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La communication de la Commission européenne sur la RSE du 25 octobre 2011 par Michel Doucin

La Commission européenne a publié le 25 octobre, dans le cadre d'un « paquet » sur « l'entreprise responsable », une communication intitulée :« Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l'Union Européenne pour la période 2011-2014 ». Cette communication, issue d'un processus d'élaboration auquel les Etats-membres ont été associés à travers le « Groupe d'experts de haut niveau sur la RSE », a fait l'objet de versions provisoires non officielles successives qui ont circulé jusqu'à la semaine dernière, assez différentes les unes par rapport aux autres. Les différences entre versions illustrent les débats qui ont traversé la Commission et les pressions exercées par les Etats, les organisations patronales et les ONG.


La communication de la Commission européenne sur la RSE du 25 octobre 2011 par Michel Doucin
L'introduction, divisée en trois sous-titres, souligne que se préoccuper de responsabilité sociale des entreprises (RSE) répond à la fois aux intérêts des entreprises (nouveaux marchés, innovation, regagner la confiance des employés, consommateurs et citoyens) et à ceux de la société dans son ensemble ; si la Commission présente cette communication aujourd'hui, c'est dans le prolongement de sa stratégie 2020, mais aussi à la suite d'une réflexion sur la crise actuelle et ses causes. D'où un changement d'optique qui amène à préconiser un rôle à jouer pour l'Union européenne n'excluant pas des « mesures réglementaires créant des conditions plus propices à inciter les entreprises à s'acquitter volontairement de leurs responsabilités sociales ». Particulièrement intéressante est la phrase qui souligne que la recherche d'une réduction des effets de la crise, y compris les pertes d'emplois, fait partie de la RSE. Curieusement toutefois, le texte ne fait aucune référence à la préparation de la conférence Rio + 20 alors qu'il se réfère aux notions de croissance durable et d'emploi durable.

Un chapitre 2, qui ne figurait pas dans les premières versions de la communication, baptisé "Evaluation de l'impact de la politique européenne de RSE", comprend une partie autocritique qui a atténuée dans sa version finale : les parties suivantes du paragraphe « l'impact de la politique définie en 2006 a été limité par plusieurs facteurs » ont été supprimées : « l'absence d'inclusion des Etats-Membres et des parties prenantes autres que du monde entrepreneurial (...) , une définition de la RSE insuffisamment claire et qui était déjà dépassée par d'autres normes internationales, (...) les questions de transparence n'ont été abordées que sous l'angle des consommateurs (...) et le caractère complémentaire que joue la régulation dans la promotion de la RSE a été ignoré ». On retrouve ces sujets, positivés. La Commission admet aussi que « des problèmes importants demeurent ». De nombreuses grandes entreprises n'ont toujours pas de politiques de RSE ou n'ont pas entièrement intégré la RSE dans leurs opérations ou stratégie. L'implication d'une petite minorité d'entreprises européennes dans des cas de violations de droits humains et de non respect des standards de base du travail est connue. La communication conclut en soulignant que les réglementations nationales qui se multiplient relatives à la RSE peuvent finir par constituer des obstacles pour le commerce intra-européen et que la Commission peut jouer un rôle dans leur harmonisation.

Le chapitre 3 qui annonce « une conception moderne de la RSE » inclut plusieurs subdivisions, dont la première s'intitule "une nouvelle définition". Celle qui est donnée se démarque de celle du livre vert de 2001et se cale sur celles d'ISO 26000 et des principes droits de l'Homme et entreprises, privilégiant l'approche " impacts sur la société", à laquelle est ajoutée le respect de la législation et (nouveauté et originalité) le "respect des conventions collectives conclues entre partenaires sociaux". Une autre subdivision justifie cet alignement sur les autres normes internationales, une autre sur le caractère multidimensionnel de la RSE, une autre sur « le rôle des pouvoirs publics et des autres parties prenantes » (incitations et cadre réglementaire étant présentés comme complémentaires), une autre sur l'entrepreneuriat social et une dernière sur le dialogue social (qui salue les accords d'entreprises transnationaux et annonce que l'Union Européenne les soutiendra).

Le chapitre 4 « Programme d'action pour la période 2011-2014» répond dès son titre à une inquiétude exprimée, que cette communication ne soit qu'un texte philosophique sans portée. Par rapport à l'avant dernière version qui a circulé, elle inclut une subdivision supplémentaire sur les processus d'auto et co-régulation, encouragés pourvu qu'ils soient fondés sur le dialogue avec les parties prenantes et associent les autorités publiques, dont la Commission européenne. Dans ce chapitre, s'affirme avec clarté un renversement du regard de la Commission sur le sujet : la référence au rôle important des Etats dans la dynamique de RSE y est permanente et insistante.

