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La loi applicable au cautionnement donné dans un contexte international

Une banque italienne consent un prêt à une personne résidant habituellement en Italie le 19 avril 2006. Ce prêt est garanti par un cautionnement donné par une personne résidant en France.


Le cautionnement est donné par un acte distinct de l’acte de prêt. Il est signé en Italie le 21 avril 2006. L’emprunteur cesse de payer les échéances de remboursement de l’emprunt et la banque prononce donc la déchéance du terme. La banque assigne ensuite la caution en paiement devant les juridictions françaises.



Une première question se pose. Quelle loi doit être appliquée ? Est-ce la loi française, lieu de la résidence de la caution ou est-ce la loi italienne, lieu où l’acte a été signé ?



La Cour d’appel tranche en faveur de la Loi française. La Cour de cassation, juge l’inverse.



La Cour de cassation, applique la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. (Ce texte est désormais remplacé par le règlement n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit ROME I pour les contrats conclus à partir du 17 décembre 2009)

La Cour de cassation rappelle le cheminement à suivre pour déterminer la Loi applicable selon l’article 4 de la Convention de Rome.



Règle 1: le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits

Règle 2 : Est présumé présenter de tels liens celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle.

Règle 3 : Cette présomption de la règle n°2 est écartée lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays.


La Cour d’appel avait jugé que la Loi française était applicable en retenant que le cautionnement est un contrat autonome et que c'est bien avec la France que le contrat litigieux présentait les liens les plus étroits, dès lors que la caution, résidait en France au moment de sa conclusion et que la prestation était susceptible d'y être exécutée en cas de défaillance du débiteur principal. Autrement dit, la Cour d’appel en était restée à la règle n°2. La Loi applicable est celle où la caution qui fournit la prestation caractéristique à sa résidence.


La Cour de cassation désapprouve ce raisonnement.

Elle retient en effet :

- Que le cautionnement était rédigé en italien,

- qu’il avait été conclu en Italie,

- que le prêteur avait son siège en Italie,

- que l’emprunteur avait sa résidence habituelle en Italie.

- que le contrat de prêt dont l'acte de cautionnement constituait la garantie était régi par la loi italienne.


Pour la Cour de cassation le contrat de cautionnement présentait donc des liens plus étroits avec l'Italie qu'avec la France. La Cour de cassation a donc estimé que ces conditions permettaient de renverser la présomption qu’avait appliquée la Cour d’appel.


La Cour de cassation, avait également une autre question, celle des Lois de polices.

En droit international, certaines règles nationales peuvent continuer à s’appliquer même si un droit étranger est applicable. C’est ce qu’on appelle les Loi des polices. Des lois qui ont un rôle de protection tel qu’elles s’appliquent peu importe la Loi applicable.

La question était donc de savoir si les dispositions françaises qui protègent la caution en France pouvaient être applicables même si la loi italienne était applicable. Plus simplement, les dispositions françaises sur la caution insérées au code de la consommation (L341-2 et L341-3) et au code civil (article 1326) qui imposent certaines mentions manuscrites, sont elles des Lois de police ?


Non dit la Cour de cassation.

Les mentions manuscrites visent à assurer une meilleure protection de la personne qui s'engage. Ce ne sont donc pas des règles dont l'observation est nécessaire pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale et économique du pays. Ce ne sont donc pas des Lois de police.

Le formalisme du cautionnement imposé par les règles françaises n’a donc pas vocation à s’appliquer si une loi étrangère est applicable.


Cette décision va-t-elle rapidement devenir désuète car prise sur le fondement d’un texte, la Convention de Rome de 1980, qui s’applique aux seuls contrats conclus avant le 17 décembre 2009 ?

A priori non. Le règlement ROME I a conservé sur certains aspects l’esprit de la Convention de Rome.

Les nouveaux critères pour déterminer la Loi applicable sont semblables à ceux appliqués par la Cour de cassation.


Article 4 du règlement n°593/2008 du 17 juin 2008

2. (…) Le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.

3. Lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique.

4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.


En appliquant, le règlement ROME I à la présente situation nous aurions donc :

La prestation caractéristique du cautionnement est fournie par la Caution. La Loi applicable serait donc celle de la caution, la Loi française.

Le cautionnement présente des liens manifestement plus étroits avec l’Italie qu’avec la France. La Loi italienne s’applique donc.


Concluons en précisant que la définition de la Loi de police étant aussi restée quasi inchangée, la solution de la Cour de cassation sur les Lois de police peut être transposée aux contrats postérieurs au 17 décembre 2009.

Par Olivier VIBERT
Avocat au Barreau de Paris,
19 Avenue Rapp 75007 PARIS
Tel : (+33) 1 45 55 72 00
Fax : (+33) 1 47 53 76 14
olivier.vibert@ifl-avocats.com

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Mercredi 21 Octobre 2015




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