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La France dégradée et après ?

C'est fait ! Presque dix mois après Standard and Poor's, Moody's, l'autre grande agence de notation, a dégradé la note de la dette publique française. Cette dernière perd donc, une nouvelle fois, son fameux AAA. Il ne manque donc plus que la dégradation de l'agence européenne Fitch (qui, comme souvent, sera très en retard) pour que la coupe soit pleine.


Marc Touati
Marc Touati
Pour autant, il n'y a pas de quoi dramatiser. Du moins pour le moment. En effet, comme il y a dix mois, la note de la France n'a été abaissée que d'un seul cran. Comparativement aux fortes dégradations des dettes de l'Italie (Baa2), de l'Espagne (Baa3), du Portugal (Ba3) et bien sûr de la Grèce (C), celle de la France reste donc toujours très appréciable. Dans ce cadre, elle continue de bénéficier des faveurs des investisseurs, via ce que l'on appelle le fly to quality (envol vers la qualité). Ainsi, sans véritable surprise, le taux d'intérêt à dix ans des obligations du Trésor français n'ont augmenté que modérément à la suite de la dégradation de Moody's, passant de 1,80 % lundi matin à 2,1 % depuis mardi soir. Nous sommes donc toujours très loin des 4,7 % italiens, des 5,9 % espagnols, des 8,8 % portugais et des 18,8 % grecs.

Mais les bonnes nouvelles s'arrêtent là. Car s'il est toujours très pratique de regarder les moins forts que soi, le comparatif avec ceux qui sont au-dessus est plus douloureux. Ainsi, la France ne fait désormais plus partie du club très fermé des pays qui détiennent encore le graal du triple A auprès des trois grandes agences de notation. Il n'y en a finalement que douze au monde, dont neuf en Europe. Parmi ces douze Etats, sept se distinguent par une perspective « stable » aussi bien chez Moody's, Fitch que Standard and Poor's (S&P) : la Suède, la Norvège et le Danemark, la Suisse, l'Australie, le Canada et Singapour. Les cinq autres, les Pays-Bas, l'Allemagne, le Luxembourg, le Royaume-Uni et la Finlande voient leur note assortie d'une perspective « négative » par au moins une des trois agences. Quant aux Etats-Unis et à l'Autriche, qui ont aussi perdu leur triple A au cours des derniers trimestres, ils ont néanmoins conservé la note suprême auprès de Moody's et Fitch. Confirmant ces différences, l'écart de taux d'intérêt des obligations à dix ans de ces pays avec celui de la France s'est creusé ces derniers jours.

Il faut par exemple noter que les taux dix ans allemands ont repris le chemin de la baisse, atteignant désormais 1,3 %, augmentant donc le spread de taux à 800 points de base avec la France. Ce n'est pas dramatique, mais cela montre tout de même qu'une nouvelle tendance s'installe.

Plus globalement, il faut bien comprendre que l'actuelle faiblesse des taux dix ans français s'apparente clairement à une bulle obligataire. En effet, compte tenu des déficits publics actuels et à venir, qui resteront bien supérieurs à .3 % du PIB, il n'y a aucune raison objective pour que les taux longs français soient si bas. Cette faiblesse correspond simplement à un excès d'épargne collectée par les banques et mal réinvesti. Ainsi, astreintes à des ratios prudentiels de plus en plus prohibitifs, ces dernières n'utilisent pas leurs dépôts pour augmenter les crédits au secteur privé, mais pour investir massivement sur de la dette a priori non risquée, en l'occurrence des obligations d'Etat. Nous sommes face à ce que l'on appelle un effet d'éviction, c'est-à-dire que les financements de la consommation et des investissements privés sont évincés par celui de la dépense publique. Si cette dernière générait une croissance forte, cela pourra encore être acceptable, mais cela est malheureusement loin d'être le cas, en dépit des efforts marketing du Président et du gouvernement pour essayer de faire croire le contraire.

La dégradation de la note de la France moins d'une semaine après l'annonce par le gouvernement Ayrault de mesures soi-disant révolutionnaires pour relancer l'économie française montrent d'ailleurs que ces dernières ne sont pas crédibles. Et pour cause : si Moody's voulait simplement sanctionner la gestion du passé, elle aurait maintenu une perspective stable sur la note de la France. Or, elle a accompagné sa dégradation d'une perspective négative. Cela signifie donc non seulement que les mesures annoncées ne sont pas prises au sérieux, mais aussi qu'une nouvelle dégradation pourra intervenir à tout moment dans les prochains mois.

Ce nouvel abaissement de la note de la France deviendra d'ailleurs inévitable dès le début 2013, lorsque le retour en récession de la France sera confirmé. La nouvelle est d'ailleurs passée inaperçue la semaine dernière, y compris par nous, mais après vérification et compte tenu des modifications statistiques opérées par l'INSEE sur les comptes nationaux des deux premiers trimestres 2012, il faut savoir qu'au cours de chacun de ces derniers, le PIB français a reculé. Ses évolutions précises sont de respectivement - 0,03 % et - 0,06 %. A force de jouer au chat et à la souris avec les chiffres, la France a donc bien connu deux trimestres consécutifs de baisse de son PIB et est donc bien entrée officiellement en récession au premier semestre 2012.

Mais malheureusement, ce n'est qu'un début. Car, après l'augmentation surprenante de 0,2 % du PIB au troisième trimestre (et qui appelle d'ailleurs des corrections), ce dernier devrait baisser d'au moins 0,3 % au quatrième trimestre. Cela se traduira par une variation annuelle moyenne de 0,1 % en 2012. Pis, cela engendrera un acquis de croissance négatif pour 2013, année au cours de laquelle le PIB français ne devrait pas progresser de 0,8 % comme annoncé par le gouvernement, mais reculer de 0,3 %.

Conséquences logiques de ces déconvenues, le déficit public français sera d'au moins 4,6 % du PIB en 2012 et d'environ 4 % l'an prochain. Quant à la dette, elle devrait atteindre la barre psychologique des 100 % du PIB en 2013. Dans ce cadre, la note de la dette publique française perdra au moins deux crans d'ici l'été et les taux longs se tendront vers les 4 %. Autrement dit, acheter aujourd'hui des bons du Trésor français à dix ans avec un taux de rendement de 2,1 % relève de la gageure et devient même particulièrement dangereux.

Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


Vendredi 23 Novembre 2012




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