Blague à part, et même si nous refusons de sombrer dans la « déclinologie » malgré les tristes évènements récents, nous sommes contraints d'admettre que la France est bien en train de s'enfoncer encore un peu plus dans les eaux troubles de l'immobilisme. Autrement dit, de plus en plus de Français souhaiteraient que rien ne change et en particulier notre « modèle social », expression toute faite qui ne veut évidemment rien dire. Ou plutôt si. Aujourd'hui notre modèle social est constitué des « réussites » suivantes : une croissance structurellement
molle, un taux de chômage « d'équilibre » de 9 %, de 25 % pour les moins de vingt-cinq ans et de 40 % pour les jeunes sans qualification et/ou habitant dans des zones urbaines sensibles.

Qui plus est, pour obtenir ces formidables résultats, notre modèle a un coût, non moins formidable : un déficit public continu depuis 26 ans (3,1 % du PIB en moyenne annuelle sur cette période !), une dette publique de 67 % du PIB actuellement et dont le seul paiement des intérêts requiert chaque année environ 50 milliards d'euros. Mais ce n'est pas tout : pour faire vivre ce modèle ou du moins assurer sa bonne marche, les dépenses de fonctionnement des administrations publiques augmentent d'environ 8 milliards d'euros chaque année.

Mais le plus grave réside peut-être dans le fait que l'énumération de ces chiffres effrayants est presque devenue anodine. Il est d'ailleurs assez instructif d'entendre le gouvernement se satisfaire de la réduction du déficit des administrations sociales qui est passé de 11,9 milliards en 2004 à 11,6 milliards en 2005. Quelle prouesse ! Et puis finalement, 50 milliards par-ci, 11 milliards par-là : « peu importe », diront certains, « l'Etat est riche, il peut bien payer… ». Ineptie malheureusement trop souvent entendue dans la bouche de personnes qui oublient que lorsque l'Etat paye, c'est finalement le contribuable qui règle. Malheureusement, justement à cause du manque de volonté de trop nombreux Français mais surtout de leurs dirigeants pour réformer le modèle obsolète de la France, de plus en plus de contribuables (entreprises et ménages, riches ou moins riches, jeunes ou moins jeunes) souhaitent quitter le pays de leur enfance.

L'équation des années à venir est donc simple : les dépenses publiques ne cesseront d'augmenter (en particulier à partir de 2010 lorsqu'il n'y aura plus assez d'actifs pour financer la retraite par répartition), tandis que les recettes fiscales ne cesseront de ralentir. Dans la mesure où, comme cela s'observe depuis 25 ans, les futurs gouvernements n'auront pas le courage de réduire les dépenses publiques, ils seront alors contraints d'augmenter la pression fiscale (on l'a d'ailleurs déjà observé dernièrement au travers de la flambée des impôts locaux), ce qui fera fuir encore plus d'entreprises et de ménages en dehors des frontières hexagonales… Et le cercle pernicieux continuera jusqu'à ce qu'une « Margaret Thatcher » arrive au pouvoir pour réaliser dans la douleur les réformes qui n'ont pu être faites en douceur lorsqu'il en était encore temps. Et tout ça, encore une fois, pour une seule raison : le manque de cou… rage.

avec l'aimable autorisation de Marc Touati
Chef économiste de NATEXIS BANQUES POPULAIRES
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Economie et Marchés
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