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Impossible consensus sur un benchmark

PRIVATE EQUITY. La lutte est tendue entre les différents acteurs pour imposer un benchmark de performance. Au prix d’une confusion croissante.


Cyril Demaria
Cyril Demaria
A mesure que le private equity s’institutionnalise comme classe d’actifs à part entière, se pose la question de l’évaluation de la performance et du benchmark de référence. Trois groupes d’acteurs tentent imposer leurs méthodes, qui ont toutes des faiblesses.

L’école du benchmark passif coté
Le premier groupe utilise les indices des valeurs cotées, allant des classiques S&P 500 ou Russell 1000 au LPX50. Comparer des classes d’actifs aussi différentes que des valeurs cotées et des valeurs non cotées ne fait pas grand sens. Tout d’abord parce que la liquidité associée aux valeurs cotées et non cotées diffère. Ensuite, parce qu’il y a un biais manifeste en faveur des sociétés d’une certaine taille, tandis que le private equity regroupe le capital-risque, le capital-développement et le petit LBO. Enfin, parce qu’il n’existe pas de gestion passive en private equity (ce qu’est la gestion indicielle), ce qui impliquerait pour être rigoureux de faire un indice de fonds et non de sociétés.

Le LPX 50, qui regroupe des sociétés de gestion et des fonds de private equity cotés, ne résout aucun problème. Non seulement il est fortement corrélé aux grands indices cotés, mais les structures de private equity cotées souffrent de maux récurrents: sous-optimales fiscalement, elles souffrent en outre d’une décote récurrente liée à leur opacité.

Par ailleurs, cet indice ne permet pas de faire un benchmark des fonds fermés dont les périodes d’investissement et de désinvestissement sont strictement définies par les règlements de fonds. Plutôt que d’utiliser ces indices, certains investisseurs ont appliqué une règle plus sommaire: ajouter entre 300 et 500 points de base à la performance des actions et en faire le benchmark du non coté. Cela sonne comme un aveu d’échec. De fait, la question des benchmarks en private equity ne peut être résolue de manière simple, car la liquidité des portefeuilles n’est pas immédiate: ces fonds investissent sur le moyen terme. Une analyse de performance doit le prendre en compte et disqualifie les indices cotés habituels. A ce titre, les analyses quantitatives manquent leur cible, comme l’a confirmé une étude de l’institut EDHEC Risk qui préconise la construction d’un indice à partir de la méthode «PME+», développée par Christophe Rouvinez à Zürich. Cet indice sélectionne des sociétés cotées et reconstruit un benchmark en fonction de la nature du portefeuille du fonds de private equity étudié. Si elle est chronophage et complexe, cette méthode a l’avantage d’être plus rigoureuse que les indices.

L’école du benchmark déclaratif non coté
Le second groupe, plus fourni, est emmené par Thomson Reuters, et regroupe quelques acteurs spécialisés comme Preqin. Ces groupes utilisent d’une part les données publiques, et d’autre part les données déclarées par les fonds de private equity pour construire leurs benchmarks. Cependant, ils sont affectés de deux maux.

Tout d’abord, ils sont construits sur la base d’informations déclaratives. Ces informations sont collectées sans que les méthodes qui les supportent ne soient nécessairement homogènes. Ensuite, seuls contribuent les fonds qui le souhaitent. Ces benchmarks sont généralement un reflet imparfait de ce qui se passe réellement dans le secteur du private equity.

Ensuite, pour un millésime (vintage) de fonds donné compte trop peu de fonds participants, il est possible que le benchmark n’existe tout simplement pas. C’est le cas pour les millésimes très anciens ou certains secteurs très spécialisés. Pour contrer cela, Thomson Reuteurs agrège par exemple les acteurs en grandes catégories (capital-risque, LBO et mezzanine uniquement) et en deux régions (Europe et Etats- Unis). Cela signifie donc qu’il est impossible de faire un benchmark de fonds de fonds asiatiques, de fonds de redressement d’entreprises en Suisse, ou bien de fonds de capital-risque biotechnologique en Israel.

Les benchmarks déclaratifs en private equity sont utilisés faute de mieux. Ils sont affectés de biais eux aussi, parfois compensés par certains effets statistiques. Ainsi, les fonds les moins performants mais aussi les fonds les plus performants ne communiquent pas ou peu. D’une manière générale, les fonds les moins performants ne voient pas d’intérêt à communiquer des informations, car cela prend du temps, peut attirer l’attention sur eux et les mettre dans une situation difficile.

Les plus performants (comme Sequoia, en capital-risque aux Etats- Unis) ne veulent pas participer à un système qu’ils jugent contreproductif. En ne déclarant pas leur performance, ils laissent la moyenne «stagner» et donc apparaissent comme plus performants lorsque leur performance est comparée à celle déclarée par les autres.

Au final, la moyenne a donc tendance à refléter... la moyenne des performances puisque les extrêmes de la courbe statistique normale ne participent pas. Toutefois, l’analyse s’opère généralement par quartiles, ce qui signifie que les benchmarks des 25% les plus et les moins performants ne sont pas vraiment représentatifs de l’état du marché.

L’école des benchmarks spécialisés agrégés
Face aux critiques nourries que les benchmarks déclaratifs ont reçues, certains acteurs se sont positionnés pour tenter de produire des chiffres calculés selon une méthode homogène et sur la base de données plus systématiques. C’est le cas de State Street, qui en tant qu’administrateur de fonds gère les flux de trésorerie des investisseurs et des fonds. Son indice général de performance du secteur présente l’avantage d’être directement issu des données objectives de transactions. Néanmoins, cet indice général n’est pas un benchmark détaillé directement exploitable.

Cambridge Associates a produit des indices plus précis en distinguant notamment les fonds de capital- développement, ou encore les fonds énergie, de sciences de la vie, immobiliers non cotés, ou encore les fonds de fonds. Si le filtre géographique est encore perfectible, il distingue néanmoins l’Asie et les marchés émergents de l’Europe et des Etats-Unis. Néanmoins, du fait des obligations de confidentialité attachées à son statut d’intermédiaire, State Street n’offre pas un accès aux données elles-mêmes. Elles ne sont accessibles que sous un format pré-agrégé qui ne permet pas aux acteurs de réellement faire un benchmark précis de leurs investissements. Le chemin vers un benchmark en private equity satisfaisant est donc encore long.

Cyril Demaria
Passionné par la finance et l’innovation technologique, Cyril a développé une philosophie « hands on », comme analyste dans un fonds de capital-risque transatlantique à San Francisco et à Paris, puis grâce à ses expériences opérationnelles et en tant que fondateur de
Corporate Development Consulting , un cabinet de conseil en private equity. Il a contribué au développement de plusieurs jeunes pousses (Internet, télécommunications et logiciel). Cyril fut portfolio manager au sein du fonds de fonds d'un groupe d'assurance français, et est actuellement associate dans un fonds de fonds basé à Zürich.

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, d’Etudes Approfondies (DEA) en Géopolitique, d’Etudes Supérieures Spécialisées (DESS) en Droit Européen des Affaires, et d’HEC (spécialisation Entrepreneurs). Cyril est l'auteur de
Développement durable et finance (Maxima, 2004), le premier livre en français analysant le processus d'investissement selon des critères de développement durable. Il est aussi l'auteur de Introduction au private equity (Banque Editeur, 2006), et de "Profession business angel" (Banque Editeur, 2008).
 
Cyril Demaria
+41.79.813.86.49

Mardi 5 Octobre 2010




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