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La Suisse : manipulatrice ou autiste ?

Comment distinguer, sans risque d’erreur, une nation qui manipule sa monnaie ? Tout simplement en analysant la masse de ses réserves monétaires libellées en devises étrangères par rapport à son P.I.B..


Michel Santi
Michel Santi
Un peu de théorie : un excédent de la balance des paiements d’un pays est la résultante d’une exportation nette de capitaux. Sachant qu’une nation peut se retrouver exportatrice de capitaux si son secteur privé investit massivement à l’étranger, ou dès lors que ces flux sortants de liquidités sont le fait – volontaire – de son secteur public.

Un peu de pratique : l’action du secteur public d’un pays qui consiste à investir à l’étranger, à travers le bras armé d’une banque centrale qui accumule des réserves en monnaies étrangères, porte un nom : la manipulation monétaire. Mais ne nous lançons pas dans de telles accusations à la légère car deux approches permettent de qualifier un pays de « manipulateur ». Le stock des réserves en monnaies étrangères ramené au P.I.B. du pays soupçonné et, par ailleurs, le degré de fluctuation – à la hausse ou à la baisse – de ces mêmes réserves, toujours par rapport au même P.I.B..

Dès lors, comment ne pas tomber des nues en comparant les réserves en monnaies étrangères (à juin 2012) de la Chine qui sont à 40% de son P.I.B. et de la Suisse, qui sont à…70% son P.I.B. ! L’évolution de ces interventions monétaires ne plaide pas davantage en faveur de la Suisse qui, sur une période de 3 ans, a fait progresser de 63% ses réserves en devises étrangères, pendant que la Chine, elle, investissait seulement 15% de plus en monnaies étrangères. La Confédération Helvétique est donc coupable des deux chefs d’accusation, même si la masse et la totalité des interventions chinoises est à l’évidence, en valeur absolue, plus importante que le solde des interventions suisses. Voire…

En effet, tandis que la taille de l’économie chinoise est 12 fois celle de la Suisse, les réserves chinoises sont, avec 2630 milliards d’euros, à peine 7 fois plus importantes que celles de la Suisse, qui en a 340 milliards. Mais ceci n’est pas encore tout car, mises à l’échelle du continent européen, ces sommes sont absolument déterminantes. En effet, alors que la grande majorité des réserves monétaires chinoises sont libellées en dollars (la Banque de Chine ne détient que 20 à 25% d’euros), les réserves de la Banque Nationale Suisse sont évidemment quasi intégralement en monnaie unique. C’est ainsi que la Banque Nationale Suisse a acquis ces 3 dernières années pour 170 milliards d’euros qui, s’ils devaient être revendus (par exemple contre le dollar US) par une Banque centrale européenne soucieuse de ne pas trop voir s’apprécier sa monnaie, auraient provoqué une vraie guerre des monnaies à l’échelle mondiale !

Comment la Suisse peut-elle persévérer sur cette voie totalement illégitime, elle qui jouit d’un excédent de sa balance des paiements équivalent à 12% de son P.I.B., quand celui de la Chine n’est que de 3% ? Le maintien sous pression du franc suisse peut d’autant moins se réaliser à de tels coûts pour ses partenaires européens que le cours de l’euro par rapport au franc suisse est fondamental dans le cadre des relations commerciales bilatérales. Les exportations européennes en direction de la Suisse se montent effectivement à 90 milliards d’euros par an, chiffre similaire à celui du total des exportations de l’Union vers la Chine ! Sachant que l’excédent de la balance des paiements helvétiques est lui-même fort significatif puisqu’il équivaut à 1% du P.I.B. de l’ensemble de l’Union. Ce chiffre étant également celui des déficits publics combinés de la France et de l’Italie! Alors : combien de temps encore la Suisse continuera-t-elle de jouer avec le feu ? Elle qui, par ces agissements et par ces manipulations, freine considérablement les ajustements intra-européens ? C’est-à-dire les indispensables diminutions des excédents de certains pays qui viendront résorber les déficits européens périphériques.

Autiste la Suisse, ou manipulatrice? Un peu des deux probablement…

Michel Santi
Economiste et Analyste Financier (indépendant)
www.gestionsuisse.com

Mardi 23 Octobre 2012




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