Il n’est de richesse que d’hommes

L’accélération du progrès technique est très spectaculaire depuis une quinzaine d’années.


La « digitalisation » de l’économie est partout. Elle modifie profondément nos modes de vie, elle génère une nouvelle organisation du travail, elle augmente le fossé intergénérationnel, elle met définitivement le consommateur individuel au centre de l’économie. L’Homo Sapiens devient réellement « Homo Economicus » ; il est plus efficace, plus réactif, plus réceptif aux nouvelles offres dont il fait les prix dans une interaction de plus en plus immédiate.

D’un point de vue macroéconomique, certains bénéfices sont mesurables, d’autres non.

Mais, au total, cette fantastique révolution met-elle plus d’hommes au travail ? Car finalement, une économie qui fonctionne bien est une économie où tout le monde a du travail… Le développement de modèles participatifs, « disruptifs », fondés sur l’échange et la gratuité, est suspecté d’avoir pour effet de réduire l’activité économique mesurée dans le PIB et de réduire le nombre d’emplois, salariés ou non-salariés.

La remise en cause des positions acquises a souvent un coût social considérable à court terme. De fait, les « GAFA », ( acronyme Google – Apple –FaceBook – Amazon, mais pour nous les 4 premières capitalisations boursières des sociétés américaines de haute technologie) qui capitalisent plus de 1800 milliards de dollars, n’emploient « que » 280 000 salariés, soit deux fois moins que VOLSWAGEN, qui ne vaut que 55 milliards d’€… Cela veut dire qu’un salarié d’un « GAFA » vaut près de 6,4 millions de $ en Bourse, alors qu’un salarié de VOLKSWAGEN ne vaut que… 92 000 € !
C’est dans l’analyse de ces chiffres symboliques, que l’on peut valider le concept de la nouvelle économie : « the winner takes all » : l’entreprise leader du secteur prend tout, il n’y a rien pour les autres. C’est ainsi que la valeur de l’entreprise ramenée à un salarié est considérable, puisque, par définition, il n’y a qu’un « winner ». C’est ainsi que le nombre total de salariés est finalement faible, et que l’on peut ainsi considérer qu’à court terme, la révolution numérique pèse sur l’emploi.

Nous en sommes convaincus, et nous considérons même que ce phénomène est une des causes structurelles de la panne de croissance des pays riches. L’accélération excessive de la digitalisation de l’économie, associée aux facteurs démographiques (vieillissement de la population et baisse de la population de certains grands pays développés), à la trop forte concentration des revenus et du capital, et à des exigences excessives de rentabilité du capital des actionnaires, ont pour effet de réduire la croissance et de renforcer la déflation… La politique monétaire peut-elle lutter efficacement contre ces facteurs structurels de décroissance ?

Pour l’instant, la réponse est non. M. Draghi saura-t-il, en baissant à nouveau simultanément les taux de dépôt et de refinancement des banques de l’Euro système, et/ou en augmentant le plafond mensuel des achats d’actifs financiers, et/ou en allongeant la durée de ces opérations, relancer la croissance et lutter contre la déflation ? Toute mesure est bonne à tenter, mais évidemment on peut douter de l’efficacité de telles annonces, qui n’ont finalement pour effet que de doper pendant quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, le prix des actions… Les dernières statistiques ont démontré la fragilité de la croissance européenne. Notamment, le retournement conjoncturel allemand est particulièrement inquiétant.

Le rebond technique en place depuis la mi-février est probablement terminé. Seul un nouvel « effet Draghi » massif le 10 mars, selon nous peu probable, pourrait justifier le franchissement de la moyenne mobile 3 mois (4430 points) sur laquelle le CAC 40 a pour l’instant échoué. Nous recommandons à nouveau la plus faible pondération possible sur les actions.

“Il n’est de richesse que d’hommes” (*) : Jean Bodin, économiste-philosophe français du 17eme siècle

Spec : le Cac 40 arrive sur la zone de résistance forte, entre 4423 et 4470. Un repli devrait bientôt se dessiner.
Investisseurs : Nous recommandons de sous-pondérer les actions au maximum les actions pour un CAC 40 au-delà de 4305 points
Tendances sur les taux et les devises : L’€ a baissé cette semaine, à 1,09 contre $. Les taux souverains majeurs ont baissé significativement en Europe, mais remonté aux USA.
Tendances récentes sur les matières premières : Le cours du pétrole Brent a été très ferme cette semaine. Le cours du cuivre a fortement remonté, de plus de 13 %.

Eric Galiègue
VALQUANT

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Mardi 8 Mars 2016


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