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Le cash hoarding des entreprises françaises

D’après la récente étude d’Euler Hermès, trois entreprises sur quatre disposent d'une trésorerie saine, mais seule une sur cinq prévoit une augmentation de ses dépenses d'investissement en 2014.


Laurent Leloup
Laurent Leloup
Ce cash hoarding n’est pas seulement pratiqué par les entreprises françaises. Les entreprises au Royaume-Uni refusent majoritairement d’investir leurs profits et il n’y a aucun signal pour que cette situation change : les paiements aux actionnaires ont atteint des niveaux records, et il y a une montagne croissante de cash détenue par les sociétés.

Euler Hermes a réalisé un baromètre entreprises exclusif, au troisième trimestre 2013 auprès de 800 PME et ETI [1], sur leur situation en termes de débouchés, d'investissements et de trésorerie.

Dans un contexte économique où la demande est atone :
- Le niveau de marge représente la principale difficulté rencontrée en 2013 par 88% des entreprises.
- Elles se sont ajustées tant sur le plan des surcapacités que sur le plan de la trésorerie: trois PME sur quatre ont une trésorerie maîtrisée.
- Mais seule une entreprise sur cinq souhaite augmenter ses investissements pour 2014, principalement par manque de visibilité sur son carnet de commandes.

I - La panne sèche de la demande aura fini d'achever les marges

Les entreprises ont continué à souffrir de la conjoncture économique déprimée en 2013 (+0,2% de croissance), et notamment de la consommation privée tout juste résiliente (+0,4% en rythme annuel). Dans ce contexte, le niveau de marge a été la principale difficulté rencontrée par 88% des entreprises en 2013, loin devant les problématiques de financement (23%). « Prises en tenaille entre une concurrence accrue sur les prix et la diminution de leurs débouchés commerciaux, les entreprises ont sacrifié leurs marges. Le niveau de marge des entreprises françaises [2] n'a ainsi jamais été aussi faible depuis 25 ans avec plus de trois points de marge perdus depuis 2007 », souligne Nicolas Delzant, président du directoire d'Euler Hermes France.

En 2014, Euler Hermes prévoit +0,6% de croissance en France, avec une demande atone et des pressions concurrentielles sur les prix qui continueront d'éroder les marges des entreprises. Sans une sensible amélioration de leurs débouchés, les entreprises commencent d'ores et déjà à s'inquiéter de leurs coûts d'exploitation. Plus de 70% des entreprises interrogées perçoivent la pression sur les coûts (tant en termes de main d'œuvre que de matières premières) comme un risque majeur pesant sur leur rentabilité pour l'année à venir. En revanche, les entreprises françaises semblent moins vulnérables à l'environnement extérieur : parmi les entreprises interrogées, seulement 10% s'inquiètent de la volatilité fiscale, et moins de 5% de l'accès au crédit.

Au final, cette plus grande résilience pourrait se transformer en un repli sur soi, si les entreprises françaises ne prennent pas conscience de leurs forces et d'un environnement extérieur moins fragile en 2014.

II - Pourtant, les fondamentaux financiers sont solides et la trésorerie est (trop ?) bien gérée

Les entreprises françaises disposent toutefois de bons fondamentaux. En particulier, elles sont dotées d'une structure financière solide, comptabilisant en moyenne 40% de fonds propres contre par exemple 37% pour les entreprises allemandes [3].

De plus, depuis la crise, elles ont su réaliser les ajustements nécessaires pour compenser la faiblesse de la demande :
- Elles ont ajusté leurs outils de production par des destructions de capacité pour pallier le manque de volumes : en 2013, quatre entreprises sur cinq enregistraient un taux d'utilisation de leurs capacités supérieur à 80% contre trois sur quatre en 2012.
- Dans trois cas sur quatre, les entreprises déclarent avoir amélioré ou stabilisé leur trésorerie en 2013, témoignant ainsi d'une meilleure gestion financière.
- Les délais de paiement sont également restés contenus pour deux entreprises sur trois, malgré un environnement économique difficile. Cette amélioration de la gestion du poste client est moins nette dans deux secteurs : la construction et les services.

« La discipline à laquelle se sont astreintes les entreprises françaises, en termes d'outil de production et de gestion de leur trésorerie est assez visible. En revanche, elles semblent aujourd'hui aveuglées par le court terme : 75% des entreprises interrogées se focalisent sur leur besoin en fonds de roulement et 30% des entreprises décident même de conserver toute leur trésorerie excédentaire en liquidité. Il est important de sortir de cette situation d'empilement de cash pour une vraie relance de l'économie. C'est d'ailleurs ce passage d'un phénomène de cash hoarding à une nouvelle dynamique d'investissement des entreprises qui aura vraiment marqué la reprise de l'économie américaine au début de l'année 2012 », commente Ludovic Subran, chef économiste du groupe Euler Hermes.

III - 2014 pourrait être la troisième année consécutive sans investissement

Selon le baromètre d'Euler Hermes, 66% des entreprises estiment que leur niveau d'investissement est inférieur à 5% de leur chiffre d'affaires en 2013. Pour 2014, une entreprise sur cinq seulement envisage une hausse de ses investissements en 2014, contre une entreprise sur quatre en 2013. Cette frilosité dans l'investissement est d'ailleurs plus marquée pour les ETI que les PME, puisqu'une ETI sur six investirait en 2014, contre une sur trois en 2013.

Le manque de débouchés et l'absence de visibilité pénalisent les décisions d'investissements. 80% des entreprises citent l'anticipation de l'activité future comme principal déterminant de leurs décisions d'investissement, loin devant les conditions de financement (10%) ou les aides publiques (10%). De plus, près d'une entreprise sur deux déclare une visibilité inférieure à six mois sur son carnet de commandes, et pour une entreprise sur trois, cette visibilité est inférieure à trois mois.

Au-delà de la décision d'investissement, c'est la qualité de celui-ci qui continuera de se dégrader en 2014. En effet, pour la troisième année consécutive [4], les entreprises privilégieront l'investissement défensif (pour six entreprises sur dix en 2014) sur les projets d'investissement plus offensifs. Ce maintien sur la défensive est plus marqué dans les secteurs de la construction et du commerce. L'industrie et les services représenteront, elles, 66% de l'investissement offensif (augmentation de capacités, R&D, diversification).

« Cette prudence extrême sur les investissements semble être le chainon manquant d'une vraie reprise en France en 2014. Pourtant, la volonté est là : 38% des entreprises interrogées visent la montée en gamme et la diversification de leurs produits, et 16% veulent se développer à l'export en 2014 », explique Ludovic Subran. Euler Hermes estime que la demande mondiale adressée à la France augmenterait de 4% en 2014 (soit +18 milliards d'euros dont 8,3 milliards pour la seule zone euro). « Il est temps que les entreprises profitent de leurs victoires en termes d'ajustements compétitifs et qu'elles visent de nouvelles batailles en France comme à l'étranger via un investissement de qualité. Elles en ont les moyens et l'envie. Il ne reste qu'à passer à l'acte », conclut-il.

[1] Sur la base d'un échantillon représentatif du tissu économique français
[2] Entreprises non-financières
[3] Sources : BCE, base Bach, Euler Hermes
[4] Source : Baromètre Euler Hermes 2012 sur l'investissement des entreprises françaises

Laurent Leloup


Mercredi 11 Décembre 2013




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