Good news is bad news

Lettre du vendredi 2 septembre 2022 rédigée par Eric Galiègue - VALQUANT.


Eric Galiègue
Définitivement, le marché a ses humeurs. Jusque récemment, et notamment pendant le « bear market rally » de cet été, toute mauvaise nouvelle laissant envisager une baisse future des taux avait favorisé la hausse du cours des actions. La perspective d’une politique monétaire moins agressive, avait transformé les « bad news » en « good news ». Aujourd’hui, c’est le contraire. La hausse surprise de la confiance du consommateur aux USA, ainsi qu’un marché du travail toujours porteur, a inversé la dynamique des marchés obligataires. Les taux, qui avaient chuté d’une impressionnante manière jusque la première quinzaine d‘Aout, se sont fortement redressés depuis, à 3,1% aux USA et 2,1% en France. Ils sont revenus près de leurs plus hauts du mois de mai. Ainsi, la « good news » pour la croissance (le rebond de de la confiance du consommateur et les inscriptions au chômage au plus bas depuis 2 mois) est devenue une « bad news » pour le cours des actions.

Il est à nouveau nécessaire de rappeler que le marché a besoin avant tout, pour produire une hausse des cours, de liquidités abondantes. Cette approche par les flux, ou la liquidité, fait en quelque sorte l’impasse sur les notions d’anticipation de bénéfice et de solvabilité des entreprises. Elle est purement financière et explique bien les évolutions récentes des cours.

Selon cette approche, la monnaie est produite dans la sphère financière, d’abord pour servir la sphère réelle. Parfois, lorsque les besoins de la sphère réelle sont faibles, l’argent revient dans la sphère financière et fait monter les cours. C’est ce phénomène qui est le moteur majeur de l’appréciation des cours depuis 20 ans et plus. Depuis le début du siècle, les taux sont passés de plus de 5% à 0%. Ce moteur a atteint en 2020 sa vitesse maximale, par la combinaison d’un effondrement de l’activité dans la sphère réelle, associé à une ouverture massive des vannes de la liquidité dans la sphère financière. En parallèle, l’inflation était restée particulièrement faible dans cette période d’arrêt d’activité de 2020. En conséquence tout le système était dans un état d’hyperliquidité, qui correspond au scénario le plus favorable à l’appréciation des actifs financiers, et notamment des actions.

Aujourd’hui, la situation a totalement changé. L’inflation n’est plus considérée comme un phénomène transitoire. Elle reflète le cycle conjoncturel et le choc pétrolier, mais ses racines sont en train de se développer en profondeur. Elle est le produit du triptyque inflationniste : décarbonation, réindustrialisation et souverainisme-réarmement. Elle gagne progressivement l’ensemble des secteurs, et motive logiquement des revendications salariales. Surtout, elle suscite une importante demande de monnaie : même si l’inflation est très majoritairement générée par la hausse du cout de l’énergie, il faut bien financer la hausse des prix de 8 à 10% du PIB. Cet argent utilisé pour « financer l’inflation », n’est plus disponible pour financer la hausse des cours, tout simplement. Et ce phénomène se produit au moment où les banques centrales, naturellement, ont changé leurs politiques monétaires…notamment en raison de la lutte contre l’inflation. Hier, la Fed a accru le « Reverse QE », conformément à son programme annoncé précédemment. Le bilan de la Fed est en train de diminuer ; elle est devenue vendeuse nette de titre et ainsi retire de la monnaie du système. Désormais, à la suite des déclarations de Jerome Powell et d’Isabel Schnabel pour la BCE pendant le symposium de Jackson Hole, il est maintenant clair que les banques centrales sont prêtes à sacrifier la croissance pour lutter contre l’inflation. C’est nouveau dans le discours des banquiers centraux. Cela montre que le marché baissier est très légitime, et qu’il va se poursuivre encore pendant plusieurs mois. Le second « bear market rally » depuis le déclenchement de la tendance baissière, a duré du 5 juillet au 20 aout. Le repli autour du 20 aout à l’approche de la moyenne mobile un an est un cas d’école assez impressionnant. L’enfoncement de la moyenne mobile 3 mois cette semaine est aussi un signal négatif, qui nous indique l’objectif de 5 800-5 900, niveau majeur qui risque de craquer à l’occasion de la hausse des taux que les banques centrales vont annoncer en septembre. Mais le pire n’est pas certain…


Recommandation investisseurs : nous sommes toujours en forte sous-pondération des actions pour un CAC 40 supérieur à 4 835 points.

Tendance sur les marchés de taux et de devises : Les taux des obligations d’Etat ont encore progressé des deux côtés de l’Atlantique (plus de 3,1% aux USA, plus de 2% en France). L’euro a baissé de 0,4% contre le $.

Tendances récentes sur les matières premières : Le cours du pétrole a baissé sur les anticipations d’une récession mondiale. Les cours des métaux industriels baissent aussi.

Eric GALIEGUE
Analyste financier indépendant,

Président de VALQUANT EXPERTYSE SAS
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Vendredi 2 Septembre 2022


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