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Hausse des matières premières : « la peau de chagrin »

« La vie se conquiert, ou elle se perd. » Paul Nizon


Thierry Charles
Thierry Charles
Depuis, le début de l’année 2010, prenant prétexte d’une reprise de l’activité industrielle en générale, les producteurs de matières avertissent leurs clients que cette reprise (rapide) engendre une plus forte augmentation en plastiques ainsi que des approvisionnements limités pour de nombreuses matières premières clés (d’où une flambée des coûts).

Aussi, afin selon eux de maintenir la valeur des produits et services et pour pouvoir répondre durablement à la demande croissante de leurs clients, ils se voient contraints d’augmenter le prix de certains produits particulièrement touchés, notamment pour les grades de spécialité et colorés de toutes les familles de thermoplastiques.

Dans ce contexte, tout besoin de matières supplémentaires pour répondre à un accroissement de la demande est très difficile voire impossible.

Parallèlement, certains producteurs de matières plastiques ont mis sous « contingentement » l’ensemble de leurs clients pour raison de maintenance de leurs sites de production.

Le risque pour les industriels est de provoquer une rupture de production chez leurs clients avec des conséquences financières qui sont très préjudiciables pour l’ensemble de la filière.

Deux raisons majeures à cette crise sur les approvisionnements : d’une part, la volonté des producteurs de matières plastiques d’adapter au plus près leur offre à la demande afin de ne pas retrouver les situations surcapacitaires de 2008 (aussi, en dépit d’un début de reprise de la demande, l’offre de matières demeure à un niveau très bas et les arrêts de production pour cas de force majeure sont récurrents), et d’autre part, le dynamisme de l’économie chinoise qui réduit le flux des importations de matières vers l’Europe.

Cette tension sur les approvisionnements contribue à renforcer la tendance haussière des prix des matières plastiques observée depuis le début de l’année.

Reste que les augmentations de matières premières ne concernent pas seulement la filière plasturgie. La physionomie des hausses sur les marchés à terme (New York Exchange ou London market exchange) donne à penser qu’il s’agit plus d’un ajustement de l’offre et de la demande (reprise de la consommation de ces matières, effective et/ou prévue), que des seuls mouvements de spéculations financières (ce que nous connaissons habituellement chaque été, quoique cette possibilité n’est jamais à exclure).

A terme, la poursuite des problèmes d’approvisionnement et l’augmentation des coûts induits risquent bien de compromettre le redémarrage de notre industrie, voire même de réduire d’autant les effets de la reprise.

Parallèlement, les relations commerciales sont également de plus en plus tendues.

On citera le cas de producteurs de matières qui interrompent toute livraison pour une journée de retard dans le paiement, de déréférencement brutal dans le catalogue des produits, certains multiplient même les cas de « force majeure » pour expliquer des retards voire des défauts de livraisons

Autre exemple, un producteur de matières a mis sous allocation de polyamide l’ensemble de ses clients depuis le mois de mars 2010, en raison d’une maintenance de son usine de production d’un monomère, ce qui a entrainé d’urgence l’homologation de nouvelles matières avec bien entendu les coûts en découlant.

Or en amont, les donneurs d’ordre refusent systématiquement le principe de la « double homologation » qui permettrait de compenser en partie les augmentations des prix des matières en jouant sur l’une ou l’autre des matières homologués en fonction du cours des prix.

Et à défaut de pouvoir négocier avec ces véritables oligopoles, le sous-traitant ne peut pas d’avantage répercuter ces hausses aux donneurs d’ordre, pour deux raisons principales.

D’une part, parce que ces mêmes donneurs d’ordre refusent dans leurs contrats (notamment les conditions générales d’achats qu’ils imposent à leurs fournisseurs de signer au mépris de l’article L 441-6 du code de commerce qui fait au contraire des conditions générales de vente du fournisseur le point de départ et le socle de la négociation commerciale) de faire jouer les « clauses d’indexation ».
Rappelons qu’en principe, les parties peuvent fixer librement le prix de leurs prestations. Ce prix est généralement établi une fois pour toutes. Toutefois, les contractants à un accord dont l'exécution s'étale dans le temps peuvent prévoir une clause d'indexation.
En l’espèce, par le jeu d'une telle disposition, ils peuvent modifier automatiquement le prix pour se préserver des risques d’augmentation des prix des matières premières par exemple.
D’autre part, et contrairement aux principaux pays européens, en droit privé français, droit civil et commercial, la Cour de cassation a pris sur la question de l'imprévision une position extrêmement ferme en faveur de la force obligatoire des contrats et de la sécurité des transactions (article 1134 du Code civil) en rejetant la « théorie de l'imprévision ».
Elle interdit au juge de prononcer la résiliation de convention ou de réviser des contrats pour raison d'imprévision (hausses brutales des matières premières notamment) quelque soit les conséquences pour le débiteur.
Au-delà de cette analyse, il convient également de s’interroger sur un risque économique majeur pour notre industrie que la reprise soit ou non demain au rendez-vous.

En effet la concentration des géants de la chimie mondiale et l’imbrication des produits et équipements industriels, font que désormais les PME européennes tiennent la chandelle.

Ces dernières années, la Chine, toujours plus vorace en denrées chimiques et en matières premières, connaît une croissance exponentielle de sa consommation domestique.

Au rythme actuel de croissance de ses consommations, la Chine est devenu l’un des premiers consommateurs mondiaux de matières premières.

En guise d’effets boomerang, la Chine transfère de plus en plus la pression de sa demande domestique sur le reste du monde ; elle importe de plus en plus la matière première en asséchant du même coup l’approvisionnement des entreprises des pays de l’Union Européenne.

En d’autres termes, certaines entreprises françaises et européennes dans l’industrie souffrent de retard d’approvisionnement en matières premières, voire même de ruptures répétées, alors que leur dépendance devient maximale, dans la mesure où le volume de leurs achats est infinitésimale (à défaut d’appartenir à des « groupements d’achat » de taille suffisante) par rapport à « l’aspirateur » de matières premières chinois.

Le risque à terme est que faute d’une demande suffisante, l’industriel isolé soit contraint demain de s’adresser à la grande distribution pour la fourniture de ses matières premières. Un comble !

Dès lors, quelle sera demain l’équilibre offre-demande mondial sachant que la Chine a le potentiel de faire le marché, quitte à provoquer volontairement ou non une pénurie ?

Sans compter que dans le même temps, les industriels apprennent que le groupe Total envisage de fermer des raffineries en France pour délocaliser son activité en Arabie Saoudite. Ainsi, l’avenir du raffinage en Europe est plus que jamais compromis (le centre de gravité changeant ipso facto l’ordre des priorités).

Face à de tels bouleversements, les entreprises travaillant pour l'industrie de grande série ont malgré tout pour objectif d'approvisionner des usines en continu, sans qu’elles soient désormais en capacité de sécuriser leurs achats auprès de fournisseurs de matières premières, des oligopoles préoccupés principalement de répondre à l'appétit insatiable de la croissance asiatique.

Thierry CHARLES
Docteur en droit
Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie
Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie
t.charles@allize-plasturgie.com

Jeudi 6 Mai 2010




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