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L’administrateur judiciaire et l’avocat dans l’accompagnement des entreprises en difficulté

Regards croisés de Christophe THEVENOT, administrateur judiciaire et Président de l’Association Syndicale Professionnelle d’Administrateurs Judiciaires (ASPAJ) et Jean-Charles SIMON, avocat spécialiste des entreprises en difficulté, associé-gérant de SIMON ASSOCIES. : Quels sont les enjeux actuels face à la crise ?


Laurent Leloup
Laurent Leloup
Retournement d’entreprise : avis de gros temps
Tandis que la dernière étude chiffrée réalisée par Altares sur le premier trimestre 2009 indique une nette augmentation des défaillances d’entreprises, même de taille significative et dans plusieurs filières industrielles, les entreprises appréhendent déjà « un été extrêmement chaud », avant une « rentrée compliquée », le tout étant de pouvoir anticiper de manière efficace et donc concertée avec les interlocuteurs incontournables de la prévention dans leur environnement direct : assureurs crédit et banques.

Le Cabinet d’avocats Simon Associés a consacré le 16 juin dernier son Club de la Presse « entreprises en difficulté » aux sujets d’actualité avec, comme invité, Me. Christophe Thévenot, Président de l’Association Syndicale Professionnelle des Administrateurs Judiciaires (ASPAJ). L’occasion pour cet administrateur judiciaire spécialisé dans la prévention des difficultés d’entreprise, de confronter avec Jean-Charles Simon, Associé-gérant de Simon Associés spécialisé dans les entreprises en difficulté, son analyse de la situation actuelle et celle des prochains mois.

Horizon dégradé
Jean-Charles Simon confirme, à partir de sa pratique quotidienne, une évolution significative de la physionomie des entreprises en difficultés. Jusqu’à fin 2008, ces difficultés concernaient au premier chef les petites et moyennes entreprises. Mais entre 2008 et 2009, la pandémie a également gagné les entreprises de plus grande taille : les entreprises de 100 à 200 salariés concernées par une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire ont ainsi augmenté dans une proportion de +75% et les entreprises comptant plus de 200 salariés dans une proportion de +120%.

Même tendance en matière de sauvegarde, cette procédure ayant connu un pic très important en début d’année : les entreprises de 50 à 100 salariés y ayant recours ont progressé de plus de 400% et les entreprises entre 100 et 200 salariés sont en augmentation de plus de 133%. Pour Jean-Charles Simon, outre les conséquences de la crise, la réforme technique de la procédure de sauvegarde explique pour une large part ce phénomène, le législateur ayant précisément souhaité « réserver une position particulière au dirigeant en lui laissant l’initiative, ce qui n’est pas le cas dans le cadre du redressement judiciaire ».

Un point de vue partagé mais nuancé par Christophe Thévenot : « hormis les cas marginaux dans lesquels il se substitue entièrement au dirigeant, l’administrateur judiciaire assure avant tout une mission d’assistance et, concernant la procédure de sauvegarde, la question consiste à déterminer quelle place le dirigeant veut laisser à l’administrateur judiciaire et quelle place celui-ci veut prendre ».

Dans tous les cas, les défaillances ont gagné le secteur industriel, lequel, s’il avait été encore relativement préservé jusqu’à fin 2008, a vu le nombre de ses défaillances augmenter de près de 150%. « Des filières comme le bois, la plasturgie et la construction navale se trouvent particulièrement atteintes », souligne Jean-Charles Simon au vu de ses nouveaux dossiers. Or, d’après les sous-jacents économiques, l’horizon est encore appelé à se dégrader, de l’avis de l’avocat et de l’administrateur judiciaire. Encore non perceptible à la simple lecture des bilans de fin 2008, cette dégradation sera beaucoup plus nette au 30 juin 2009.

Pour Jean-Charles Simon, l’heure est à l’anticipation, avec effet de dominos, pour les acteurs économiques : « banques et assureurs crédits ont ainsi commencé à resserrer de nouveau leur position il y a quatre ou cinq semaines ». Situé à l’autre extrémité de la chaîne de prévention, Christophe Thévenot ressent la même tendance : il se trouve davantage consulté par des dirigeants soucieux d’anticiper au mieux cette dégradation à venir. Tout cela conduit les deux professionnels de la prévention à se rejoindre sur les pronostics à court terme : « un été extrêmement chaud, quelques grosses défaillances étant à prévoir », et « une rentrée compliquée » lors de laquelle les dirigeants seront amenés à devoir négocier, après de longue séances de discussions, des accords avec leur pool bancaire.

« Les dirigeants sont de plus en plus sensibilisés à cette anticipation absolument indispensable », relève Jean-Charles Simon ; « avant, il leur arrivait rarement de venir nous voir avec cette volonté d’anticiper à quatre ou cinq mois. Aujourd’hui, même les entreprises réalisant entre 30 et 200 millions d’euros de chiffre d’affaires et qui, confrontées à des difficultés de trésorerie, appréhendent une situation de cessation de paiement d’ici le mois de septembre, ne pratiquent pas le déni face à l’urgence ». Ceci est la preuve que les efforts d’information et de pédagogie ont porté leurs fruits mais aussi que la prise de conscience des dirigeants est révélatrice de leurs profondes inquiétudes quant à la pérennité de leurs relations avec leur environnement direct, à commencer par les assureurs crédit et les banques.