Améliorer la notoriété de la RSE et diffuser les bonnes pratiques
- la Commission créera en 2013 des plateformes de RSE multipartites dans un certain nombre de secteurs industriels, pour que des entreprises, leurs employés et d'autres parties prenantes prennent des engagements publics ;
- elle lancera en 2012 un système européen de récompense des partenariats entre les entreprises et leurs parties prenantes ;

Améliorer et mesurer le degré de confiance qu'inspirent les entreprises
- La Commission aborde la question du "green-washing" (éco-blanchiment) qu'elle traitera à la faveur de la révision de la directive Pratiques Commerciales Déloyales, des mesures spécifiques étant envisagées.
- Elle lancera en 2012 un débat public sur le rôle et le potentiel des entreprises au 21e siècle, avec l'objectif d'identifier d'éventuelles mesures spécifiques.

Améliorer les processus d'auto- et co-régulation
La proposition de la Commission bouscule le dogme de l'autorégulation sur lequel a été fondée jusqu'ici la définition même de la RSE, le "volontarisme". Elle propose, en effet, de lancer une réflexion sur les exigences de base auxquelles devraient désormais répondre les codes de conduite dont se dotent les entreprises : il est sous-entendu qu'ils ne couvrent souvent qu'une petite partie du domaine de la RSE, celle qui est la moins exigeante, et ne se dotent pas toujours d'instruments pour une réelle mise en œuvre. Une collaboration avec les parties prenantes, dont des autorités publiques, est en outre recommandée.

Rendre la RSE intéressante pour les entreprises
La traduction française reflète mal l'idée, mieux exprimée dans le titre anglais, qu'il faut « stimuler la RSE par les récompenses du marché ». Cela comprend :
- la révision du plan d'action en faveur d'une consommation et d'une production durables. Ont disparu de la rédaction la référence à la labellisation et à la révision en 2013 de la politique européenne du consommateur. Les propositions de labellisation disparaissent plus généralement de l'ensemble du texte (pour l'ISR notamment).
- la révision en 2011 (l'échéance paraît bien courte) des directives sur les achats publics ; La Commission ajoute une invitation aux autorités publiques à faire un meilleur usage de la législation existante, rappelant qu'elle avait déjà fixé un objectif indicatif de 50 % de l'ensemble des marchés passés dans l'Union qui devraient satisfaire des critères environnementaux ... pour 2010.
- l'examen de la possibilité d'imposer à tous les fonds d'investissement et institutions financières une exigence d'informer leurs clients sur les critères qu'ils appliquent se réclamant de l'investissement éthique ou responsable et de tous standards et codes auxquels ils adhèrent ;
- l'invitation faite aux gérants d'actifs européens, notamment les fonds de pension, de signer les PRI (Principes de l'investissement responsable) des Nations unies, (sujet sur lequel la France a été pionnière).

Améliorer la transparence des entreprises sur le plan social et environnemental
Référence est faite à la décision de plusieurs Etats d'instaurer des obligations en matière d'information non financière (mention implicite de la France, de la Grande Bretagne et du Danemark). La Commission annonce une proposition législative sur la transparence des informations sociales et environnementales fournies par les sociétés de tous secteurs, qui en est déjà au stade de l'analyse d'impact. En outre est en cours d'élaboration une politique visant à favoriser les comparaisons entre entreprises sur le plan de la performance environnementale par une méthode fondée sur le cycle de vie. Elle pourrait aussi nourrir la communication d'informations non financière.

Accorder de l'importance à la RSE dans l'éducation, la formation et la recherche
A disparu le projet de publier une liste des écoles de commerce qui ont signé les principes des Nations unies pour l'enseignement d'un management responsable. Reste l'annonce que les programmes européens Education tout au long de la vie et Jeunesse en action seront utilisés pour financer des programmes d'éduction à la RSE.

Souligner l'importance des politiques nationales et infranationales en matière de RSE
Le rôle des pouvoirs publics est ici encore réaffirmé, avec :
- la création en 2012 « conjointement avec les Etats-membres » d'un mécanisme d'examen par les pairs des politiques nationales en matière de RSE.
- l'encouragement des États membres à établir ou mettre à jour d'ici mi-2012 leurs plans ou listes nationales d'actions prioritaires visant à promouvoir la RSE, avec des références aux principes et lignes directrices de RSE reconnus au niveau international, en coopération avec les entreprises et autre parties prenantes.

