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L’actualité fiscale vue par les décideurs financiers des moyennes et grandes entreprises

Au cours de l’année 2013, les questions liées à la fiscalité ont pris en France une importance considérable. Les débats ont atteint leur paroxysme en fin d’année, à l’occasion des discussions autour de la loi de finances 2014.


Laurent Leloup
Laurent Leloup
Dans ce contexte, Denjean & Associés, société d’expertise comptable et d’audit, spécialiste des grands groupes, des ETI et des PME de croissance, a jugé intéressant de sonder les décideurs financiers de ces trois catégories de sociétés sur l’actualité des mesures fiscales, et plus largement sur leurs attentes vis-à-vis de la fiscalité appliquée aux sociétés.

METHODOLOGIE ET PANEL : 214 décideurs financiers des grandes entreprises, des ETI et des PME de croissance
- La population interrogée : 8% de décideurs financiers des grandes entreprises (comptant 5000 salariés et plus), 43% de décisionnaires financiers des ETI (entreprises de taille intermédiaire, comptant de 250 à 4999 salariés) et 49% de décideurs des PME de croissance (comptant de 50 à 249 salariés)
- 214 décideurs financiers ont répondu à l’intégralité des questions, en qualité soit de directeur financier d’entreprise, soit de président, vice-président, directeur général ou gérant
- 60% des entreprises interrogées ont un CA supérieur à 50 millions d’euros
- L’enquête s’est déroulée du 10 au 31 décembre 2013, en ligne
- Denjean & Associés a élaboré le questionnaire et confié la mise en œuvre de l’étude à l’institut MRC&C

SYNTHESE DE L’ENQUETE :

Avec les commentaires de Thierry Denjean, Président fondateur de Denjean & Associés.

Contexte économique et contexte fiscal perçus comme défavorables

Q1. Comment jugez-vous le contexte économique en France ?
Un total de 92% d’opinions moroses sur la conjoncture économique de la France (56 % des sondés l’estiment « plutôt défavorable » et 36% « très défavorable »)

Q2....Et le contexte fiscal pour les entreprises ?
Un total de 89% d’opinions négatives, dont 56% de décisionnaires qui jugent le climat fiscal de l’Hexagone « très défavorable » aux entreprises !

Impact du CICE : peu ou pas de bénéfices attendus

Présenté par le gouvernement comme une mesure phare destinée à booster la compétitivité des entreprises, le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) n’est absolument pas vu comme tel par les décideurs financiers des moyennes et grandes sociétés.

Q3. Dans votre entreprise, quel sera, au titre de l’exercice 2013, l’impact du CICE sur la masse salariale ?
- Au total, 52% des sondés n’en attendent… rien !
- 38% déclarent que le gain attendu de cette mesure dans les comptes annuels de 2013 sera nul ou quasi nul
- 14% des décisionnaires financiers ne se sont même pas donné la peine de le calculer
Seuls 8% des décideurs financiers comptent tirer du CICE un gain significatif, représentant 3 à 4% de la masse salariale de l’entreprise.

Q4. Avez-vous demandé au cours de l’année 2013 un préfinancement de votre CICE ?
Seule une très petite minorité des entreprises du panel (14%) ont demandé en 2013 à faire préfinancer leur CICE. Pourtant, parmi la foule des moyennes et grandes sociétés n’ayant pas demandé de préfinancement, 62% des entreprises auraient eu besoin de trésorerie. Mais le préfinancement du CICE ne répondait pas à leurs attentes : son montant était trop faible, son coût trop élevé, ou bien les formalités à accomplir trop lourdes…

« Au vu de ces réponses, on peut se demander si le CICE, dont le double objectif est d’améliorer la compétitivité des entreprises et l’emploi, a été bien calibré. Les entreprises représentées dans notre enquête, celles comptant de 50 à plus de 5000 salariés, ne comptent pas tirer un gain significatif du CICE dans leurs comptes 2013. Pourtant, elles pourraient l’intégrer dans leurs comptes au titre de 2013 (en le comptabilisant en "produits à recevoir"). Ceci laisse à penser que les entreprises de plus de 50 salariés ne tireront pas du CICE un surcroît de compétitivité, et qu’elles ne seront pas poussées à embaucher davantage… alors que ces entreprises emploient 56% des salariés du secteur privé ! », analyse Thierry Denjean, Président fondateur de Denjean & Associés.

