirigeants à l’épreuve des ressources humaines et de la RSE

Les grands patrons et autres capitaines d’industrie sont souvent admirés pour leurs qualités et compétences d’exception. On les qualifie de visionnaires, de génies du marketing, de stratèges hors pairs ; on loue leur volonté et ténacité, leur aptitude à affronter les situations difficiles et conflictuelles, à surmonter les obstacles les plus périlleux, à conduire le changement, à forcer le destin.


Constant Calvo
Constant Calvo
On dit que ce sont des managers remarquables et des leaders charismatiques ; et que leur pouvoir de motivation, leur capacité à se projeter dans l’avenir, et leur optimisme sont sans faille.

Mais ils n’ont pas, loin s’en faut, la réputation d’être des communicants. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles le grand public a tendance à les percevoir comme arrogants, égocentriques, détachés de la réalité, ivres de puissance, animés du seul désir d’accumuler les richesses, et, pour cela, de chercher à tout prix à s’emparer du pouvoir, de tout faire afin de le conserver, et de n’avoir de cesse de l’afficher en toute circonstance. Les Dirigeants seraient des piètres communicants. Mythe ou réalité, qu’en est-il exactement ?

Selon Frank Brown, doyen de l’Insead, « Pour devenir un grand patron, la volonté et la ténacité comptent plus que l’intelligence pure ou les diplômes. » (Entretien Magazine Capital 28/07/2010). Il poursuit « L’autre qualité qui importe énormément, c’est le relationnel. Une récente recherche montre que les dirigeants les plus innovants sont ceux dont le réseau de relations est le plus large ; elle consistait à demander à des patrons auprès de qui ils prendraient conseil si un problème menaçait l’existence de leur firme. Bill Gates et Richard Branson ont présenté la liste de contacts la plus longue et la plus diverse (selon l’âge, la nationalité, le sexe, l’activité…). C’est cette ouverture tous azimuts sur le monde qui leur procure les idées qui font évoluer l’activité et l’organisation de leur entreprise. »

On se souvient peut-être de l’étude « Quelle place pour la mobilisation des salariés dans la communication développement durable des entreprises du CAC 40 ? » publiée en septembre 2007, réalisée par Des Enjeux et des Hommes pour Novethic, dont la méthodologie a notamment porté sur l’Editorial du Président(e) afin de relever si la mobilisation des collaborateurs de l’entreprise est présentée comme stratégique pour l’entreprise. Or, force était alors de constater que leur parole apparaissait pour le moins lissée, stéréotypée, désincarnée. On ne s’adresse pas, semble-t-il, véritablement à des êtres humains, constitués de femmes et d’hommes, mais à des entités abstraites, de production, voire à des divisions d’armée.

Cela donne : « L’éthique des comportements et le souci permanent de la sécurité industrielle et de l’environnement sont dans nos métiers des impératifs » ; ou encore : « la vision de notre responsabilité d’entreprise doit s’exprimer au plus proche du terrain et dans l’exercice de chacun des métiers ». Quelques dirigeants choisissant un ton plus mobilisateur, exemple : « J’appelle toutes les femmes et les hommes à se saisir de nos objectifs environnementaux et sociaux et à se les réapproprier dans leur travail quotidien. », mais pas pour autant plus chaleureux ni vrai.

Cette impression de parole désincarnée est renforcée par les conclusions de la remarquable étude menée par l’Institut de la Qualité de l’Expression dirigée par Jeanne Bordeau, présentée le 11 octobre 2013, intitulée « Analyse sémantique du discours de trente dirigeants : Les mots préférés des présidents – Leurs expressions-clés, leurs métaphores » ; laquelle étude a exploré les prises de parole de trente dirigeants français, ainsi que les « baselines » de présentation des entreprises afin de mesurer si ces discours sont ancrés dans les valeurs de la marque et l’entreprise.

Qu’est-ce qui caractérise le langage des dirigeants ? Quel est leur style et leur mode d’expression ? Quels sont leurs mots préférés ? Quelles expressions-clés et métaphores aiment-ils à utiliser ? Qu’est-ce qui les distingue entre eux en les caractérisant tous en même temps ? Quelles sont les tendances sémantiques repérées dans leurs discours ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles répond l’étude menée par Jeanne Bordeau et ses équipes.

L’analyse experte de la spécialiste du langage qu’est Jeanne Bordeau est sans concession. Elle montre que si les discours des dirigeants sont clairs, ils n’expriment néanmoins aucune émotion. « Peu d’entre eux parlent des hommes et des consommateurs avec un langage de vérité. Le dirigeant n’incarne encore que rarement l’âme de son entreprise. »; la rhétorique n’est ni inventive ni imaginative, le discours est un exercice obligé, presque subi, dans lequel on ne s’implique pas et n’éprouve aucun plaisir : « Dans la grande majorité des éditos étudiés, les métaphores sont absentes. Quand elles sont utilisées, elles sont factuelles, plates, connues. »

Comment s’étonner que le discours soit reçu de façon polie sinon indifférente, et qu’il a manqué son but ? « Sauf à de très rares exceptions, le public auquel s’adresse le message n’est pas interpellé : il est dans l’ombre, indéfini. Les discours résonnent dans le vide.»

Pertinente, riche, documentée, cette étude montre que les dirigeants « énoncent de manière additive des informations qu’ils énoncent avec une seule obsession : la croissance. Le plus souvent, ils informent à ce sujet, affirment avec péremption … et démontrent peu. Les discours sont factuels et peuvent parfois cumuler des exemples mais il y a rarement du lien dans ces textes. »

La critique continue de plus belle : « La plupart de ces présidents semblent s’adresser à un interlocuteur indéfini sauf ceux qui ont su habilement choisir le jeu des questions réponses. Les hyperboles donnent au discours un zeste de contentement et on peut trouver des phrases comme : « notre groupe est sans doute le seul à disposer d’autant de compétences en propre… » ! « C’est sans doute vrai, remarque Jeanne Bordeau, mais peut-être y aurait-il une manière plus habile de le dire. Aucun de ces textes ne manie grâce à des effets de style appropriés, la nuance. »

S’agissant de la RSE, on n’est pas mieux loti. Les dirigeants l’évoquent – ou l’invoquent, on ne saurait dire – comme principe d’action. On parle de « confiance » (« mot omniprésent » remarque à juste titre Jeanne Bordeau), « d’équité » ou « d’éthique », de manière généraliste et déclarative. Sans plus.

Et Jeanne Bordeau de proposer aux dirigeants des pistes d’amélioration afin d’optimiser leur prise de parole …

Reste que le déficit de communication, d’intelligence émotionnelle – « l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler les émotions chez soi et chez les autres » (Mayer & Salovey, 1997) Wikipédia -, et de l’aptitude à l’empathie de certains dirigeants ne relèverait pas d’un mythe, il semble bien ancré dans la réalité de leurs pratiques, d’une attitude dirions-nous, c’est-à-dire d’une façon d’être, de vivre, de penser, et d’un système de valeurs.

En France, on craint que le phénomène ne soit culturel et structurel, c’est-à-dire lié aux modes d’éducation, de formation, et de production de nos élites. Interrogée sur cette question lors de la présentation de l’étude, Jeanne Bordeau semble le penser.


Constant Calvo, Directeur associé ADHERE RH
http://blog.adhere-rh.com

Vendredi 8 Novembre 2013




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