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La réforme du droit des faillites : la loi de sauvegarde des entreprises (septembre 2006)

20 années se sont écoulées pour réaliser une modification en profondeur de la loi du 25 janvier 1985. Cette loi adoptée après la faillite de Creusot Loire en 1984 pour assurer le redressement des entreprises en difficultés se devait d'être réformée afin que le dépôt de bilan ne se traduise plus par une liquidation judiciaire dans plus de 9 cas sur 10.


Le 26 juillet 2005 parlementaires et sénateurs se sont entendus sur le texte de la loi de sauvegarde des entreprises qui réforme en profondeur le droit des faillites. Cette réforme, inspirée du "Chapter 11" (Chapitre 11 du Federal Bankruptcy Code sur les mesures légales américaines de protection des faillites), refont complètement le Livre VI du code de commerce, consacré aux difficultés des entreprises. Elle a pour objectif de mieux prévenir les difficultés des entreprises et ainsi d'instituer la négociation et la prévention, comme alternative possible au redressement et à la liquidation judiciaire : "faciliter la réorganisation de l’entreprise et lui permettre la poursuite de son activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif". Cette loi de sauvegarde des entreprises est entrée en vigueur au 1er janvier 2006.

Cette procédure peut être engagée par le chef d’entreprise dès les premières difficultés et avant que ne soit constatée la cessation de paiements. Celui-ci conserve la gestion de son entreprise, et la procédure de sauvegarde lui permet de suspendre les échéances de ses dettes pour définir son plan de réorganisation. Il peut renégocier l’échelonnement de ses dettes avec ses créanciers et, par exemple, décider d’arrêter certaines activités. Il discute de ce plan avec deux instances : le comité des établissements de crédit et le comité des fournisseurs et il peut engager lui-même les différentes procédures : conciliation, sauvegarde ou redressement judiciaire.
C'est donc bien sur l'initiative du chef d'entreprise que le législateur a parié, souhaitant ainsi replacé celui-ci au centre de la décision quant à l'avenir de son entreprise et de ses salariés.

Voici les principales dispositions :

Chapitre Ier. Dispositions relatives à la prévention des difficultés des entreprises et à la procédure de conciliation (Articles 3 à 11).
Le mandat ad hoc : le représentant de l'entreprise peut demander au président du tribunal de commerce de désigner un mandataire ad hoc pour l'assister. Tout professionnel libéral (avocat, consultant...) peut être désigné mandataire. Issue de la pratique cette formule est désormais inscrite dans les textes : "Le président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance peut, à la demande du représentant de l'entreprise, désigner un mandataire ad hoc dont il détermine la mission." (article 5).
La conciliation (anciennement règlement amiable) est issu de la loi du 1er mars 1984 et constitue une innovation puisque le règlement amiable actuel ne vise pas les entreprises qui sont déjà en cessation de paiement. "Il est institué, devant le tribunal de commerce, une procédure de conciliation dont peuvent bénéficier les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours." (art.5).
Le président du tribunal peut charger un expert de son choix d'établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière du débiteur et désigne un conciliateur chargé de favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers, d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l'entreprise. La durée de la procédure est limitée à quatre mois (prorogeable un mois).
Le débiteur peut faire constater ou homologuer l'accord par le juge. L'homologation est possible si les conditions suivantes sont réunies :
- le débiteur n'est pas en cessation des paiements ou l'accord conclu y met fin ;
- les termes de l'accord sont de nature à assurer la pérennité de l'activité de l'entreprise ;
- l'accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires, sans préjudice de l'application qui peut être faite des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil (article 7).
Le chef d'entreprise aura le choix entre une homologation "simple", plus discrète mais sans effet vis-à-vis des tiers, et une homologation avec publicité du jugement, ce qui donne une sécurité supplémentaire aux actes passés en vue de l'accord.
C'est dans ce dernier cas uniquement que le "privilège d'argent frais" est créé. Ce privilège ne concerne que tout "nouvel apport en trésorerie" ou tout "nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise". Les concours doivent donc être liquides. Les augmentations de capital ne profitent pas en revanche du nouveau privilège. Le privilège de l'argent frais permettra à ses titulaires de primer tant les créanciers antérieurs que les créanciers postérieurs, le cas échéant, à l'exception du privilège dont bénéficient les salariés.
De plus l'article 7 stipule : " L'accord homologué suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en justice et toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet. Il suspend, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l'accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l'accord. Les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l'accord homologué."
" L'accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d'émettre des chèques conformément à l'article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l'occasion du rejet d'un chèque émis avant l'ouverture de la procédure de conciliation."

