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France : Le piège de la « reprise »…

Ca y est, elle est là ! Formidable, majestueuse, pleine de vigueur et d'optimisme : la reprise ! Juré, craché, elle ne nous décevra pas cette fois-ci. C'est du moins ce que nous promettent les dirigeants du pays, mais aussi de plus en plus d'économistes, en mal de reconnaissance et surtout de se faire bien voir par la « haute hiérarchie », sans oublier certains journalistes qui confondent vraisemblablement les prévisions du gouvernement avec la réalité.


Marc Touati
Marc Touati
Car, le problème est bien là : pour le moment, la reprise n'apparaît nulle part sauf dans certaines enquêtes de conjoncture (en fait, une seule : celles des directeurs d'achat dans les services) et dans les conjectures gouvernementales. Avouons que cela est un peu léger pour sonner le tocsin !

Certes, certains ingrédients nécessaires pour permettre à la croissance de se redresser significativement et durablement sont bien là. A commencer par la « planche à billets » de la BCE, et surtout la baisse des prix du pétrole et de nombreuses matières premières, ainsi que la dépréciation massive de l'euro.

« Toutes choses égales par ailleurs », ces deux évolutions augmentent mécaniquement la croissance hexagonale. Sur le front du pétrole, les principaux vecteurs de transmission sont au nombre de trois. Primo, lorsque les prix de l'or noir baissent, le pouvoir d'achat des ménages est amélioré, permettant à ces derniers de consommer davantage. Secundo, les coûts de production des entreprises sont réduits, assurant à ces dernières une meilleure rentabilité, les incitant par là même à investir et à embaucher davantage. Tertio, compte tenu de ces deux premiers avantages, l'horizon global s'améliore, alimentant un cercle vertueux revenu-consommation-investissement-emploi. Au total, à chaque fois que le baril baisse de 10 dollars, la croissance française gagne 0,4 point.

Parallèlement, il existe également trois vecteurs de transmission de la baisse de l'euro sur l'économie : davantage d'exportations, plus de compétitivité des produits nationaux vis-à-vis des produits importés, donc plus de parts de marché pour les premiers et, enfin, plus d'investissements étrangers dans l'UEM et moins de fuite de capitaux à l'extérieur de cette dernière. L'argument de la hausse des coûts des matières premières liée à la dépréciation de l'euro n'est qu'une apparence, puisque plus l'euro baisse, plus le dollar monte et lorsque le dollar est cher, les cours des matières premières et notamment du pétrole, baisse. C'est d'ailleurs ce que l'on observe depuis bientôt un an.

Au total, lorsque l'euro se déprécie de 10 %, la progression de l'activité gagne aussi 0,4 point. Et lorsqu'il passe sous 1,15 dollar, ce gain de croissance pour 10 % de dépréciation est doublé. La croissance en sortira donc renforcée et le chemin de la réduction du chômage, des déficits et de la dette sera enfin emprunté. De quoi redorer le blason de notre économie, renforçant par là même sa compétitivité et renforçant le cercle vertueux décrit précédemment.

Dans ce cadre, et encore une fois « toutes choses égales par ailleurs », la baisse des cours du pétrole et la dépréciation de l'euro pourraient doper la croissance française à au moins 2 % d'ici la fin 2015.

Seulement voilà, rien n'est jamais égal par ailleurs. C'est pourquoi, même les prévisionnistes les plus optimistes et même le gouvernement n'osent pas imaginer un tel niveau de croissance dans l'Hexagone pour 2015. Ils sont effectivement conscients que, compte tenu d'une pression fiscale trop forte, d'un marché du travail trop rigide et du manque criant de perspectives crédibles et durables, l'économie française aura du mal à dépasser 1 % de croissance.

Le pire est que les dirigeants politiques français semblent se satisfaire d'un tel résultat. Leur calcul politicien est à la fois simple et machiavélique : avec 1 % de croissance par an jusqu'en 2017, le chômage devrait arrêter de flamber, permettant à l'actuel président de se représenter. Rencontrant certainement Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles, celui-ci sera alors quasiment sûr de l'emporter. Et nous revoilà parti pour cinq ans d'immobilisme, comme cela s'observe d'ailleurs depuis plus de trente ans.

Tel est donc le piège de la « reprise ». Il s'agit de ce que l'on appelle un aléa moral. En effet, plutôt que de profiter de la baisse de l'euro et du pétrole pour enfin moderniser l'économie française en engageant de vraies réformes structurelles, les dirigeants du pays vont plutôt en profiter pour ne rien faire, laissant croire aux Français que le petit regain de croissance est le fruit de la politique menée. C'est exactement ce qu'avait fait Lionel Jospin en 1998-2000, ce qui ne lui avait d'ailleurs pas porté bonheur.

Car ne l'oublions pas : aussi savants soient-ils, les petits calculs politiciens sont souvent déjoués par la réalité. Et ce d'autant que la reprise française actuelle est particulièrement fragile. Autrement dit, elle ne résistera pas au moindre coup de vent. Par exemple, une sortie de la Grèce de la zone euro, une vague d'attentats ou encore un krach obligataire et /ou boursier.

Voilà pourquoi, plus que jamais, il nous paraît indispensable de mener les profondes réformes décrites dans « Guérir la France La thérapie de choc ». Nous sommes conscients que cette dernière ne plaît pas à tout le monde. Nous avons par exemple appris que certains chroniqueurs de livres de la presse nationale avaient décidé, d'un commun accord, de ne pas en parler. On se croirait vraiment dans un autre temps et dans un autre pays. Alors, non je n'utiliserai pas ces bassesses pour dire que la France est un « pays de mer... » comme un certain footballeur. Bien au contraire, puisque la France est un pays mer…veilleux. Un pays que nous devons absolument sauver, en le sortant de l'immobilisme et en lui évitant la tentation de l'extrémisme. C'est là que réside le vrai travail des économistes et des journalistes qui aiment suffisamment leur pays pour avoir le courage de sortir de la langue de bois et du politiquement correct. Oui, la France peut encore être sauvée, mais en 2017, il sera peut-être trop tard.


Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


Les médias du groupe Finyear


Lundi 23 Mars 2015




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