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L’AMF finalise son nouvel arsenal contre les prises de contrôle rampantes

L’Autorité des marchés financiers (AMF) finalise son dispositif de lutte contre les prises de contrôle rampantes - lorsqu'un actionnaire monte au capital d'une société cotée sans déclarer au marché les actions et droits de vote qu’il détient. L’AMF a opté pour la méthode du delta pour comptabiliser les instruments dérivés à dénouement monétaire dans le calcul des seuils. Une option moins pénalisante que ce qui était initialement prévu.


Blimbaum Jérémy
Blimbaum Jérémy
Environnement réglementaire
La réglementation boursière repose sur la transparence de l’information, comme principe essentiel permettant au marché de déterminer le « juste prix » des sociétés cotées. A cette fin, l’un des rôles de l’Autorité des marchés financiers (AMF) est de lutter contre les montées occultes au capital des sociétés cotées, qui faussent l’information du marché et donnent un avantage compétitif indû à leurs auteurs. De nombreux mécanismes ont été mis en place ces dernières années pour réaliser (ou tenter de réaliser) des prises de contrôle dites « rampantes ». Les dernières en date ont consisté à utiliser des instruments dérivés à dénouements numéraire : la société Wendel est montée à 17% du capital de Saint-Gobain en 2007 par le biais de « total return swaps » et LVMH a pris une position de plus de 20% dans Hermès en 2010 via des « equity swaps » à dénouement en numéraire, mais finalement convertis en actions Hermès. Par ce biais, Wendel et LVMH avaient pu acquérir une position significative au capital des cibles visées sans informer le marché des positions qu’ils avaient constituées.


En effet, le mode de calcul des seuils déclaratifs légaux visés à l’article L. 233-7 du Code de commerce s’effectue sur la base des actions et droits de vote effectivement détenus par le déclarant (détention « en dur ») et des actions et droits de vote que ce dernier doit assimiler en vertu de l’article L. 233-9 du Code de commerce (détention « par assimilation »).

Dans le droit positif, les instruments dérivés à dénouement physique font l’objet d’une assimilation en vertu de l’article L. 233-9 du code de commerce. En revanche, les instruments dérivés à dénouement monétaire (« cash-settled derivatives ») sont hors du champ de la détention par assimilation et ne font l’objet d’une information (dite « séparée ») qu’à condition que leur bénéficiaire franchisse un seuil déclaratif légal.


Cette situation a été modifiée par la loi du 22 mars 2012 : les actions et droits de vote sur lesquels portent les instruments dérivés à dénouement en espèces et accords équivalents (1) devront maintenant faire l’objet d’une assimilation pour les besoins du calcul des seuils déclaratifs légaux.

Il revenait donc à l’AMF fixer, dans son Règlement général, les conditions d’application de ce nouveau cas d’assimilation, et définir en particulier les conditions dans lesquelles un accord ou instrument financier est considéré comme ayant un effet économique similaire à la possession d’actions. Un débat subsistait cependant sur le mode de calcul à retenir pour cette comptabilisation.


Méthode de comptabilité retenue
Finalement, suite à une consultation de place lancée en juin 2012, l’AMF a décidé, par une communication du 13 septembre 2012 (2) , d’adopter la méthode du delta pour la comptabilisation des instruments dérivés et accords à dénouement en numéraire (3).

Par ce biais, un déclarant détenteur d’un instrument financier à dénouement en espèces ne devra assimiler les actions et droits de vote sous-jacents qu’à hauteur du nominal multiplié par le delta de l’instrument.

Le delta d'un instrument dérivé correspond à la variation de la valeur de cet instrument pour une variation infinitésimale du prix du titre sous-jacent. Il est toujours compris entre -1 et +1 (entre -1 et 0 pour un instrument conférant une position courte, comme l’acquisition d’un Put, et entre 0 et +1 pour un instrument conférant une position longue, comme l’acquisition d’un Call) et varie à chaque instant en fonction du cours du sous-jacent, de sa volatilité, du temps restant avant l’échéance de l’instrument, des dividendes versés et du taux d’intérêt sans risque.

Une comptabilisation « en delta » consiste à multiplier le nombre maximal d’actions sur lequel porte l’instrument financier par le delta dudit instrument. L’AMF explique que s’agissant des instruments dérivés à dénouement en espèces, ce mode de comptabilisation est neutre pour les equity swaps et les CFD qui ont un delta égal à 1. En revanche, il conduit à minorer le nombre d’actions pris en compte lorsqu’il est appliqué aux options d’achat à dénouement en espèces (instruments très largement utilisés en France) qui ont un delta compris entre 0 et +1, comme le montre l’exemple :


L’investisseur acquiert une option d’achat à dénouement en numéraire indexée sur 100 actions d’un émetteur coté X. A la date d’acquisition, l’option a un delta de + 0,8.
Nombre d’actions X assimilées par l’investisseur :
- Reporting en nominal : 100
- Reporting en delta : 80 (= 100 x 0,8)

Ainsi, la méthode du delta revient à n’affecter au déclarant que le nombre maximum d'actions (et de droits de vote) auquel il pourrait avoir accès si sa contrepartie lui cédait les actions détenues en couverture de l’instrument. Autrement dit, pour couvrir 100 options sur des actions à dénouement en numéraire, les intermédiaires peuvent détenir moins de 100 actions en couverture (4).

