La solution éolienne

Par Patrick Simon, DG France EDPR, 4ème producteur mondial d’énergie éolienne et solaire.


Le réchauffement climatique est en route. Plus nous agirons tard, plus les dégâts sur nos sociétés et notre environnement seront violents. Un des principaux leviers pour amoindrir le choc est la production d’électricité décarbonée : l’augmentation de la production éolienne n’est plus une option, c’est un impératif.

Pourtant, les calculs politiques et les intérêts personnels ont instrumentalisé le sort des éoliennes. En France, parce que l’électricité nucléaire est faiblement émettrice de CO2, certains considèrent qu’il n’y a plus lieu de s’intéresser aux énergies renouvelables. Fin du débat, comme si la question énergétique se résumait à la seule émissions de CO2.

C’est oublier que la vraie question du nucléaire est le danger lié au combustible. Avec le risque d’accident comme à Fukushima ou avec la question des déchets radioactifs, on remplace un risque par un autre, tout aussi grave et à des échéances que nous ne contrôlons pas.

Il ne s’agit pas d’opposer l’éolien au nucléaire. Mais il est paradoxal que le nucléaire devienne la principale motivation des anti-éoliens : ce serait LA solution face au réchauffement climatique ! Et le débat devient caricatural.

Les arguments ignorent toute logique. Calomniez, il en restera toujours quelque chose ! On frise la théorie du complot : approximations, mensonges, exagérations, ignorance. Mais il ne faut pas condamner l’éolien pour de mauvaises raisons.

Une éolienne se recycle à plus de 95 %

Regardons quelques antiennes du discours des opposants. Par exemple, l’argument du démantèlement des éoliennes en fin de vie. Comment peut-on s’inquiéter pour les fibres synthétiques des pales ou les fondations en béton, deux matériaux parfaitement inertes, alors que l’industrie éolienne est parmi les plus vertueuses avec 95 % de recyclage, un pourcentage qui ne cesse d’augmenter ? Précisément, l’avantage des parcs éoliens est qu’ils sont totalement « réversibles », c’est-à-dire qu’ils pourront être intégralement démontés sans laisser de traces.

C’est au contraire un des inconvénients du nucléaire qui génère chaque seconde des déchets radioactifs dangereux pendant des centaines, voire des milliers d’années. Nier les problèmes ou les reporter sur les générations futures est rarement la meilleure attitude – pensons à l’amiante, ou à la centrale de Brennilis dont le démantèlement n’est prévu d’être achevé qu’en 2032, soit 45 ans après son arrêt…

Les éoliennes tournent plus de 80 % du temps

Pourquoi répéter que les éoliennes ne fonctionnent que 25 % par an alors qu’en réalité elles produisent plus de 80 % du temps ? Les contempteurs confondent le taux de charge, un indicateur théorique, avec le taux de fonctionnement, bien réel et concret, qui comptabilise les périodes de production. Les éoliennes tournent dès que le vent atteint une valeur suffisante, mais leur puissance maximale n’est atteinte qu’avec des vents forts. Dire que les éoliennes ne produisent que 25 % du temps, c’est comme si l’on considérait qu’une voiture n’est utilisée que lorsqu’elle roule à pleine vitesse.

Pourquoi prétendre que l’on ne peut pas compter sur les éoliennes au motif qu’elles dépendent du vent qui est incertain ? Mais intermittence ne veut pas dire aléatoire. Or c’est la prévisibilité qui est le plus important pour le système électrique. La production éolienne est certes variable, mais elle est prévisible avec une grande précision grâce aux prévisions météorologiques. Par ailleurs, le phénomène de « foisonnement » permet d’équilibrer la production sur le plan national (et en Europe dont le réseau est de plus en intégré) : il est rare que le vent soit nul partout en France. Notons que l’intermittence n’est pas l’apanage de l’éolien : les centrales thermiques ou nucléaires ne fonctionnent pas toute l’année non plus.

Elles doivent s’arrêter plusieurs semaines pour recharger le combustible et réaliser des travaux de maintenance. Et ces quelques semaines peuvent devenir quelques mois en cas d’aléas. En 2019, les 56 réacteurs français se sont arrêtés chacun 96 jours en moyenne, dont 30 jours non prévus ! Et que dire des reports permanents pour la mise en service de l’EPR ? Ou des arrêts liés aux température trop chaudes en été ? Les éoliennes sont des moyens de production très fiables : elles ne nécessitent de s’arrêter pour leur maintenance que quelques jours par an. Leur niveau de production est juste variable. Comme une voiture qui roule à différentes vitesses.