Des réactions étonnantes face aux points-clés de la loi de finances 2014

Q5. Votre avis sur les mesures suivantes, prévues par la loi de finances 2014 ?

1) Création d’une taxe de 75% s’appliquant aux salaires supérieurs à 1 million d’euros, à régler par les entreprises employant les salariés concernés
77% des sondés ont un avis défavorable sur cette mesure, alors qu’elle ne concerne en réalité que… 9% des entreprises du panel !

2) Alourdissement de la surtaxe d’IS pour les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 250 millions d’euros
79% des sondés la rejettent en bloc, bien que 32% seulement des sociétés du panel soient effectivement visées par cette mesure !

Pour ces deux premières mesures, comment expliquer les réactions « de rejet solidaire » exprimées par les décideurs financiers de moyennes et grandes sociétés ?
« On peut avancer l’idée que, indépendamment des seuils fixés par la loi de finances 2014 (salaires supérieurs à 1 million d’euros, CA dépassant 250 millions d’euros), ce que les décideurs financiers de moyennes et grandes entreprises rejettent, c’est une logique de sur-taxation spécifique aux entreprises dépassant une certaine taille. Car somme toute, ils n’ont aucune garantie qu’après avoir créé une taxe de 75% sur les salaires dépassant 1 million d’euros et une surtaxe d’IS pour les sociétés réalisant plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires, le gouvernement n’étendra pas la taxe de 75% à tous les salaires supérieurs à 500 000 euros, ou n’imposera pas une surtaxe d’IS à toutes les sociétés faisant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires», commente Thierry Denjean.

3) Durcissement des mesures concernant les financements intra-groupe et les prix de transfert, en vue de renforcer les procédures anti-fraude.

Les opinions sont très partagées : 50% des répondants trouvent qu’il s’agit d’une bonne mesure, l’autre moitié, d’une mauvaise mesure, et 15% des sondés approuvent ce durcissement légal bien qu’il concerne leur entreprise !
Probablement ces réactions modérées témoignent-elles de l’existence d’un souci éthique exprimé par une large partie des dirigeants interrogés, qui les conduit non seulement à condamner les montages frauduleux, mais aussi à prôner une politique fiscale incitative pour les entreprises vertueuses (cf. plus loin leurs réponses à la question 13).

Des « mesures Hollande » 2013 et 2014 jugées désastreuses sur l’image de la France auprès des investisseurs

Q6. Selon vous, quel est l’effet des « mesures Hollande » ci-dessous sur l’image de la France auprès des investisseurs ?

Aux yeux de plus de 90% des répondants, les quatre mesures citées ci-après ont un impact négatif sur l’image de la France auprès des investisseurs. Les voici classées par ordre d’impact négatif

1) Création d’une taxe de 75% s’appliquant aux salaires supérieurs à 1 million d’euros (applicable à compter de 2014)
72% des répondants jugent son effet très négatif

2) Alourdissement de la surtaxe d’IS pour les sociétés dont le CA excède 250 millions d’euros (applicable à compter de 2014)
67% des répondants jugent son effet très négatif

3) Alourdissement de l’ISF (applicable depuis 2013)
66% des répondants jugent son effet très négatif

4) Suppression des heures supplémentaires (applicable depuis 2013)
66% des répondants jugent son effet très négatif

Des lois de finances difficiles à digérer pour les entreprises

Q7. Trouvez-vous les lois de finances votées chaque année en décembre (loi de finances pour l’année suivante et loi de finances rectificative pour l’année écoulée) difficiles à digérer ?
93% des répondants estiment que les lois de finances votées en décembre sont « difficiles à digérer »