Cette comptabilisation entraînera, après homologation par le Ministre de l’Economie et des Finances, une modification du Règlement général de l’AMF sur les points suivants :
- extension du champ d’assimilation aux instruments dérivés à dénouement en espèces (article 223-11), avec toutefois une exception relative au mode de calcul des seuils déclencheurs de l’offre obligatoire (article 234-1) ;
- nécessité de déclarer les modifications de la répartition entre les actions possédées et les actions assimilées dans la détention globale du déclarant (« déclaration bis ») (article 223-11-1 I) ;
- précision sur le fait qu’un déclarant ne doit assimiler un instrument financier qu’une seule fois, même s’il est simultanément visé par plusieurs cas d’assimilation (art. 223-11-1 II).

Conséquences pratiques pour les investisseurs :
Les nouvelles mesures entrent en vigueur le 1er octobre 2012. A cette date, les détenteurs de ce type de produit sont donc susceptibles de franchir des seuils de manière passive. Les investisseurs doivent donc être très vigilants sur les seuils légaux (5%, 10%, 15%, 20%, 25%, 30%, un tiers, 50%, deux tiers, 90% et 95% du capital ou des droits de vote) qu’ils pourraient franchir activement (acquisitions ultérieures de tels instruments et accords) ou passivement (assimilation des dérivés à dénouement en espèces par une détention préexistante au 1er octobre 2012), ce qui entraînerait une obligation de déclaration dans les quatre jours.

L’absence de déclaration de franchissement de seuils dans ce délai déclenche la suspension des droits de vote au-delà du premier seuil non déclaré, et peut entraîner des sanctions administratives et pénales, ainsi que des mesures visant à bloquer les titres litigieux.

En outre, il convient de rappeler que les prestataires de services d’investissements, qui sont les principaux utilisateurs d’instruments dérivés cash-settled, seront de toute façon dispensés d’assimiler ces instruments tant que leur détention « en dur » n’excédera pas 5%, en vertu de l’ « exemption de trading » (cf. article 223-13 I).

Conclusion :
Outre le fait que ce choix est de nature à fournir au marché la transparence pertinente, il anticipe l’entrée en vigueur de la directive Transparence révisée, qui devrait aboutir à imposer la méthode du delta. Avec cette mesure, la France prend donc de l’avance, et permet aux acteurs de marchés d’être déjà au niveau de la future réglementation, d’amortir leurs coûts d’adaptation et de gagner un avantage compétitif sur les marchés financiers européens.

Cette solution a cependant le désavantage d’aboutir à devoir déclarer les seuils franchis de manière passive par l’effet de la volatilité inhérente au delta, qui varie quotidiennement.

Quant aux prises de contrôle rampantes, elles avaient déjà été largement bridées par la loi du 22 octobre 2010 qui permet de débusquer les concertistes cherchant à prendre le contrôle d’une société (article L.233-9 du Code de commerce). Il semble que la comptabilisation en delta des instruments dérivés permettra d’assurer une transparence adéquate sur la détention « potentielle » du détenteur d’un dérivé à dénouement en numéraire. Les tentatives de prises de contrôle rampantes devront donc s’appuyer sur d’autres types de montage ou d’autres instruments non couverts par la réglementation. En ce domaine, l’imagination des praticiens est sans limite.

(1) On désigne par ces termes les accords ou instruments financiers réglés exclusivement en espèces et ayant pour leur bénéficiaire un effet économique similaire à la possession des actions sous-jacentes (terminologie de l’article L. 233-7 du Code de commerce), comme par exemple les equity swaps, les contracts-for-difference (CFD) ou les options d’achat à règlement en espèces.
(2) www.amf-france.org/documents/general/10577_1.pdf]url:http://www.amf-france.org/documents/general/10577_1.pdf
(3) Etant rappelé par ailleurs que la comptabilisation des actions assimilées au titre d’instruments dérivés ou d’accords à dénouement physique continue de se faire sur base nominale, c’est-à-dire en affectant au déclarant la totalité des actions et droits de vote sur lesquels porte l’instrument ou l’accord.
(4) La contrepartie se couvre habituellement en acquérant un nombre d’actions du sous-jacent égal au produit du nominal par le delta de l’instrument, pour couvrir parfaitement son risque.


Vendredi 28 Septembre 2012




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