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ISR : L'investissement socialement responsable et la crise financière

L'investissement socialement responsable et la crise financière: se protéger contre une destruction de valeur globale.


ISR : L'investissement socialement responsable et la crise financière
Le problème est bien connu en biologie. Dans une population d'oiseaux, les individus qui s'aident mutuellement à éliminer les parasites nuisibles de leur plumage doivent en payer le coût en prenant sur le temps qu'ils consacreraient normalement à la recherche de nourriture. Les profiteurs dont le plumage est nettoyé, mais qui ne rendent pas le même service à leurs congénères, prendront du poids et deviendront plus compétitifs. Mais si le nombre de profiteurs dépasse un certain seuil, il ne restera plus d'oiseaux altruistes et l'ensemble de la population finira par mourir de ses parasites.

Cet exemple, classique en théorie des jeux, se retrouve naturellement dans le comportement des investisseurs: ce qui peut être bon pour un investisseur individuel ne l'est pas nécessairement pour la communauté des investisseurs prise dans sa globalité. Exercer une forte pression sur les entreprises afin qu'elles réalisent une rentabilité immédiate maximum est en effet susceptible d'augmenter les gains à court terme, mais aura finalement un effet pervers: elles prendront davantage de risques et pourront être amenées à recourir à des pratiques d'affaires irresponsables qui finiront par entraîner tout le monde au désastre. Les investisseurs forment de facto une sorte de «communauté de destin» économique.

Et c'est l'une des interrogations que pose de la crise actuelle: celle du rôle que devrait prendre l'analyse extra-financière, et en particulier la meilleure prise en compte des critères d'investissement Environnementaux, Sociaux et de bonne Gouvernance (ESG).

Une telle question fera probablement bondir la plupart des investisseurs «classiques», d'autant que depuis le début de la crise, les produits d'investissement mettant en oeuvre les concepts ESG ont souffert bien autant que les investissements conventionnels, si ce n'est parfois davantage. Certains parviennent même à peine à masquer leur «schadenfreude».

Après tout, l'analyse ESG n'avait-elle pas justement pour objet d'identifier ces risques, au delà des techniques financières traditionnelles? Et la crise actuelle n'a-t-elle pas apporté la preuve que ces grands discours d'autopromotion sur les risques et opportunités cachés liés à la durabilité étaient totalement erronés?

La réponse à ces deux questions reste mitigée, dans le sens où certains partisans d'une approche particulière de l'ESG ont en effet probablement mérité cette critique: ceux qui voulaient nous faire croire qu'il était réellement possible et suffisant de n'examiner que les critères ESG «financièrement matériels», c'est-à-dire limiter les indicateurs ESG à ceux susceptibles d'avoir une influence directe sur la rentabilité des entreprises. Bien évidemment, ces «champions» de la matérialité ont vu leurs performances anéanties, à l'instar de celles des autres acteurs du marché.

Devons-nous pour autant passer à autre chose et jeter aux oubliettes l'ensemble de l'ESG avec ses bévues? Loin s'en faut! Nous sommes au contraire persuadés que la crise a, de fait, validé un point de vue alternatif et plus traditionnel des investissements ESG, qui prône une approche plus large et moins arrogante de l'investissement socialement responsable (ISR). Après tout, personne ne saurait nier qu'à l'origine même de la crise, on trouve des pratiques endémiques et hautement insoutenables: objectifs de rentabilité immédiats et clairement incompatibles avec le contexte économique, distribution effrénée de crédit à des acteurs notoirement incapables de rembourser, incitations directes à la prise irresponsable de risques, ... et surtout recours à des pratiques de gouvernance ayant empêché tout contrôle efficace des risques et contribué à dissimuler le désastre naissant.

Sanctionner ces dérives professionnelles et encourager à une meilleure gouvernance constituent dès lors la justification ultime d'une stratégie d'investissement ISR crédible. Promouvoir activement les bonnes pratiques de gouvernance au plan environnemental et social, dans les entreprises comme dans l'ensemble de l'économie, demeure en dernière analyse la protection la plus efficace que nous puissions «acheter» contre une destruction de valeur aussi importante que celle que nous avons observée.

Le terme d'«acheter» a été choisi ici à dessein. Nous devons en effet apprendre à considérer l'ISR comme une sorte de «prime d'assurance», un investissement dans la stabilité de notre système financier et économique. Comme pour s'assurer contre un dommage, une stratégie d'investissement durable exige le paiement d'une prime et peut donc, au moins à court terme, avoir un certain coût. Malheureusement, moins le système économique est durable, plus ce coût sera élevé!

Du point de vue de l'investisseur, individuel comme institutionnel, renoncer au rendement maximal réalisable sur un placement et se contenter d'une rentabilité marginalement plus faible semble relever de la mauvaise décision. C'est toutefois un sacrifice qui mérite peut-être d'être consenti si nous voulons nous protéger efficacement contre le pire scénario, celui d'une correction à la baisse, généralisée et massive, qui ne touchera pas seulement les mauvaises entreprises à l'origine du chaos, mais qui enfoncera également l'ensemble du marché.

Bien sûr, se borner à identifier les meilleures entreprises et y investir ne sera pas d'un grand secours aussi longtemps que le nombre d'investisseurs ISR agissant ainsi restera aussi limité qu'aujourd'hui. Ce dont nous avons donc besoin, c'est d'un nouveau code d'investissement et de l'effort conjoint d'un nombre d'investisseurs suffisamment important pour entraîner le changement souhaité.

Par conséquent, renoncer au profit maximal réalisable à court terme et viser une croissance un peu plus faible, mais raisonnable à long terme, semble non seulement souhaitable d'un point de vue normatif, mais également constituer une stratégie d'investissement plus rationnelle. Car elle favorise une économie globalement plus stable et durable, pour les entreprises comme pour les investisseurs et finalement pour la société.

Par Christoph Butz et Olivier Ginguené
Christoph Butz est expert en développement durable, Olivier Ginguené est membre du comité exécutif de Pictet Asset Management à Genève.

Pictet & Cie
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Définition de Pictet Asset Management («PAM»): Dans ce document, Pictet Asset Management regroupe l'ensemble des filiales et départements opérationnels du groupe Pictet liés à la gestion institutionnelle: Pictet Asset Management SA, société suisse enregistrée auprès de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FINMA, Pictet Asset Management Limited, société britannique autorisée et régulée par la Financial Services Authority, et Pictet Asset Management (Japan) Limited, société japonaise régulée par la Financial Services Agency of Japan.

Dimanche 28 Juin 2009




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