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LUXALPHA : c’est l’Etat luxembourgeois qui devrait moralement dédommager les clients

L’année juste avant la création de Luxalpha, UBS était congratulée au Luxembourg : UBS Asset Management, a reçu le Grand prix pour les «fonds toutes catégories». Le dirigeant de UBS Asset Management, Ignatius Bundi, avait fait le déplacement au Luxembourg pour recevoir le prix du meilleur gestionnaire toutes catégories d'actifs confondues (Cf. « ‘European Fund Awards’ : une soirée riche en surprises! » Luxemburger Wort, 1er mars 2003).


Jérôme Turquey
Jérôme Turquey
LUXALPHA dont la CSSF – le régulateur- est incapable de prononcer le nom (Cf. ses deux communiqués de presse du 22 décembre 2008 et du 2 janvier 2009) est un produit de la place luxembourgeoise.

En l’état actuel des normes claires et pragmatiques luxembourgeoises le résultat des actions entreprises au Luxembourg plus qu’incertain et si les clients ont un jour gain de cause se serait au terme de plusieurs mois voire années de procédures.

La CSSF – le régulateur - elle-même rappelle dans son dernier rapport annuel que dans le règlement des conflits entre les professionnels soumis à son contrôle et leurs clients « les positions qu’elle émet ne sont pas contraignantes pour les professionnels » (CSSF, Rapport Annuel 2007, page 160) : en cas de saisine de l’autorité de régulation par le client, l’établissement financier n’est pas tenu par la position de la CSSF.

Les victimes de Madoff veulent aujourd’hui déposer une plainte contre UBS au Luxembourg (Cf. dépêche Reuters « Plainte en vue contre UBS et HSBC dans l'affaire Madoff » en date du 8 janvier 2009). Or, la responsabilité pénale des personnes morales n’existe pas au Luxembourg, où il est plus facile de trouver le consensus pour réformer la constitution que pour mettre en œuvre les recommandations internationales y compris l’introduction en droit positif de la responsabilité pénale des personnes morales (Cf. rapports du GRECO et du Groupe de travail contre la corruption de l’OCDE des années 2000).

La jurisprudence civile est elle-même défavorable à l’investisseur ce dont on se félicite à l’instar de Me Alex Schmitt condescendant à l’égard des « investisseurs à la petite semaine » : "L'on pourra se féliciter de ce que la jurisprudence luxembourgeoise se montre généralement très clairvoyante face aux investisseurs à la petite semaine” (In Alex Schmitt, Elisabeth Omes, La responsabilité du banquier en droit bancaire privé luxembourgeois. Larcier Edition 2006 - numéro 55, 224 pages, p. 197) : en cas de saisine de la justice pour engager la responsabilité du professionnel du secteur financier, l’investisseur a rarement gain de cause.

Enfin les garanties bancaires sont ridiculement basses : l’ABBL, contrairement aux dires du pouvoir politique, limite à 20 000 EUR la garantie bancaire au mépris des engagements européens (Cf. « La garantie reste à 20 000 euros » et « Quelles garanties pour les dépôts bancaires? », L’essentiel, 7 janvier 2009) : en cas de défaillance d’une banque les professionnels entendent dédommager a minima le client par rapport aux autres pays.

Il en ressort que, dans le contexte des affaires Madoff et Kaupthing, le Luxembourg apparaît bel et bien comme une juridiction où existe pour le client le risque de perdre son argent pour les choix normatifs laxistes sous la pression des professionnels que l’Etat a écouté et entendu.

A-t-on compris la leçon de la crise financière internationale au Luxembourg ?

On peut en douter : ainsi Jean-Jacques Rommes, président de l’ABBL, cité par RTL a-t-il déclaré que « D'Associatioun vun de Banken a Banquieren wënscht sech, datt d'Bankeplaz net iwwerreglementéiert gëtt, soss géif Lëtzebuerg nämlech eng Partie Avantage verléieren » (www.rtl.lu, « ABBL: D’Finanzplaz muss sech op manner Wuesstëm astellen! », 8 janvier 2009) : quand ailleurs on réalise que le manque de régulation et de contrôles est la cause majeure de la crise financière, au Luxembourg l’on continue à demander que la place financière ne soit pas sur-réglementée, sinon Luxembourg perdrait une partie des ses avantages. Et le pouvoir politique est en infériorité par rapport au pouvoir du secteur financier et des professionnels, à l’instar d’un Luc Frieden déclarant pour répondre à l’affirmation « Nous perdons du business et nous décourageons un certain nombre de nos clients. Il est nécessaire de rénover et de dynamiser la place financière dans ce sens » du président de l'Association Luxembourgeoise des Professionnels du Patrimoine : « Est-ce qu'une grande place financière comme la nôtre doit exagérer un peu ou bien être plus laxiste au risque de laisser passer quelques scandales ? (...) Oui, il peut arriver que nous ayons exagéré certaines procédures, mais c'était dans une tendance générale en Europe. J'espère que nous n'avons pas mal fait et qu'il est encore possible de revenir en arrière. Je ne veux surtout pas que l'on dise que nous ne faisons plus rien et je suis prêt à abandonner certaines exigences si cela s'avère nécessaire » (« Législation - Haro sur les procédures! », Paperjam, 29 juin 2007) : toute l’histoire parlementaire récente du Luxembourg montre que lorsque l’exécutif a présenté un texte convenable au plan éthique, au nom du business l’intérêt (à court terme) du secteur financier au sens large l’a emporté dans le débat parlementaire sous la pression des professionnels.

L’Etat et ses quatre pouvoirs au Luxembourg (secteur financier, exécutif, législatif, judicaire) est pleinement responsable vis-à-vis des investisseurs des choix.

Comment la place financière peut-elle donner des gages de respect des clients et regagner la confiance internationale ?

En s’inspirant d’une disposition législative introduite en France pour les incendies de voiture : le législateur en France a adopté une loi le 19 juin 2008 pour permettre sous condition une indemnisation immédiate des victimes. C'est un fonds de garantie qui rembourse la victime et c’est le fonds de garanti qui se retourne ultérieurement contre l’incendiaire pour qu'il rembourse les sommes engagées.

L’Etat luxembourgeois devrait moralement rembourser les clients lésés de LUXALPHA, charge à lui d’obtenir par la suite le remboursement des sommes engagées dans le cadre normatif clair et pragmatique qu’il s’est choisi : pas de responsabilité pénale des personnes morales, pas de pouvoir de contrainte de la CSSF...

Faute d’une telle mesure, on ne peut que déconseiller le Luxembourg comme place financière pour l’avenir.


Jérôme Turquey

Auditeur-conseil indépendant en éthique des affaires et risque de réputation
Chargé de cours en Master de Sciences criminelles sur les paradis financiers
En savoir plus : http://ethiquedesplaces.blogspirit.com

Jérôme Turquey Jérôme Turquey - Ethiques et gouvernance des places financières
j.turquey@wanadoo.fr
http://ethiquedesplaces.blogspirit.com


Lundi 12 Janvier 2009




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