Q8. Quels éléments rendent la loi de finances difficile à digérer ?
L’instabilité fiscale est la plus fermement désignée puisqu’elle rassemble l’accord de 96% des répondants au total.
Juste derrière vient la rétroactivité (au global 94% d’accord), qui contribue, avec l’instabilité, à créer un sentiment d’insécurité ; puis l’effet d’empilement des mesures (au global 96% d’accord), qui génère de la complexité.
Enfin, 58% des répondants sont tout à fait d’accord pour désigner « le peu de temps dont ils disposent, après le vote définitif des lois de finances fin décembre, pour réfléchir leurs positions fiscales au début de l’année suivante » comme un facteur de difficulté.

Impôt sur les sociétés : des disparités jugées choquantes

Q9. Etes-vous choqué(e) par le fait que certaines sociétés en France paient moins de 10% d'IS ?
69% des répondants affirment être choqués par le fait que certaines sociétés en France paient moins de 10% d’IS

Interrogés sur la mesure qu’ils privilégieraient pour aplanir les disparités de ponctions fiscales entre les entreprises, 71% déclarent qu’ils opteraient pour le calcul de l’IS, dans toute l’Europe, à partir d’une même assiette fiscale consolidée au niveau européen.

A contrario, les deux autres solutions proposées dans le questionnaire, souvent évoquées dans les débats visant à réformer l’IS - fixation d’un taux d’IS croissant en fonction de l’importance du CA réalisé, ou utilisation d’une autre base que le résultat avant IS pour calculer l’IS -, ne suscitent aucune adhésion de la part des décideurs financiers de moyennes et grandes entreprises.

Enfin, parmi la dizaine de répondants ayant choisi de préconiser une autre mesure de leur choix, certains recommandent de baisser le taux facial de l'IS, d’autres de baser cet impôt sur l'EBE ou sur le cash-flow, d’autres encore d’harmoniser les taux sur trois ans avec la moyenne de l'IS de l'Union européenne.

Contrat de confiance : le flop !

Q10. Que pensez-vous du « contrat de confiance » proposé depuis peu par le fisc aux entreprises ?

Rappelons qu’au cours de l’année 2013, l’administration fiscale a lancé à titre expérimental un « contrat de confiance » avec les entreprises. Objectifs affichés de ce dispositif : permettre à l’entreprise de connaître le plus rapidement possible la position de l’administration sur ses options fiscales, et d’évaluer, pour les besoins de l’établissement de ses comptes, les conséquences financières de cette position ; permettre à l’administration d’améliorer sa connaissance de l’activité de l’entreprise et de sa gouvernance fiscale, de prévenir le contentieux en sécurisant le traitement fiscal des opérations structurantes pour l’entreprise et ainsi de s’assurer de la fiabilité de ses recettes fiscales. Dans ce cadre, l’administration conduit une revue annuelle des options et obligations fiscales de l’entreprise, puis délivre un avis qui lui est opposable.

34% des sondés répondent… qu’ils n’ont jamais entendu parler du « contrat de confiance »

Parmi ceux qui connaissent l’existence de ce dispositif, 36% des sondés pensent qu’il s’agit d’une initiative sans intérêt. En tenant compte des 6% des sondés qui estiment carrément qu’il s’agit d’une initiative néfaste, on obtient un total de 76% d’indifférents et de mécontents !

« 34% des sondés n’ont jamais entendu parler du contrat de confiance. C’est un phénomène d’autant plus surprenant que la population des décideurs financiers de moyennes et grandes entreprises est celle à laquelle le « contrat de confiance » est prioritairement destiné, et que cette population s’avère généralement très bien informée», fait remarquer Thierry Denjean.

