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L'assignation doit préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige

(« O douce paix ! Heureux le cœur qui ne te perd jamais [1] ! »)


Dans son rapport de 2008 le Président Magendie s’interrogeait à propos de la Médiation: « C’est une vraie interrogation que celle du succès mitigé de ce Mode Alternatif de Règlement des Conflits qui apporte un peu d’humanité dans un déroulement parfois kafkaïen des procédures alors même que l’ensemble des professionnels de la justice s’accordent à en saluer les mérites (…) C’est désormais vers l’action concrète que nous devons tendre nos efforts afin que la médiation judiciaire devienne le mode habituel de règlement des conflits [2] ».

7 ans plus tard et 20 ans après la loi de 1995 sur la Médiation judiciaire, le mystère reste entier. Les rapports Guinchard, Darrois, Magendie, tous favorables à la Médiation, n’ont rien changé. Le grand chantier de Madame Taubira, « La justice du XXIème siècle », voudrait mettre « le citoyen au cœur du service public de la Justice » et ambitionne de bâtir « Une justice plus proche, plus efficace et plus protectrice ». Bonnes idées ! Comme de raison, il est prévu de favoriser les «Modes alternatifs de Règlement des Conflits »… « Jamais tant de vertu fut-elle couronnée [3] » ! J’ignore si le garde des Sceaux a lu ‘Esther’, mais le salut ne viendra pas d’en haut. Aujourd’hui les caisses de l’État sont vides, un recrutement massif de magistrats est exclu [4] et il se pourrait que la Chancellerie et Madame de « Maintenant » (confrontées aux contentieux de masse et à l’asphyxie de certaines juridictions) soient enfin contraintes de prendre la Médiation au sérieux.

La jurisprudence, moins frileuse, consacre la force obligatoire des clauses de médiation et de conciliation depuis 2003 [5]. La chambre mixte de la Cour de cassation vient d’ajouter une pierre à sa construction prétorienne pro Médiation, jugeant que : « …la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n'est pas susceptible d'être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d'instance… » [6]

L'assignation doit préciser les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige

Le décret 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à « La simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends » (en vigueur depuis le 1er avril 2015) a complété l’article 56 du Code de Procédure Civile. On sait qu’à peine de nullité une assignation doit contenir certaines mentions obligatoires et notamment l'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, l'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit, l'indication des modalités de comparution devant la juridiction et des pièces sur lesquelles la demande est fondée. Avec le nouveau décret « Sauf justification d'un motif légitime tenant à l'urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu'elle intéresse l'ordre public, l'assignation précise également les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige ».

Le défaut de cette mention n’est pas sanctionné par une nullité. C’est confirmé par la circulaire d’application du 20 mars. Logique, pas de nullité sans texte, et on peut douter que les juges amenés à interpréter le décret qualifieront la démarche de ‘formalité substantielle ou d’ordre public’. Le nouvel article 127 du CPC (post décret 2015) dispose: « S'il n'est pas justifié, lors de l'introduction de l'instance et conformément aux dispositions des articles 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation »

Des questions en suspens

Cette réforme part d’un bon sentiment et va faire avancer le schmilblick, mais elle ne suffira pas à freiner l’ardeur des plaideurs. Pire, d’épineuses questions pratiques restent en suspens.

Que faut-il entendre par l’exception « d’urgence » (le concept a fait couler beaucoup d’encre s’agissant des procédures de référé) ? Qu’est-ce qu’une « diligence » ? Pourra-t-on se contenter d’une clause de style ? En pratique il parait prudent d’échanger sur la tentative amiable par lettre recommandée AR ou par courriers officiels si des avocats sont intervenus. Le hic c’est que les négociations ou démarches amiables entreprises par les conseils des parties sont soumises au secret professionnel. Les avocats, notamment en demande, ne s’empresseront pas de détailler les démarches amiables entreprises dès lors, qu’à tort ou à raison, elles pourraient être interprétées comme fragilisant la portée, le quantum ou pire, la légitimité de la demande judiciaire.

Au-delà de l’information sur les ‘tentatives amiables’, la Chancellerie serait bien inspirée d’introduire dans notre Code de Procédure l’équivalent des Practice Direction et Pre action protocols qui se développent en Angleterre depuis la Réforme Woolf et les nouvelles Civil Procedure Rules. Ces "accords de procédure" généralement passés au début de l’instance favorisent l’efficience et un bon management judiciaire. En revanche, rendre la médiation systématique et obligatoire pour tous les litiges remettrait en cause son essence conventionnelle; il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Les structures, initiatives, projets pilotes en faveur des Les structures, initiatives, projets pilotes en faveur des Modes Alternatifs de Règlement des Conflits sont disparates et peu coordonnés, les mentalités évoluent lentement, beaucoup reste à faire [7], mais la grande marche (radieuse !?) vers la Médiation est en cours et ne s’arrêtera pas. À l’université, dans les écoles du Barreau, les chambres de commerce, les programmes de sensibilisation, les diplômes de formation à la Médiation se développent et sont prisés des jeunes générations de juristes et entrepreneurs. Victor Hugo rappelle dans ‘Les Misérables’ que : « Tout n’est pas dit quand un code a parlé » !

Le salut ne viendra pas d’en haut. Il appartient aussi aux justiciables de faire pression sur leurs conseils et d’exiger, au-delà de l’information, des vrais tentatives de médiation.

Dans l’attente du prochain acte, et de nouveaux chœurs de louanges sur la Médiation, un rappel :
« Ô douce paix ! Heureux le cœur qui ne te perd jamais !»

[1] «Esther», J Racine, Acte II, scène 9.
[2] «Célérité et qualité de la Justice devant la cour d’appel», Rapport Magendie II, avril 2008.
[3] «Esther», J Racine, Acte III, scène 9.
[4] Leur nombre est constant en France depuis Napoléon III, un peu plus de 8000; c’est très peu par rapport à nos voisins européens.
[5] C Cass Ch mixte, 14 février 2003, pourvois n° 00-19423 et 00-19424.
[6] C Cass Ch Mixte, 12 décembre 2014, pourvoi n° 13-19.684.
[7] Au débotté, la place et le rôle des conciliateurs de Justice doivent être clarifiés, une certification efficace des médiateurs doit être mise en place, une vraie formation des magistrats à la Médiation doit être proposée, dès la scolarité à l’ENM etc.

La Revue est une publication du cabinet d'avocats Squire Patton Boggs, partenaire chroniqueur de votre quotidien Finyear.
http://larevue.squirepattonboggs.com/

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Mardi 9 Juin 2015




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1.Posté par Pierre GONZVA le 09/06/2015 15:34 | Alerter
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Une question à se poser est relative à l'attitude qu'auront les Tribunaux de Commerce si une assignation ne précise pas les tentatives amiables, ou indique qu'il n'y en a pas eu.
Les Tribunaux jugeront-ils comme si de rien n'était, ou bien renverront-ils les parties en médiation ou conciliation ? Cela pourrait-il être un facteur défavorable pour le demandeur, lequel serait présumé ne pas avoir recherché de solution amiable ?
Gageons que les interprétations seront différentes selon lesTribunaux !

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