La protection de la biodiversité est au cœur de chaque projet éolien

Pourquoi autant insister sur les collisions mortelles avec des oiseaux migrateurs, alors que les routes, les lignes électriques ou les animaux sont une source de mortalité des oiseaux bien supérieure ? Pourquoi ne pas plutôt souligner la quantité d’études ornithologiques réalisées tout au long de la durée de vie des ouvrages ? Il en résulte souvent des décisions d’arrêter les éoliennes à certains moments de la journée, par exemple au crépuscule pour préserver les chauves-souris ou à certains moments de l’année correspondant à des périodes migratoires : c’est ce qu’on appelle le « bridage ». Et, au-delà des oiseaux, pourquoi ne pas rappeler toutes les études sur la biodiversité locale réalisées avant la construction d’un parc éolien qui permettent de mieux connaître, et donc de mieux protéger, les espèces animales ou végétales dont personne ne se préoccupait auparavant ? Enfin, pourquoi ne pas rappeler qu’un danger bien plus grave guette l’ensemble de la faune et de la flore si nous n’agissons pas : celui du réchauffement climatique qui entraînera la disparition de nombreuses espèces.

L’électricité éolienne coûte deux fois moins cher que l’électricité nucléaire

Comment peut-on affirmer que l’électricité éolienne est chère, quand c’est aujourd’hui le moyen de production le plus économique avec le solaire ? Le coût de l’électricité est calculé en divisant la totalité des montants investis pour la construction ou dépensés pendant l’exploitation par la quantité d’électricité prévue d’être produite. Le coût de l’éolien est deux fois inférieur au coût des nouvelles centrales nucléaires (qui du reste ne sont toujours pas en fonctionnement) : 6 c€ le kilowattheure contre 12 pour l’EPR. L’éolien est bon marché, c’est factuel. Augmenter la part de l’éolien dans la production française contribuera à diminuer le prix de l’électricité pour le consommateur. Depuis cet été, les prix de marché de l’électricité ont atteint des records à cause des hausses des prix du gaz et de la tonne de CO2. Le coût de l’éolien, lui, ne varie pas car le vent est gratuit et inépuisable : il garantit la stabilité des prix dans la durée.

La France à la traîne derrière ses voisins européens

Comment peut-on prétendre que les touristes renonceront à visiter un château parce qu’il est situé à 5 kilomètres d’une ferme éolienne ? Au contraire, les ressources perçues par les communes aident à développer l’attractivité des territoires. Pour beaucoup, surtout chez les jeunes qui plébiscitent les énergies renouvelables, une éolienne est un marqueur de progrès. Leur esthétique est souvent utilisée pour le décor de films publicitaires ou de jeux vidéo pour symboliser la modernité.

Comment peut-on parler d’un puissant lobby éolien alors qu’il est insignifiant en comparaison du lobby nucléaire ? Comment peut-on parler de développement anarchique de l’éolien alors que la délivrance des autorisations nécessaires à la construction et à l’exploitation des parcs éoliens est strictement réglementée ? Comment peut-on dénoncer un déni de démocratie de la filière éolienne alors que toutes les politiques d’expansion sont votées par le Parlement ?

Comment ignorer le bénéfice de l’indépendance énergétique que permet le vent, ressource locale infinie, alors que l’importation d’uranium ou de gaz nous exposent en permanence à des tensions géopolitiques ?
Nous pourrions aussi parler du mythe des terres rares que l’on trouve davantage dans nos smartphones que dans les éoliennes, et nous pourrions continuer à dénoncer nombre d’arguments des auto-proclamés spécialistes du secteur électrique. Les vrais experts, tant à la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) qu’à RTE (Réseau de Transport d’Électricité), ne cessent de rappeler le rôle indispensable de l’éolien pour la transition énergétique. Avec moins de 9 % d’électricité d’origine éolienne, la France est loin derrière ses voisins européens qui ont largement dépassé les 20 % et même atteint les 50% au Danemark !

Finalement, l’essentiel est de comprendre que l’éolien est clairement du côté des solutions. Tout en comprenant aussi que l’éolien ne peut pas lutter seul. L’avenir est dans une combinaison intelligente de tous les moyens de production sobres en CO2. Il n’y a pas de raison de les opposer : il faut au contraire les unir. La bonne santé de notre planète en dépend.

Biographie Patrick Simon
Patrick Simon est directeur général d’EDP Renewables pour la France et la Belgique où il supervise toutes les activités de développement, de construction et d’exploitation de parcs éoliens et solaires.
Patrick possède 30 années d’expérience dans le secteur de l'énergie dont 15 à des postes de direction dans la production, l'exploitation et le développement, en France et au Brésil.
Ingénieur diplômé de l’École polytechnique et de l’École des Mines, Patrick Simon a passé les 20 premières années de sa carrière chez EDF.

Mercredi 13 Octobre 2021


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