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Dix ans après le lancement du projet IFRS, où en est la convergence mondiale des normes d’information financière ?

L’IASB vient de fêter, avec discrétion, son dixième anniversaire. Une nouvelle équipe de management est en cours d’installation, avec Hans Hoogervorst et Ian MacIntosh, les Trustees procèdent à la sélection d’un nouveau Chairman pour succéder au regretté Tommaso Padoa-Schioppa, un appel à commentaires va être publié pour définir le programme de travail des cinq prochaines années, la gouvernance de l’IFRS Foundation fait l’objet de nouvelles propositions à la fois par les Trustees et par le Monitoring Board, et l’accord dit Memorandum of Understanding avec le FASB, précisant le contenu et les modalités du programme de convergence, vient à expiration. Les sujets de réflexion ne manquent donc pas, mais je me contenterai ici d’aborder la question de l’étendue de l’application des IFRS à l’issue de dix ans d’efforts.


Quelques commentaires au sujet du SEC Staff paper de Mai 2011

La publication le 26 mai 2011 d’une note du staff de la SEC (« Exploring a possible method of incorporation ») détaillant le contenu de la notion de « Condorsement » évoquée en Décembre 2010 (2), a amené des commentateurs français à douter de la volonté des USA d’adopter un jour les normes internationales. Des expressions très fortes, telles que « coup de tonnerre », « camouflet », « échec », ont été employées. Les interrogations sont toujours légitimes, mais il est à mon avis trop tôt pour tirer des conclusions. En effet, le staff se contente pour l’instant d’explorer toutes les modalités techniques envisageables pour une transition des US GAAP aux IFRS, afin d’obtenir des commentaires des parties prenantes, puis de les discuter lors de la table ronde qui se tiendra en juillet.

La publication par le staff d’études sur les différentes modalités possibles de transition (2) était prévue dans le « Staff Work Plan » publié en février 2010. Il formulera ensuite une recommandation au collège des commissaires de la SEC, qui devraient décider formellement d’ici à la fin de l’année. A ce stade, il est dangereux de vouloir lire entre les lignes et rien ne permet d’affirmer que la SEC reporterait sa décision ou prendrait une décision de non adoption. Mais il est évident que faire « basculer » d’un référentiel à l’autre les 4500 sociétés cotées américaines est un exercice lourd et complexe, et qu’il serait impensable que les modalités de transition ne fassent pas l’objet d’une étude approfondie, surtout dans un pays où la protection des investisseurs est prise au sérieux par les autorités.

On peut aussi trouver normal qu’à l’instar de ce qu’ont institué l’Union Européenne et d’autres Etats, un mécanisme formel « d’endorsement » soit mis en place aux USA pour donner force légale aux normes publiées par l’IASB ; et on peut trouver logique que la SEC s’appuie sur le FASB , comme la Commission Européenne s’appuie sur l’EFRAG, pour obtenir un avis technique préalable à la décision d’endorsement. Il faudra naturellement être attentif au risque que les uns ou les autres décident d’un « carve out », qui amènerait à des normes non comparables d’une juridiction à l’autre. Je suis moins inquiet au sujet de la possibilité de « carve in », à savoir l’ajout, pour des besoins spécifiques aux USA, de commentaires destinés à favoriser la bonne application des IFRS à des situations propres à cet environnement.

La méthode de transition explorée dans le staff paper repose sur plusieurs principes :
- Maintien temporaire des US GAAP, qui seraient progressivement modifiés par le FASB pour les aligner sur les IFRS (mécanisme d’incorporation) en suivant un protocole d’endossement,
- Ce protocole donnerait la possibilité au couple FASB-SEC de modifier ou compléter les normes IFRS lorsque cela est justifie par l’intérêt public (3), à savoir la protection des investisseurs,
- Au lieu de retenir une approche du type IFRS1 « Première application des IFRS » avec un basculement total au nouveau référentiel, il serait proposé que la période de transition soit mise à profit pour que le FASB élimine progressivement les différences avec les IFRS,
- A l’issue de cette période de transition, un metteur américain respectant les US GAAP pourrait aussi affirmer sa conformité aux IFRS publiés par l’IASB.

Bien sur, cette approche qui est censée réduire les efforts liés à la transition pour les sociétés les moins sophistiquées (et conserver un rôle actif pour le FASB (4)) présente de nombreux inconvénients, dont le moindre n’est pas l’instabilité du référentiel US GAAP pendant toute la période de transition, susceptible de perturber les investisseurs.

Une lecture attentive de ce staff paper, sans idée préconçue, ne devrait donc pas générer d’inquiétudes particulières. De nombreux experts des milieux comptables proches des autorités américaines pensent que la question n’est plus de savoir si les normes en vigueur aux USA seront un jour conformes aux IFRS, mais de savoir quand et comment cela arrivera.

En dehors des USA, quelle est la situation ?

