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L’impact réel du boycott chinois sur les produits français

Depuis la mi-avril 2008, une partie des Chinois se mobilise contre les intérêts français : envoi de milliers de SMS appelant au boycott des magasins Carrefour, manifestations de plus de 1 000 personnes devant les enseignes dans les grandes et moyennes villes de Chine, et enfin création d’un site « www.anti-jialefu.cn ». Face à ce nationalisme populaire, le gouvernement chinois a « laissé faire » des rassemblements de foule qu’il a coutume « d’étouffer dans l’œuf ».


Nicolas Bouzou
Nicolas Bouzou
Un nationalisme chinois à deux vitesses ? Dans une certaine mesure, la situation tend à le confirmer à double titre. En premier lieu, les élans nationalistes semblent focalisés sur Carrefour, probablement du fait de la position de symbole de l’entreprise des intérêts français en Chine. Auchan n’a en revanche pas été visé, tandis que les soldes d’avril chez Lafuma à Shanghai ont été un succès. Le Comité Colbert (regroupant soixante dix marques françaises de l’industrie du luxe) n’a fait part d’aucun impact économique sur ses membres. Les menaces de manifestations contre LVMH, Dior, L’Oréal et Peugeot n’ont pas été suivies d’effet non plus.

En second lieu, le nationalisme populaire chinois semble préférer la cible française à son voisin d’outre-Rhin. Malgré la visite du Dalaï Lama à Angela Merkel, les manifestations nationalistes n’ont pas visé les Allemands. Certes, la Chambre de Commerce allemande en Chine s’inquiète de l’impact potentiel d’une politique de sanction contre la Chine, mais selon son représentant, aucun contrat n’a été annulé.

Les raisons de cette différence de traitement ? Si les relations franco-chinoises sont largement basées sur « une amitié » sans cesse confirmée dans les déclarations politiques de coopérations, d’échanges culturels ou de voyages de chefs d’Etat répétés, elles sont quantitativement moins intenses. En effet, si Carrefour est aujourd’hui le « porte drapeau français » en Chine, il y n’est présent que depuis 10 ans. Les relations germano-chinoises sont plus marquées par le sceau économique et commercial. Beaucoup d’entreprises allemandes sont présentes en Chine depuis plus de trente ans (notamment via les relations privilégiées des « frères » d’ex RDA) et l’Allemagne est depuis des années le premier partenaire européen de la Chine (en terme de transferts de technologies, investissements, nombre de JV…). En Allemagne, la Chine représente aujourd’hui 7% des exportations. Les entreprises allemandes, fortes de leurs 4% de parts sur le marché chinois (contre environ 1,5% aux entreprises françaises), sont, par conséquent, moins vulnérables aux soubresauts des relations politiques bilatérales.

Dès l’apparition des menaces de boycott des produits français, des voix chinoises se sont élevées pour raisonner les envolées nationalistes : l’entreprise Carrefour en Chine a ceci de particulier qu’elle jouit d’une image « d’ami de la Chine » – les trois quarts des 44 000 employés et des produits vendus sont chinois. Carrefour a très vite réagi aux attaques en démentant les accusations de soutien au Dalaï Lama et en adoptant un nouvel uniforme à la couleur nationale, témoignant son soutien aux Jeux Olympiques. Carrefour est le leader de la grande distribution en nombre d’hypermarchés (122) et en parts de marché (8,8% en 2007) avec 2,9 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Les deuxième et troisième places vont à Trust-Mart (5,8% de parts de marché en 2007) et Wal-Mart (3,1%). Carrefour ouvre pratiquement un hypermarché tous les 15 jours et revendique 2 millions de clients quotidiens.

Le gouvernement chinois a fini, quant à lui, par montrer sa volonté de calmer les esprits : il commence à endiguer des mouvements de foules, qui pourraient ultérieurement se transformer en dénonciation de problèmes plus larges de politique intérieure. Ainsi, Xinhua, l’agence Chine nouvelle (contrôlée par le gouvernement) a appelé le 15 avril les Chinois à se concentrer sur le travail de préparation des Jeux Olympiques, suggérant donc l’arrêt des manifestations. Celles-ci n’ont depuis pratiquement eu lieu que dans les villes de province, la police contenant les tentatives dans les grandes villes.

Dans ce contexte, l’impact économique des manifestations anti-françaises devrait s’avérer relativement marginal. Carrefour a pu observer une baisse des ventes durant la première semaine de mai (en glissement sur 1 an), mais les objectifs annuels ne semblent pas devoir être remis en cause. En effet, l’impact à court terme en nombre de visiteurs semble incontestable, mais la politique de prix peu élevés de Carrefour lui confère a priori un avantage dans la fidélisation des Chinois. Dans le contexte international de crise alimentaire, le riz de Carrefour est l’un des moins chers du marché. Cette stratégie de prix bas devrait être accentuée en conséquence de l’intensification des pressions concurrentielles sur le marché. Wal-Mart a en effet conclu dans la nuit du 6 au 7 mai une prise de participation de 35% dans le capital du Taïwanais Trust-Mart et compte en prendre le contrôle d’ici à 2010. Wal-Mart devient de fait le leader en termes de chiffre d’affaire et de nombre d’hypermarchés.

De façon plus globale, si l’image de la France et par extension celle de sa « figure de proue » en Chine se sont un peu ternies, les résultats financiers de 2008 des grandes entreprises présentes sur place ne devraient pas être affectés. Le dramatique séisme du 12 mai au Sichuan a en outre recentré l’attention populaire sur des préoccupations intérieures.


Vendredi 13 Juin 2008




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