Rapprocher les conceptions européenne et mondiale de la RSE
La Commission proclame son désir de renforcer sa coopération avec les Etats membres, les pays partenaires et les instances internationales pour favoriser le respect des normes internationalement reconnues et favoriser leur cohérence. La révision des Principes de l'OCDE pour les multinationales et le renforcement, à cette occasion, du rôle des Points de Contact Nationaux (PCN) sont salués. Puis sont répertoriées différentes thématiques :

Se référer aux normes internationales
- est annoncée la création d'un mécanisme d'examen des entreprises européennes de plus de 1 000 salariés qui se sont engagées à prendre en compte les principes et lignes directrices de RSE reconnus au niveau international et le standard ISO 26000 dans leurs opérations. S'agira-t-il d'une sorte de PCN au niveau européen ? La rédaction ne permet pas de le savoir.
- toutes les grandes entreprises européennes sont invitées à s'engager d'ici 2014 à prendre en compte au moins une des normes reconnues : Pacte mondial des Nations unies, Lignes directrices de l'OCDE pour les entreprises multinationales et l'ISO 26000.
- toutes les multinationales basées en Europe sont invitées à s'engager d'ici 2014 à respecter la déclaration de principes tripartite de l'OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale ;

Appliquer les Principes des Nations Unies sur les droits de l'Homme et les entreprises
Un exposé des motifs explique l'importance nouvellement reconnue à ce thème, mais, à la différence de la version précédente, ne fait plus allusion à l'intérêt d'une collaboration sur le sujet avec le Conseil de l'Europe. Les propositions sont que la Commission :
- travaille avec les entreprises et parties prenantes en 2012 pour développer des recommandations relatives aux droits de l'Homme pour un nombre limité de secteurs industriels exposés et d'autres recommandations pour les PME en s'appuyant sur les principes directeur de l'ONU sur les entreprises et les droits de l'homme
- publie avant la fin 2012 un rapport sur les priorités européennes dans la mise en œuvre de ces principes, et ultérieurement des rapports périodiques sur les progrès accomplis. A noter que la mention du Service européen d'action extérieure disparaît de la version finale.
- invite les États membres à développer d'ici fin 2012 des plans nationaux de mise en œuvre des principes directeurs de l'ONU ;

Relations avec d'autres pays
La Commission annonce prudemment, en écho notamment à des avis du Parlement européen, qu'elle « fera des propositions importantes dans le domaine du commerce et du développement » pour favoriser les pratiques RSE conformes aux normes internationales. La rédaction précédente, qui prévoyait d'inclure un chapitre sur le développement durable dans les accords de libres échanges a été supprimée ; de même que l'annonce d'une communication en 2012 sur la dimension externe de la politique sociale portant notamment sur le travail décent et les droits fondamentaux du travail.

Conclusion
La Commission conclut en annonçant qu'elle « collaborera avec les États membres, les entreprises et les autres parties prenantes, pour surveiller les progrès périodiquement et préparer une réunion d'évaluation mi-2014 ». Une référence est faite au rôle du Groupe d'experts de Haute Niveau (CSR HLG) des Etats membres.

Commentaire
Même si cette nouvelle communication rappelle dans son introduction la définition donnée dans le Livre Vert, où l'aspect purement volontaire de la RSE était mis en avant, le reste du texte marque un changement radical d'optique, une véritable politique publique de la RSE étant annoncée au niveau européen, qui recourra à l'arme de la directive (4 sont implicitement ou explicitement visées), devant s'articuler avec des politiques nationales définies dans le cadre de « plans ou listes de priorités » que chaque Etat est invité à produire dès 2012. La visibilité de cette révolution copernicienne est légèrement atténuée par l'inclusion de cette communication dans un « paquet » où figurent aussi des mesures d'allègement des charges pour les PME, mais aussi une proposition de révision de la directive transparence qui va dans le sens d'un durcissement.

La Commission proclame finalement que l'encadrement des pratiques (ir)responsables des grandes entreprises par des règlements publics, en encourageant celles qui sont vraiment utilement responsables, est de nature à redonner confiance aux marchés et aux citoyens tout en favorisant la croissance durable.

Patrick d’Humières
www.institutrse.com

Mercredi 16 Novembre 2011




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