Nicolas Veron (5) estime qu’à ce jour il y a une répartition équilibrée entre les sociétés du « FT Global 500 Ranking » établissant leurs comptes selon les IFRS (prés de 40%), selon les US GAAP (prés de 40%) et selon d’autres référentiels (20%). Il prédit qu’à compter de 2012 les proportions vont nettement évoluer en faveur des IFRS (50%), au détriment des catégories « autres » (15%) et US GAAP (35%) (6).

Une autre approche, qui confirme la prévision de Nicolas Veron, consiste à regarder la position des Etats au regard des IFRS. Environ 120 pays imposent ou permettent, à ce jour, l’utilisation des IFRS pour la préparation des comptes de certaines ou de toutes les sociétés relevant de leur juridiction. Parmi les pays duG20, la plupart ont déjà adopté les IFRS pour leurs sociétés, à titre obligatoire ou optionnel, avec bien sur des variations dans le champ d’application, ou décidé de passer par une phase de transition telle que l’adoption d’un référentiel substantiellement identique aux IFRS (cas de la Chine, de l’Inde ou de l’Indonésie). Le Canada, la République de Corée et le Brésil ont basculé aux « Full IFRS » depuis 2011, le Mexique et l’Argentine le feront à compter de 2012 ; le Japon autorise les IFRS pour certaines sociétés internationales et prendra une décision définitive en 2012. Enfin, la Russie impose déjà les IFRS aux institutions financières et une loi vient d’être adoptée (7) par la Douma, prévoyant une extension obligatoire aux sociétés cotées (8).

Cette dynamique confirme qu’en dix ans les IFRS se sont nettement imposés comme LE référentiel international. Mais les divergences dans les modalités retenues doivent nous rappeler que l’objectif ultime n’est pas la convergence (c'est-à-dire des normes comptables peu ou prou équivalentes) mais bien l’adoption d’un jeu unique, les IFRS tels que publiés par l’IASB. Il est probable que la priorité stratégique pour la Fondation IFRS au cours des dix prochaines années sera d’encourager les Etats à aller au bout de leur démarche d’adoption. Une autre priorité des travaux de la Fondation pourrait bien être d’accroitre l’intérêt porté à l’application rigoureuse des IFRS dans les juridictions qui déclarent être conformes.

En conclusion, s’il n’est pas encore possible de déclarer que la partie est finie, force est de constater que les IFRS mènent largement au score, et qu’en comparaison des autres domaines de la régulation financière internationale, la normalisation comptable progresse plus vite.

Par Philippe DANJOU
Membre du Board de l'IASB


(1) Paul A. Beswick, Remarks before the 2010 AICPA National Conference on Current SEC and PCAOB Developments (Dec. 6, 2010). Il s’agit d’un terme inventé pour combiner les notions d’endorsement et de convergence.

(2) Les modalités explorées jusqu’à présent sont: adoption totale à une date donnée, sans mécanisme d’endorsement (Approche dite “Big bang””) ; adoption totale à la suite d’une période de transition progressive sur plusieurs années ; option ouverte à certaines sociétés d’adopter les IFRS sans que cela soit imposé à toutes ; enfin, maintien des US GAAP et continuation d’un travail de convergence avec les IFRS. Le Staff paper de Mai discute l’idée que la décision de la SEC n’est pas forcement un choix binaire (tout le monde tout de suite ou bien rien du tout) et que l’incorporation des IFRS aux USA n’est pas nécessairement incompatible avec le maintien de l’autorité ultime de la SEC sur les normes comptables des sociétés cotées.

(3) Cette idée rappelle la notion d’intéret public européen qui figure dans le Règlement 1606/2002

(4) Le staff paper décrit ainsi le role possible du FASB : “The FASB would play an instrumental role in global standard setting by providing input and support to the IASB in developing and promoting high-quality, globally accepted standards; by advancing the consideration of U.S. perspectives in those standards; and by incorporating those standards, by way of an endorsement process, into U.S. GAAP”. Ce role est trés proche de la mission confiée a l’EFRAG par la Commission Européenne.

(5) Nicolas Veron, économiste au sein du Bruegel Institute, contribue régulièrement au blog. Son article paraitra dans la série Bruegel Policy Brief, en juillet 2011

(6) Une étude par mes soins de la capitalisation boursière des différents marchés publiée dans les statistiques de la WFE, croisée avec l’usage des référentiels comptables, démontre aussi qu’à compter de 2012 le référentiel IFRS sera en vigueur pour plus de 50% de la capitalisation des marchés d’actions mondiaux, contre 32% pour les US GAAP.

(7) Loi du 27 Juillet 2010 sur la préparation des comptes consolidés et Résolution No 107 du 25 Février 2011 du gouvernement de la Fédération de Russie.

(8) L’application des IFRS interviendra l’année suivant leur endossement, selon le mécanisme mis en place par le gouvernement.

Vendredi 1 Juillet 2011




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