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Entretien | Guillaume Burtschell, Finegan Advisory « Il est indispensable de faire la part des choses entre, de l’information neutre et, un placement de produit »

La Blockchain permet l’émergence d'activités innovantes et génère de ce fait une effervescence qui attire l’attention de ceux à la recherche de nouveautés.
Face aux limites de l’autorégulation des cryptoactifs qui ont pourtant vocation à être décentralisés et donc à se passer d’une autorité centrale, celles de marché commencent à intervenir. Elles leur imposent un cadre en vigueur, à l’instar de la SEC aux US, ou en créent un spécifique comme au sein de l’UE avec MiCA.
La protection des clients est au cœur de ce règlement, mais les observateurs avertis auront noté que le Titre VI de MiCA traite de la prévention des abus de marché, ce qui laisse à penser que ce risque existe avec les cryptoactifs. Echange avec Guillaume Burtschell, directeur associé Finegan Advisory, autour des Manipulations de marché et des "Crypto-influenceurs"

Propos recueillis par A-L A


Qu’appelle-t-on les Manipulations de Marché ? Comment se manifestent-elles ?

Entretien | Guillaume Burtschell, Finegan Advisory « Il est indispensable de faire la part des choses entre, de l’information neutre et, un placement de produit »
Il y a des similitudes à divers degrés, et aussi des différences assez marquées.
Les délits d’initiés se sont surtout manifestés au niveau du listing des cryptoactifs sur les plateformes d’échange. Un cadre de Coinbase a été condamné pour avoir incité ses proches à en acquérir en amont de leur disponibilité.
Nous retrouvons les informations trompeuses et les rumeurs ayant potentiellement pour objectifs d’orienter le prix de certaines cryptomonnaies. Même s’il ne s’agissait peut-être que d’une bourde, le LDO de Lido (en échange de staking d’ETH) a vu son cours chuter de 11 % au cours d’un week-end après des affirmations erronées d’un podcaster concernant de possibles poursuites de la SEC (qu’il a corrigées ensuite).
La notion de front-running existe aussi, mais elle prend une forme particulière. La Blockchain peut donner lieu à des manipulations complexes qui se cachent derrière le terme de MEV (Maximum Extractable Value). Il s’agit du gain que les acteurs engagés dans le processus de validation peuvent réaliser grâce à leur capacité d’influer sur la séquence ou la composition des blocs de transactions produits sur un réseau de Blockchain. Leur but n’est autre que de maximiser leur profit, potentiellement au détriment des utilisateurs dans des proportions significatives d’après les experts (qui évoquent des centaines de millions en valeur extraite rien que sur Ethereum).

Pourquoi ou pour quelles raisons les crypto influenceurs sont-ils dans la ligne de mire ?

Nous sommes en face d’une situation assez inédite à plus d’un titre. À la différence des marchés traditionnels longtemps réservés aux investisseurs institutionnels avant de devenir disponibles pour monsieur Toutlemonde, celui des cryptoactifs attire surtout les particuliers. Étrangement, cela ne veut pas dire que ce compartiment d’investissement est dénué de complexités ou de risques, bien au contraire. En revanche tout est fait pour que l’accès aux opportunités soit facile et fun, y compris les noms des sites ou leurs graphismes, surtout pour les jeunes.
Il n’est donc pas étonnant que des acteurs actifs sur les réseaux se soient intéressés aux développements autour du WEB 3.0, et certains ont acquis un nombre d’abonnés enthousiastes très significatif. En outre, le WEB 3.00 et par extension, la finance décentralisée, fonctionne sur la base de communautés, et certaines finissent par avoir leurs gourous, dont l’intervention peut se monnayer.
Cependant, faute de règles et de supervisions, des informations diffusées peuvent s’avérer suspectes pour une raison ou une autre. À ce titre, les influenceurs sont apparus dans le collimateur des régulateurs, car tous n’adoptent pas les précautions indispensables quand ils communiquent sur ces produits nouveaux, que ce soit au travers de publicités ou de prises de position. L’intervention des autorités prend la forme de sanctions (comme dans le cas de KK aux US) ou l’introduction d’un certificat par l’AMF.
On peut par ailleurs imaginer la frustration des conseillers en investissement soumis à des contraintes très lourdes en matière de sollicitation ou de diffusion d'alertes concernant les placements financiers et astreints à des dispositifs de Conformité lourds face à une sorte de concurrence fondée sur des standards très différents.

