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La Chine, arbitre des élégances financières

Rédigeant en 2005 un ouvrage où je décrivais les signes avant-coureurs de la crise, j’intitulais l’un des chapitres : « Les États-Unis otages de la Chine ».


Paul Jorion
Paul Jorion
Ce que j’évoquais, c’était la situation qui s’était mise en place où la Chine, devenue le principal bailleur de fonds des États-Unis par des achats massifs de sa dette, aussi bien sous la forme récente de titres adossés à des crédits immobiliers que sous la forme plus traditionnelle de Bons du Trésor, était en mesure de faire la pluie et le beau temps sur le niveau des taux longs américains et, les faisant baisser considérablement, favorisait la naissance d’une bulle dans l’immobilier résidentiel de ce pays.

La situation d’otage de l’Amérique devint tout particulièrement évidente à la fin 2008, quand la débâcle financière la força de guetter au jour le jour le moindre frémissement dans la gestion par la Chine de son immense portefeuille de dette américaine. Rien ne se passa cependant. Les quelques signes de vente que l’on crut déceler se révélèrent a posteriori avoir été des erreurs dues au fait que certains achats avaient lieu sur des marchés situés en-dehors de la métropole chinoise : à Londres et à Hong-Kong en particulier. On poussa alors un ouf de soulagement.

Février 2010 : l’Europe se porte au secours de la Grèce. Une première fois, une deuxième, une troisième, … sans jamais cependant véritablement convaincre les « marchés ». Le cours de l’euro entame par rapport au dollar une baisse inexorable. Celle-ci s’interrompt le 27 mai quand la Chine précise par un communiqué de l’Administration nationale des échanges extérieurs qu’elle poursuivra la diversification de ses fonds souverains selon la formule présidant au panier de devises constituant les Droits de Tirage Spéciaux, la monnaie de compte propre au FMI. À savoir, 44 % de dollars, 34 % d’euros, et 11 % de yen et de livre sterling chacun. Le monde pousse à nouveau un immense soupir de soulagement. On feint d’ignorer que la zone euro vient d’accéder à son tour au statut peu enviable d’otage de la Chine.

On se souvient de l’hilarité des étudiants de l’Université de Pékin, en 2009, quand Mr. Geithner, Secrétaire au Trésor américain, avait déclaré devant eux que la dette américaine constituait pour la Chine un excellent placement. L’Occident n’en a donc pas fini d’avaler des couleuvres dans ses rapports avec l’Empire du Milieu.

La Chine n’ignore pas que sa révolution industrielle – en retard de cent cinquante ans sur celle de l’Occident – portera ombrage à une Amérique toujours prompte à se découvrir des ennemis et à vouloir les réduire au silence. Elle marche du coup sur des œufs. Un ordre monétaire mondial, tel celui prôné par Keynes à Bretton Woods : une chambre de compensation multilatérale, utilisant le bancor comme devise de compte et réglant dans un cadre délibérément pacifié les échanges entre nations, n’est pas de son intérêt immédiat.

Elle n’est pas prête encore à passer du statut d’exportateur net massif à un équilibre de ses importations et de ses exportations, son marché intérieur n’étant pas suffisamment développé pour qu’elle puisse se le permettre. C’est pourtant la carte qu’elle joue en ce moment : une remise à l’ordre du jour du bancor a été réclamée dans un article très remarqué publié en mars 2009 par Mr. Zhou Xiaochuan, le patron de la banque centrale chinoise.
La Chine raisonne sur le long terme. Dans un monde occidental où les poulets décapités courent désormais dans tous les sens, il faut sans doute en remercier les dieux.


Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions.
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Mercredi 9 Juin 2010




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