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Garanties d’actif et de passif : perte « automatique » du bénéfice de la garantie pour défaut d’information du cédant ?

Selon un arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2009, en l’absence de précision dans le contrat de garantie, le non-respect par le cessionnaire de son obligation d’informer le cédant de la survenance d’un évènement ouvrant droit à indemnisation, interdit au bénéficiaire de se prévaloir de la garantie.


Les garanties de passif consenties dans le cadre des cessions de contrôle donnent lieu à de nombreux contentieux. Le nombre de contentieux relatifs à la mise en œuvre de telles garanties pourrait être multiplié dans le contexte économique actuel où les entreprises utilisent tous les moyens – notamment juridiques – pour améliorer leur situation financière.

1. Les clauses « de procédure »
La majorité des contrats de garanties de passif sont assortis de clauses dites « de procédure » aux termes desquelles le cessionnaire est tenu de respecter un certain formalisme dans la mise en œuvre de la garantie de passif. Le cessionnaire doit notamment informer le cédant de la survenance de l’évènement ouvrant droit à indemnisation dans un délai défini contractuellement. Ces stipulations permettent au cédant de réagir « en temps réel » et le cas échéant de participer à la défense des intérêts de la société cédée. Ce formalisme, s’il est excessif, peut en pratique considérablement réduire l’efficacité de la garantie pour le cessionnaire.

2. Sanction du non-respect des clauses de procédure
Il est en effet parfois stipulé qu’à défaut d’informer le cédant conformément à la procédure convenue entre les parties, le cessionnaire est privé du bénéfice de la garantie. Mais qu’advient-il si le contrat de cession ne prévoit pas de sanction a cette obligation d’information ? Les réponses apportées par les juridictions à cette question ne sont pas uniformes et peuvent être répertoriées en deux tendances :
- Selon un premier courant jurisprudentiel, le bénéficiaire perd son droit à la garantie si le cédant subi un préjudice du fait du manquement à l’obligation contractuelle. Il a par exemple été jugé que le non-respect du délai d’information du cédant n’équivaut pas à une renonciation du droit à la garantie (Cass. com 30 juin 1998, n°96-19.337) et, que le manquement à l’obligation d’information n’entraîne pas, à lui seul, une déchéance du droit à la garantie (Cass. com 9 mai 2001, n°98-17.774). Ce courant semblait dominer jusqu’alors et a récemment été repris par la Cour d’appel de Paris mais sur un fondement différent, celui de l’exception d’inexécution : le refus du cédant d’exécuter son obligation de garantie est le corolaire du non-respect de l’obligation d’information du cessionnaire (CA Paris 28 février 2008, n°06-19226).
- Depuis quelques années, une solution plus rigoureuse est retenue par certaines juridictions. Selon ce courant jurisprudentiel, en l’absence de précisions contractuelles, la sanction du défaut d’information est « implicitement mais nécessairement la déchéance de la garantie » (CA Paris, 24 octobre 2000, n°1999/24926). Cette jurisprudence a notamment été reprise en 2006 par la Cour de cassation (Cass. com., 28 mars 2006, n°04-15.762).

3. L’arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2009
C’est cette jurisprudence restrictive qui est confortée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2009 (n°08-17.843, P+B : JurisData n°2009-048527). Dans cette affaire, une clause de garantie de passif avait été stipulée dans l’acte de cession de parts d’une société civile qui exploite un domaine viticole situé au pied d’une falaise dont le sous-sol comprend de nombreuses carrières. Aux termes de cette clause, les cédants était tenu d’indemniser les cessionnaires si la situation de la falaise et de ses carrières souterraines venait à s’aggraver entre la date de cession et la fin des travaux de consolidation prévus par le contrat. Des désordres étant intervenus, les cessionnaires ont appelé les cédants en garantie mais ils ont été déboutés par la Cour d’appel car ils n’avaient pas informé les cédants dans les délais prévus. Les cessionnaires ont alors formé un pourvoi en cassation en arguant notamment que le non-respect du délai d’information n’était assorti d’aucune sanction.

La haute juridiction a rejeté le pourvoi en relevant que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation de la volonté des parties, rendu nécessaire par l’imprécision du contrat, que la cour d’appel a décidé que l’inexécution par les cessionnaires de leur obligation d’informer les cédants, dans le délai convenu, par lettre recommandée avec accusé de réception, de toute réclamation, de toute action contentieuse et de tout fait et événement générateur de la garantie de passif, faisait à elle seule obstacle à ce qu’ils invoquent le bénéfice de celle-ci ».

4. Portée incertaine de la décision rendue
Les arrêts de la chambre commerciale de 2006 et de 2009 semblent donc consacrer une interprétation stricte des clauses de procédure.

Néanmoins, dans l’arrêt du 9 juin 2009, en se fondant sur le « pouvoir souverain d’appréciation de la volonté des parties » de la cour d’appel, la haute juridiction ne semble pas vouloir imposer de solution définitive. Par conséquent on peut penser que la sanction de la non-recevabilité de l’action en garantie ne deviendra pas pour autant « automatique » et dépendra de l’interprétation de la volonté des parties, au cas par cas, par les juges du fond.

Les clauses de procédure constituent un véritable enjeu lors de la mise en œuvre d’une garantie de passif. L’arrêt du 9 juin 2009 doit donc inciter les parties à les négocier et à les rédiger avec application en stipulant notamment les sanctions encourues en cas de non respect des procédures d’information du cédant. Il est également recommandé aux bénéficiaires de garanties de passif de respecter à la lettre les stipulations de ces clauses afin d’éviter que leur droit à garantie prête à discussion.

Par Nicolas Granier, avocat associé,
Département Transactions
et
Michel-Pierre Lanternier, avocat,
Département Transactions
Landwell & Associés

www.landwell.fr

Dimanche 15 Novembre 2009




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