Négocier la sortie de crise en privilégiant dialogues et équilibres
La décote brutale par les assureurs crédit des montants garantis auprès des fournisseurs constitue toujours un réel problème dès lors que, comme le rappelle Jean-Charles Simon, le client du fournisseur et l’assureur crédit ne sont pas liés par contrat. Le client généralement informé avec retard par le fournisseur de cette décote, justifiée au demeurant de manière subjective sinon opaque, dans certains cas, selon Jean-Charles Simon, ne dispose d’aucun recours pour pouvoir réagir à temps.

C’est là une difficulté à laquelle les sociétés cibles dans le cadre de LBO se trouvent également confrontées lorsque notamment la holding financière se met sous protection d’une mesure de prévention. Or, Jean-Charles Simon et Christophe Thévenot sont unanimes : les assureurs crédit, forts d’analyses crédit souvent très pertinentes, demeurent des acteurs incontournables de la prévention. Mais Jean-Charles Simon observe que, compte tenu des ressources disponibles, seuls les dossiers impliquant des entreprises d’une certaine taille, avec une présence locale « impactante » et présentant des enjeux sociaux importants, bénéficient d’analyses poussées et d’une réelle écoute propice à un dialogue constructif, le Médiateur du crédit n’ayant pour sa part qu’une marge de manoeuvre réduite, même s’il déploie une véritable énergie.

De son côté, Christophe Thévenot constate que, dans certains secteurs, les fournisseurs ont appris depuis septembre dernier à travailler sans assureur crédit. C’est pourquoi il se félicite d’autant plus de l’institution, à l’initiative de Matignon, du nouveau préavis d’un mois, tout en rappelant que l’ASPAJ avait, dès le début de l’année 2008, initié et contribué à l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques sous l’égide du CIRI. Ceci, afin de favoriser un échange d’informations limité à l’environnement direct de l’entreprise, la confidentialité devant naturellement être préservée à l’égard du marché. Pour Christophe Thévenot, « l’assureur crédit doit être informé le plus tôt possible de l’existence d’un mandat ad hoc, par exemple, et l’administrateur doit être informé dans un délai suffisant, idéalement de trois mois, de l’analyse de l’assureur crédit et de ses suites ».

Pour l’heure, il exhorte à engager un dialogue sans concession pour que l’assureur crédit reste ; « le mandataire ad hoc et le conciliateur, les premiers, mais aussi le dirigeant ou son conseil, doivent clairement lui signifier que le sauvetage de son risque dépend de sa présence, au cours de laquelle lui seront exposées les solutions envisagées ». Dans l’immédiat, l’avocat et l’administrateur judiciaire saluent tous deux le « travail exemplaire » fourni par Oséo qui a récemment élargi ses conditions d’intervention. Jean-Charles Simon est catégorique : « Oséo dit ne pas savoir si ses lignes seront reconduites pour 2009 mais c’est pourtant bien avec Oséo que nous parvenons à aider les entreprises, le niveau de ses engagements actuels traduisant en fait un manque d’information ou la réticence de la part des banques ».

Des banques avec lesquelles il importe de soutenir le dialogue sans perdre de vue, rappelle Jean-Charles Simon, la plus grande proximité des banques régionales et la nécessité d’anticiper la raréfaction du crédit bancaire en envisageant l’ouverture du capital, notamment dans le contexte des nouveaux partenariats intervenus entre la Médiation du crédit, la CDC et les investisseurs en capital. Des banques qui jouent également un rôle majeur dans les opérations LBO et qui pourraient bien être appelées à voir leur rôle évoluer dans un très proche avenir. Christophe Thévenot observe en effet que les banques abordent désormais d’elles même la question de la conversion des dettes en capital, ce qu’elles estimaient jusqu’alors hors sujet.

Il y a là, selon lui, « une solution de sortie de crise » qui pourrait être facilitée par la constitution entre les banques de structures mutualisées sous forme de société de participation. Jean-Charles Simon, qui confirme l’intérêt de cette solution, souligne également la nécessité de trouver les bons équilibres à travers la restructuration de la dette, compte tenu de certains antagonismes, notamment entre l’investisseur en capital et la dette senior : « on ne peut que s’engager sur cette voie raisonnable ; les acteurs du LBO, banques de la dette senior, mezzaneurs, fonds d’investissements, et autres, dont le souci doit être de préserver la cible opérationnelle, sont contraints à la négociation, en dépit de positions très arrêtées, vu l’arrivée d’ici trois à quatre mois de dossiers de la grosse industrie ou des secteurs du service».

Compte-rendu du Club de la Presse du 16 juin 2009.

www.simonassocies.com
www.ajinfo.org

Laurent Leloup

Mercredi 24 Juin 2009




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