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La révolution m-banking de l’Afrique à l’Europe, l’innovation inversée en devenir

Cinq des sept milliards de terriens utilisent la technologie mobile. Parmi les nombreux enjeux de développement auxquels elle répond, la question de la bancarisation et de l’accès aux structures financières pour les populations défavorisées est centrale. En Afrique, la population non bancarisée effectue ses opérations financières courantes via son téléphone portable. Pour les opérateurs, c’est une source de revenus non négligeable. Si les enjeux ne sont pas les mêmes sur le vieux continent où la technologie mobile, bastion de l’innovation, a noué des partenariats forts avec plusieurs secteurs, l’industrie des services financiers est optimiste quant à l’avenir du mobile comme vecteur d’innovation dans la fourniture de services innovants.


Jean-Michel Huet
Jean-Michel Huet
L’histoire d’une rupture technologique en Afrique

Certains Africains paient désormais les factures d’eau et d’électricité, transfèrent de l’argent à des tiers ou paient dans des boutiques ou magasins avec leur téléphone portable. Tout cela à partir de n’importe quel mobile, sans avoir besoin de compte bancaire. Plus besoin d’effectuer de longs déplacements coûteux, ni de passer plusieurs heures dans des files d’attente.

S’il faut citer une success story, c’est certainement celle du Kenya. Avec la solution de paiement M-Pesa, Safaricom, filiale de Vodafone au Kenya, est une référence en Afrique de l’Est et dispose d’une longueur d’avance sur ses concurrents. M-Pesa représente plus de 16 millions d’utilisateurs actifs début 2013 et 650 millions de dollars de transactions chaque mois(1). Le client abonné dispose d’un e-compte dans sa carte SIM sur lequel il peut verser de l’argent, le recevoir ou le transférer à un tiers. Le secret de M-Pesa ? Un maillage de 50 000 agents répartis sur l’ensemble du territoire kenyan pour être au plus proche de la population, y compris rurale(2). Ces intermédiaires sont propriétaires d’une petite épicerie de proximité, revendeurs de mobiles, employés d’un corner dédié dans un cyber café. Ils ouvrent les comptes sur présentation d’une carte d’identité, et effectuent les dépôts et les retraits de cash. M-Kesho, un service complémentaire à M-Pesa, permet au client d’ouvrir un compte bancaire dans une banque traditionnelle à travers son mobile et de disposer des services de gestion sans jamais se rendre dans une agence bancaire. Enfin, récemment, Safaricom a offert à ses clients M-Pesa la possibilité de payer des frais de scolarité, des factures, d’effectuer des prêts sociaux ou encore de collecter des fonds.

Explosion du mobile et faiblesse de l’offre bancaire : la recette du succès pour l’innovation frugale

Le boom de la téléphonie mobile, incontestablement, a fait le terreau du succès de M-Pesa au Kenya. En second, la simplicité et l’accessibilité des applications, couplées à de faibles coûts, sont des facteurs d’attractivité que l’on retrouve ailleurs. Car si l’Afrique de l’Est semble avoir ouvert la voie, le continent entier est truffé d’exemples qui illustrent l’effet de levier d’une faible bancarisation des populations sur l’essor des applications de mobile banking. En Egypte, où 10% de la population possède un compte bancaire alors que le taux de pénétration du mobile est supérieur à 80%, Mobinil et Vodafone ont lancé des applications avec BNP Paribas et la Banque de Développement du Logement. A Madagascar, Airtel, présent dans les coins les plus reculés au travers des bureaux de poste malgaches, se partage le territoire avec Orange, qui distribue sa solution Orange Money dans les épiceries. Orange Madagascar a poussé l’innovation un cran au-delà avec un système de rémunération de l’épargne. Ainsi l’expérience kenyane, où le taux de bancarisation a cru de 58%, prouve que la technologie mobile peut faire décoller l’accès aux services financiers dans un pays en voie de développement.

C’est parce que l’inclusion économique et financière des personnes aux revenus modestes est un véritable enjeu de développement humain et économique pour les pays Africains que les institutions financières, à commencer par les régulateurs, sont souvent prêtes à jouer le jeu, comme au Nigeria, où la Banque centrale affiche son soutien en prenant le leadership de la pratique. En Afrique du Sud, où le taux de pénétration du mobile dépasse 100%, les banques commerciales ont été moteur de l’essor du paiement mobile en finançant des programmes qui permettent de faire du paiement mobile quel que soit le type de téléphone utilisé. Selon l’Union Internationale des Telecoms (ITU), les organes de régulations de l’activité bancaire ont ainsi un rôle à jouer. Ils doivent redessiner les contours d’une régulation qui rend possible l’innovation, sans créer de déséquilibre au sein du système financier.

Dans les pays développés : innovation inversée, oui, mais pas tout de suite

A défaut des mêmes enjeux, les pays développés partagent avec le monde émergent une vision des transactions monétaires qui est celle de la dématérialisation de l’argent et des échanges. La société du monde développé est en effet celle de la transition en cours d’un système monétaire physique vers le virtuel. A la différence que la densité et la qualité des établissements financiers y est telle que le même besoin de substitution au réseau bancaire n’est pas aussi criant.

La technologie et l’Internet mobile jouant les mêmes rôles de catalyseurs, le volume des transactions sur terminal mobile explose. Pour autant, la place des opérateurs télécoms est encore marginale dans la chaine de valeur des services financiers mobiles. Ceux-ci cherchent à se positionner du côté des applications de paiement sans contact, où ils sont fournisseurs de la carte SIM hôte de la technologie NFC (Near Field Contact) assurant la communication avec le terminal du commerçant. Là encore, les banques et les systèmes de paiement tels Visa et Mastercard ont été les premiers à proposer leurs applications, suivis par des acteurs de l’Internet comme Google (Google Wallet), Twitter et Paypal. Le modèle du porte-monnaie électronique par exemple (Monéo en France) est proche de celui déployé sur le continent africain, en ce sens qu’il ne nécessite pas forcément de compte bancaire, et les opérateurs occidentaux pourraient ainsi développer des applications grand public séduisantes.

Toutefois des freins subsistent qui ralentissent la progression des opérateurs. Si la population est sur-bancarisée, il faut encore la convaincre, elle pour qui la transparence des paiements est une valeur clé, de la fiabilité du système. Côté marketing, les acteurs du paiement sans contact ont noué des partenariats et fidélisent leurs clients. Pour tirer leur épingle du jeu, les opérateurs télécoms doivent frapper fort avec une proposition de valeur unique qui fera du mobile banking un concept incontournable. Sur le modèle africain du réseau « maillé » (ou agency banking), ils doivent chercher à densifier le réseau de partenaires et pousser le régulateur à s’impliquer, afin que les organismes bancaires ne soient pas systématiquement favorisés. Enfin, les opérateurs doivent s’entendre avec les banques sur la création d’un véritable modèle de coopération, dans lequel chacun préserve son rôle initial sur la chaîne de valeur, qui encadre les innovations et les coûts des opérations, sans perdre de vue les bénéfices à apporter aux clients.

(1) Revue Réseau Telecom Network (RTN) n°60, L’Afrique, locomotive mondiale du M-banking, fèv. 2013
(2) www.revue-banque.fr/banque-detail-assurance/article/kenya-laboratoire-des-services-financiers-demain


Vendredi 23 Mai 2014




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