Opinions sur certaines pratiques fiscales : d’accord pour l’optimisation fiscale très poussée, mais pas pour la fraude

Q11. Dans le contexte économique et fiscal actuel de la France, comprenez-vous que certaines entreprises recourent aux pratiques suivantes ?
82% des sondés disent comprendre que certaines entreprises optent pour des prises de positions fiscales agressives (autrement dit, pour une optimisation fiscale très poussée mais restant dans les limites de la légalité)
71% des décideurs interrogés condamnent fermement toute tentative de recours à des systèmes frauduleux

Une « bonne politique fiscale » pourrait relancer l’économie française

Q12. Une politique fiscale peut-elle être un outil de relance efficace pour le pays ?
87% des sondés déclarent qu’une politique fiscale peut être un outil de relance efficace pour le pays

Q13. Selon vous, quelles seraient les caractéristiques d’une « bonne politique fiscale » pour les entreprises ?
Le verdict rendu par les décideurs financiers des moyennes et grandes entreprises est clair : la politique fiscale dont ils rêvent est stable, accessible, harmonisée au niveau européen. Il faut aussi qu’elle se montre incitative pour les entreprises vertueuses, sécurisante, qu’elle ait des effets mesurables, qu’elle rémunère la prise de risque et qu’elle soit juste. Enfin, les sondés appellent de leurs vœux une politique fiscale attrayante pour les sociétés étrangères.
La politique fiscale actuelle : à des années-lumière de celle dont rêvent les décideurs…

Q14. Quelle note donnez-vous à la politique fiscale française sur chacune des caractéristiques suivantes ?
La conclusion des sondés est très sévère : sur la totalité des caractéristiques, la politique fiscale française obtient des notes catastrophiques, comprises entre 2 et 3,5 sur 10 !

Payer plus d’impôts pour sortir de la crise ? Plutôt oui !

Q15. Si le gouvernement mettait en place une vraie stratégie fiscale, permettant à la France d’être sortie de la crise dans deux ans, seriez-vous prêt à payer plus d’impôts en 2014 et en 2015? Ce, au titre de l’entreprise, d’une part, et à titre personnel, d’autre part ?
Plus de 50% des décideurs financiers des moyennes et grandes entreprises proclament qu’ils seraient « plutôt » ou « tout à fait » disposés à accepter, aussi bien au titre de leur entreprise qu’à titre personnel, une taxation supplémentaire accrue en 2014 et en 2015...

Mais attention, cette déclaration ne doit en aucun cas être interprétée par le gouvernement comme une porte ouverte à de nouvelles ponctions fiscales ! C’est même tout le contraire : les répondants ne seraient prêts à consentir un effort financier supplémentaire que sous réserve que deux conditions préalables soient remplies. Premièrement, il faudrait que le gouvernement français mette en place une « vraie » stratégie fiscale, jugée comme telle par les professionnels financiers sondés. Deuxièmement, il faudrait que cette stratégie soit susceptible de permettre à la France d’être sortie de la crise dès 2016, et que les décideurs financiers eux-mêmes en soient convaincus.

En résumé, il semble que les sondés souhaitent adresser aux hommes politiques de tous bords le message suivant : « Si l’un de vous se montrait capable de nous proposer un contrat sur deux ans dont les objectifs, bien que très ambitieux, nous paraîtraient atteignables, nous serions d’accord pour le signer ».

Un décideur financier sur cinq compte bientôt quitter la France

Q16. A titre personnel, pour quelle(s) raison(s) restez-vous en France ?
Seuls 40% des sondés déclarent qu’ils sont très heureux de vivre en France.
A contrario, 18% indiquent qu’ils comptent partir bientôt !

S’ils se disent prêts à faire des concessions dans le cadre d’une refonte fiscale bénéfique à l’économie française, reste que dans l’état actuel des choses, les décideurs financiers des moyennes et grandes entreprises manifestent une forte envie de quitter l’Hexagone.

Quant aux autres, leurs motivations pour rester en France semblent, au moins pour partie, résulter de freins plutôt que d’un choix délibéré.
Source : Denjean & Associés
denjeanassocies.fr

Laurent Leloup


Mercredi 15 Janvier 2014




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