Chapitre II. Dispositions relatives à la sauvegarde (articles 12 à 87)

La procédure de sauvegarde :
Cette procédure est l'innovation majeure de la loi : elle est déclenchée sur demande du débiteur qui " justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter susceptibles de nature à conduire à la cessation des paiements ".
" Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. "
L'ouverture de la procédure de sauvegarde est décidée par le tribunal de commerce qui reçoit auparavant le débiteur, les représentants du personnel et toute autre personne utile d'entendre. Le débiteur continue d'assurer la gestion de l'entreprise, éventuellement secondé par un administrateur judiciaire qui n'a qu'un pouvoir de surveillance et d'assistance.
La procédure donne lieu à un plan de sauvegarde " lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée ", plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers réunissant établissements de crédit et principaux fournisseurs (article 12).
Dans le jugement d'ouverture, le tribunal désigne un juge-commissaire. Dans ce même jugement, il désigne deux mandataires de justice :
- un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ;
- un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister dans ses actes de gestion.

Chapitre III. Dispositions relatives au redressement judiciaire (articles 88 à 96)

Le redressement judiciaire.
" Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements."
« La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à l'issue d'une période d'observation et, le cas échéant, à la constitution de deux comités de créanciers…."
L'ouverture de cette procédure doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.
Le tribunal fixe la date de cessation des paiements. A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement qui la constate.
A la différence de la procédure de sauvegarde, la procédure de redressement judiciaire peut être orientée vers la préparation d'un plan de cession de l'entreprise.
Grâce à cette réforme les entreprises devraient moins utiliser cette procédure au profit des procédures préventives (conciliation, sauvegarde).

Chapitre IV. Dispositions relatives à la liquidation judiciaire (articles 97 à 125)

La liquidation judiciaire :
" Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. "
" La procédure de liquidation judiciaire est destinée à mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens. "
La principale innovation réside dans la création d'une procédure de liquidation judiciaire simplifiée pour les plus petites entreprises afin de limiter sa durée à un an.

Chapitre V. Des responsabilités et sanctions

Soutien abusif : Art. 126 : " Les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. "
Responsabilité pour insuffisance d'actif : Art. 128 : " Lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. "
Obligation aux dettes sociales : Art. 131 : " Au cours d'une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal peut décider de mettre à la charge de l'un des dirigeants de droit ou de fait d'une personne morale la totalité ou une partie des dettes de cette dernière lorsqu'il est établi, à l'encontre de ce dirigeant, que l'une des fautes ci-après a contribué à la cessation des paiements :
1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;
2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;
3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;
4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;
5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. "
Faillite personnelle : Art. 136 : " Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :
1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;
2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;
3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;
4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;
5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;
6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables. "
Interdiction de gérer : Art.140 : " Lorsque le tribunal prononce la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, il fixe la durée de la mesure, qui ne peut être supérieure à quinze ans. Il peut ordonner l'exécution provisoire de sa décision. Les déchéances, les interdictions et l'incapacité d'exercer une fonction publique élective cessent de plein droit au terme fixé, sans qu'il y ait lieu au prononcé d'un jugement. Le jugement de clôture pour extinction du passif, y compris après exécution de l'obligation aux dettes sociales prononcée à son encontre, rétablit le chef d'entreprise ou les dirigeants de la personne morale dans tous leurs droits. Il les dispense ou relève de toutes les déchéances, interdictions et incapacité d'exercer une fonction publique élective. "
Le délai de prescription de ces deux dernières sanctions est de trois ans.

© Laurent Leloup - www.cfo-news.com


Vendredi 1 Septembre 2006



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