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La finance islamique : une nouvelle façon de voir la finance ?

Si les principes et les pratiques liées aux règles de l’islam ont été utilisés pendant des siècles par les commerçants des pays musulmans, la transposition au secteur bancaire et l’institutionnalisation, elles, ne se sont opérées que très récemment. La théorisation est souvent attribuée au pakistanais Maulana Maududi et les premières applications à l’égyptien Ahmad El Najjar lorsqu’il a créé la Mit Ghamr Savings Bank en 1963. Le succès de cette institution généra des soupçons et elle fut nationalisée en 1972 pour devenir la Nasser Social Bank et perdit sa petit à petit sa spécificité. Dans les années 60 également, la Malaisie développait une activité semblable à travers la création du Pilgrims Management Fund, moins fréquemment cité dû à l’absence de relais de croissances dans la région pendant une trentaine d’année.


Jean-Michel Huet
Jean-Michel Huet
Le premier choc pétrolier a finalement permis le véritable essor de ce système bancaire. L’explosion du prix du pétrole a immédiatement impacté les sociétés des pays du golfe, où l’Islam joue évidemment un rôle clé. La question se pose assez naturellement : les règles sociales étant régies par l’Islam dans cette région, qu’en est-il de la gestion financière? L’importante quantité de liquidités disponibles a encouragé l’émergence de banques islamiques. Ainsi furent créées en 1975 la Banque islamique de développement, qui sert de banque de développement au monde arabe, et la Dubaï Islamic Bank. Puis, en 1977, la Koweit finance house. Elles figurent encore aujourd’hui parmi le top 15 des banques islamiques classées selon le total de leurs actifs. La question de la compatibilité entre le monde financier conventionnel et le monde financier islamique a commencé à se poser peu après. En 1979, le Soudan décide de procéder à l’islamisation intégrale de son système financier, suivi en 1983 par l’Iran ; le Pakistan prend aussi cette décision mais l’état n’arrivera pas à assurer la transition. Un autre positionnement vis-à-vis de la finance classique fait son apparition dans les années 90 : le modèle de fenêtres islamiques. L’idée est de créer des « départements islamiques » au sein de banques conventionnelles. L’idée est d’abord implémentée par des banques arabes puis reprise par des banques européennes implantées au Moyen-Orient.

Les flux financiers suite à l’événement du 11-septembre ont généré un surplus de liquidités dans la région du golfe, ce qui a redynamisé la croissance de l’industrie financière islamique. Les indicateurs de croissance dans le secteur sont à deux chiffres et l’émergence de deux produits nouveaux laisse penser que de nouveaux marchés sont encore à développer. L’histoire du premier de ces deux produits, le sukuk créé en 2001 et se rapprochant des obligations occidentales, démontre un déplacement géographique de l’innovation vers l’Asie. La Malaisie se démarque rapidement comme un précurseur dans le domaine puisqu’ils deviennent vite les plus grands émetteurs de sukuks. Ce produit connait d’ailleurs une internationalisation initiée par le land allemand de Saxe-Anhalt, qui a été le premier à procéder à ce genre d’émissions. Les croissances des émissions de sukuks montrent l’aspect séducteur du produit.

Le second produit est plus délicat à manipuler. Il s’agit des takafuls qui permettent d’adapter le concept d’assurance aux réglementations de la sharia. Leur manipulation est assez délicate ce qui leur confère à la fois une force et une faiblesse. La faiblesse est l’absence de réglementation précise existante à leur sujet, la force est que ce produit est justement peu exploré et offre des perspectives de conquêtes intéressantes. Ce produit est fondé sur le principe d’une mutualisation et du partage équitable des risques et des profits.

Géographiquement, la finance islamique se concentre dans quelques pays essentiellement en Asie du Sud Est et au Moyen-Orient. Avec des niveaux de développement fort disparates.

Les règles de la finance islamique s’appuient sur la sharia, c’est-à-dire à la fois sur l’ensemble des révélations faites à Mahomet puis retranscrites dans le livre saint (le Coran) et en même temps sur ses actes et ses paroles (la Sounna). Certains cas n’étant pas résolus par ce corpus, les docteurs de la loi, les oulémas, ont statué et rédigé les fiqhs, c’est-à-dire des interprétations faisant jurisprudence. Cette partie, fruit de la réflexion humaine, est plus controversée. Ainsi constituée, la sharia est divisée entre ce qui a trait à la relation avec Dieu et ce qui a trait aux relations entre hommes : le fiqh al badat et le fiqh al mu’amalat. En définissant les 5 piliers de l’Islam, le fiqh al badat génère une première obligation financière : la zakat ; c’est à dire l’obligation de payer un impôt à des œuvres louables dans un esprit d’aumône. Le fiqh al mu’amalat, quant à lui, est la source principale pour définir des contrats qui aillent dans le sens de la sharia.

5 grands principes permettent de comprendre les bases de la finance islamique
• L’interdiction du Riba (usure pour faire simple)
Etant donné que l’Islam considère que le temps est un bien exclusivement divin, seul le travail peut être récompensé financièrement. Attendre un retour sur investissement sans prendre part à la gestion d’un projet ne serait donc pas compatible avec la sharia car cela constitue une injustice sociale. Selon l’Islam, dès lors que le créancier est rémunéré, lui aussi devrait prendre part aux éventuelles pertes. L’alternative à l’intérêt est de faire de la banque un partenaire de l’emprunteur et donc de partager le résultat. Mais ce partage se fait aussi bien en cas de profit qu’en cas de pertes. Les risques sont mieux distribués et l’association de la banque aux projets rend sa rémunération légitime.

• L’interdiction du Gharar (incertitude, ambiguité, etc.)
La symétrie d’information est ici un élément structurant. Un contrat doit être clairement défini tant en quantité qu’en qualité. Un engagement relatif ou un paiement conditionnel n’est pas concevable dans la rédaction d’un contrat conforme à la sharia. Cet interdit s’applique en particulier aux assurances Pour revenir sur les liens surprenants vus en introduction, le gharar est l’intermédiaire entre un bébé chameau et les produits dérivés. Il n’est pas possible de vendre un chameau avant sa naissance. Assurer la compatibilité entre les produits dérivés et l’interdit du gharar s’avère en ce sens un délicat exercice d’équilibriste.

• l’interdit du Maysir (concept proche de la spéculation)
Les jeux de hasard sont interdits dans l’Islam, et par conséquent les prises de risques volontaires dans des affaires commerciales le sont aussi. Les produits dérivés sont ainsi interdits

• Les activités haram (illicites par oppostion à Halal)
La loi islamique insiste sur une séparation entre les produits licites et illicites : viande porcine, alcool, drogues, etc. Ces produits sont prohibés dans la sharia. Leur financement doit l’être aussi.

• L’obligation de la zakat
L’un des 5 piliers de l’Islam concerne l’obligation de faire aumône. Cette obligation est valable tant pour la personne physique que pour la personne moral. Il y a donc pour les entreprises un impôt à objectif caritatif. De manière générale, le taux de prélèvement sur les revenus avoisine les 2,5% au sens d’une année lunaire (soit environ 2 ,75% sur l’année solaire). Le taux varie néanmoins en fonction de l’activité.
Une fois ces bases définies, elles permettent de fixer un corpus de contrats qui peut alors servir de modèles pour la finance islamique en respectant ces règles

Jean-Michel Huet, associé BearingPoint et Saleh Cherqaoui, directeur du développement du bureau Marocain de BearingPoint

Mardi 18 Novembre 2014




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