A quoi servent concrètement les certificats et les mises en garde ? Peut-on réellement réguler ce qui se passe sur les réseaux sociaux, par exemple ?

Il est temps de lever toute ambiguïté sur le fait que les cryptoactifs sont des produits financiers (voire constitue parfois le support de tentatives d’escroquerie). Il est tout aussi indispensable de faire la part des choses entre de l’information neutre et un placement de produit. Enfin, il faut garantir que le renseignement fourni est complet, équilibré et non trompeur.
Dans cette optique, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont signé un avenant à leur convention de partenariat sur la communication du secteur des services financiers, s’étendant au champ nouveau des cryptoactifs pour qu’il soit pris en compte dans le cadre d’un module spécifique du certificat de l’influence responsable.
Ces certificats visent à accroitre la responsabilité des diffuseurs sur la qualité des informations relayées pour en assurer la fiabilité, surtout en ce qui concerne les risques encourus en investissant sur les cryptoactifs, et de renforcer les obligations de divulgation des conflits d’intérêts potentiels, à l’instar des acteurs de la finance traditionnelle.
En cas de préjudices à la suite de manquements, les personnes lésées disposeront d’arguments pour engager des actions en indemnité, ce qui devrait inciter les diffuseurs à plus de retenue, à condition qu’ils ne soient pas hors de portée sur le plan juridictionnel.

Ne faudrait-il pas une pédagogie globale sur l’investissement ?

Il faut aborder la question sur plusieurs angles, et créditer les acteurs de la cryptos (PSAN, sites spécialisés ou vlogueurs) qui fournissent des efforts significatifs de vulgarisation et d’explication aussi bien sur les aspects techniques de la Blockchain que sur les produits et services accessibles.
L’AMF a jugé que ce n’est pas suffisant. Elle a amplifié les exigences concernant les informations précises sur les risques liés aux investissements dans les cryptoactifs. Il s’agit ni plus ni moins d’un alignement avec les autres classes d’actifs dont la commercialisation donne lieu à des tests d’adéquation et à la diffusion d’une litanie de renseignements.
Avec MiCA, le renforcement d’un cadre réglementaire portant sur la protection des investisseurs, introduisant plus de transparence concernant d’éventuels conflits d’intérêts et explicitant les attentes en matière de lutte contre les abus de marchés contribuera à faire converger les standards, voire créera des éléments de différenciation pour ceux qui les appliquent avec intelligence.
Cela permettra sans doute l’émergence de l’équivalent du conseil sur actions, chainon manquant dans l’écosystème. Les offres d’abonnement à des services de recherche sur les cryptoactifs se développent d’ailleurs, et leur valeur ajoutée devrait évoluer (de l’analyse technique vers l’analyse plus fondamentale). Leur succès dépendra entre autres de leur capacité à ne pas être sous une quelconque influence.

Propos recueillis par A-L A

Guillaume BURTSCHELL, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et de l’Université Paris XI Dauphine. Guillaume a évolué pendant près de 30 ans dans le secteur bancaire, notamment dans la banque de financement et d'investissement à la Société Générale en France, en Angleterre et au Japon. Il a ensuite évolué dans le domaine de la conformité, toujours à la SG puis chez Natixis, et des cryptoactifs chez Binance, un des leaders dans cette activité, notamment en France. Il occupe depuis janvier 2023 la fonction d’Associé chez Finegan en charge des problématiques liées au paiement.

Dimanche 26 Mars 2023




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