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L’automne de tous les dangers

Sans vouloir verser dans le catastrophisme, voici un rapide catalogue de défis qui risquent de nous exploser à la figure dans les mois qui viennent. Ils sont au nombre de cinq.


Bernard Marois
Bernard Marois
1) Les « réformettes » structurelles mises en place par le gouvernement français sont insuffisantes

En effet, les chiffres ne mentent pas. Le déficit budgétaire 2014 dépassera (légèrement) celui de 2013 ; la dette publique continue à augmenter, le déficit commercial ne se résorbe pas, le chômage poursuit sa hausse. Quant à la croissance, elle reste « aux abonnés absents ». 2015 ne paraît pas susceptible d’amorcer un quelconque rebond.

2) Le « parapluie » allemand nous protège encore, mais jusqu’à quand ?

Si les taux d’intérêt à long terme restent bas, ce dont bénéficie l’Etat français, lorsqu’il emprunte, c’est essentiellement parce que les investisseurs font l’hypothèse tacite que l’Allemagne garantit le paiement de la dette française. Pour l’instant, notre « tuteur » n’a guère le choix : nous avons la même monnaie ; la France est un partenaire commercial essentiel, nos économies sont relativement interdépendantes.

Cependant, les Allemands commencent à se lasser. Un parti anti-européen est apparu outre-Rhin et semble se développer. En outre, les pays de la zone euro qui ont fait des réformes de structure et donc de gros efforts (Espagne, Portugal, Grèce, etc.) acceptent de moins en moins facilement les « errances » économiques de la France. Il est vraisemblable que Bruxelles devancera les agences de notation dans une attitude de réprimande de la gouvernance française, avec d’éventuelles sanctions à la clé et un risque alors de détérioration de notre « rating ».

3) Au-delà de la France, l’Europe est également en panne

Compte tenu de sa baisse démographique, déjà sensible dans plusieurs pays(1), l’Europe risque de connaître une période de stagnation prolongée, à l’instar du Japon. Cependant, il y a peu de précédents historiques en matière de gestion de la « décroissance » économique. En général, les périodes de récession ont été courtes et dictées par des événements spécifiques (guerres, crise de 1929, etc.). Hormis les grandes épidémies du Moyen-Age, la tendance historique a consisté en une croissance démographique continue au niveau européen facilitant ainsi le développement économique.

L’Europe et, de façon similaire, le Japon et la Russie inaugurent malheureusement une nouvelle ère marquée par le vieillissement rapide de leur population et la baisse régulière de leur « force de travail », à moins qu’une émigration voulue vienne contrebalancer cette tendance, mais fasse apparaître d’autres problèmes, comme on le voit un peu partout en Europe. De toutes façons, cet hiver démographique ne peut qu’accélérer le déclin de ces zones géographiques.

4) Une lueur dans cette grisaille automnale : le redémarrage des investissements étrangers en France ?

Un certain nombre d’opérations récentes (prises de participation de General Electric chez Alstom, rachat du Club Med par Fosun, vente des scooters Peugeot à un groupe indien) sont synonymes de rentrées de devises pour la France. Cependant, il faut rester prudent sur les conséquences de ces opérations : d’une part, il ne s’agit pas de « créations » de nouvelles activités, mais de rachats d’entreprises existantes et, d’autre part, se pose la question du maintien à moyen et long terme de ces activités en France. Cela dépendra certainement de l’évolution de l’environnement des affaires chez nous(2).

5) L’euro a du mal à s’imposer en tant que monnaie de facturation

Avec seulement 8 % des facturations mondiales hors zone euro, la monnaie unique vient d’être dépassée par le yuan chinois, qui devient deuxième monnaie mondiale, derrière le dollar, avec 10 % des facturations mondiales (dont une part essentielle en Asie). Si l’euro a régressé depuis 5 ans, c’est en grande partie à cause de la crise de la dette souveraine subie par plusieurs Etats, tels que la Grèce, le Portugal ou l’Espagne, qui ont jeté le doute dans l’esprit des investisseurs sur la pérennité de l’euro.

En quoi cela nous concerne ? Comme nous l’avons constaté récemment (amende colossale payée par la BNP), la nécessité de facturer en dollars entraîne pour leurs utilisateurs le risque de contrevenir à des règlementations américaines, qui de ce fait, deviennent aussi extra-territoriales (on pense évidemment aux sanctions imposées à un certain nombre d’Etats comme l’Iran, Le Soudan, etc.). Facturer en euros éviterait de prendre ces risques. Mais l’usage de l’euro est limité par les traditions commerciales : les cotations de matières premières, par exemple, s’effectuent pour l’essentiel en dollars ; les facturations de l’industrie aéronautique, y compris Airbus, sont réalisées aussi en dollars (même parfois pour des transactions à l’intérieur de la zone euro !).

Au-delà des aspects purement économiques (disparition du risque de change), l’utilisation de l’euro comme monnaie de facturation favoriserait la cohésion de notre zone monétaire et faciliterait la diversification des moyens de paiement (système monétaire multipolaire).

On conçoit que les Etats-Unis y soient fortement opposés. Néanmoins, il serait bon d’œuvrer dans le sens d’une plus grande utilisation mondiale de l’euro. Un des moyens envisageable consisterait à créer un « marché des euros-bonds » ; mais pour y parvenir, il faudrait constituer une « Agence du Trésor européenne »(3), ce que, pour l’instant les Allemands ne sont pas prêts à accepter. Nous sommes dans une impasse.

Voilà donc une liste de défis (certains diront « à la Prévert »), bien que l’on puisse facilement trouver un lien entre tous ces sujets : le modèle sur lequel la France et, plus généralement, l’Europe a vécu depuis 1945 est moribond. Faute d’un rebond, rapide, nous amorcerons un déclin que je considère irréversible.


Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur du Club Finance HEC




(1) Jusqu’à présent, la France faisait exception. L’enterrement par les socialistes de la politique familiale voulue par de Gaulle risque d’envoyer rapidement la France dans le camp, prédominant en Europe, des pays à démographie déclinante.

(2) On peut aussi noter que les investissements français à l’étranger dépassent, et de loin, les investissements étrangers en France, sans que cette situation ne profite vraiment à notre balance commerciale.

(3) Ce qui suppose la mise en commun des dettes souveraines des divers Etats membres, pour se rapprocher du modèle américain. Donc une accélération de l’intégration politique et économique (coordination accrue des politiques budgétaires). Et en conséquence, des réformes de structure dans les « maillons faibles » (France, en particulier).



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Mercredi 22 Octobre 2014




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