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Devoir de vigilance : un difficile équilibre entre maîtrise des risques fournisseur et réalité économique ?

Entretien avec Eric Mugnier, Associé EY.


Eric Mugnier
Eric Mugnier
Eric Mugnier bonjour, vous êtes associé EY et expert des sujets achats et supply-chain en lien avec les sujets sociaux.
Les entreprises françaises seront-elles en capacité de cartographier et de gérer les bons « risques fournisseurs » ?

Les grandes entreprises y travaillent depuis plusieurs années. Aujourd’hui 40 % des entreprises du CAC 40 publient une cartographie des achats. Cependant, la maturité des entreprises plus petites et/ou moins exposées au grand public est sans doute moins avancée. De plus, les démarches actuelles identifient généralement les risques au niveau des fournisseurs de rang 1, alors que certains risques se situent plus loin dans la chaîne de valeur. Aujourd'hui, peu d'entreprises sont capables de répondre à la question à ce niveau.

Quelles sont les instruments qui permettront aux entreprises de vérifier que leurs sous-traitants respectent les droits de l’homme et assurent à leurs salariés des conditions de travail satisfaisantes ?

Avant de parler de vérification, des mesures préventives et incitatives peuvent être mises en place par les entreprises pour pousser au respect des droits de l’homme par les fournisseurs et sous-traitants : charte et code éthique fournisseurs, intégration d’exigences RSE dans les appels d’offre, clauses contractuelles, cahier des charges, etc.

Concernant la vérification des fournisseurs et sous-traitants, nous recommandons de suivre une logique d’entonnoir. Il s’agit d’abord d’effectuer une cartographie des risques, de les hiérarchiser puis de mettre en place des moyens visant selon le cas à les réduire, les supprimer, les maîtriser. Parmi l’attirail des moyens possibles figurent les audits sur les fournisseurs à risques avec des plans d’actions et un suivi pour ceux dont la performance est la plus problématique. Ensuite, il faut s’assurer que les fournisseurs réalisent eux-mêmes ces cartographies avec leurs fournisseurs. L'esprit du texte est en effet de créer une « solidarité » dans la chaîne de valeur avec un effet de cascade des bonnes pratiques.

L’initiative française est-elle isolée ? Peut-on la comparer à d’autres dispositifs internationaux ?

La France n’est pas isolée en matière de réglementation mais la proposition sur le devoir de vigilance porte sur un large panel de risques, contrairement aux réglementations existantes à l’étranger qui sont plus ciblées.

Après avoir vu la formalisation de standards volontaires sur ces sujets ces dernières années, en particulier sur les droits de l’Homme (principes de Ruggie, principes directeurs de l’OCDE à destination des entreprises multinationales, etc.), les lignes bougent également sur le plan réglementaire.

En termes de transparence d’abord, avec l’obligation pour les entreprises de publier des informations extra-financières. La France a eu dans ce cas un temps d’avance avec l’article 225 de la loi Grenelle 2. Mais la directive européenne sur la publication d’informations extra-financières (2014/95/UE) - qui doit être transposée dans les droits nationaux avant fin 2016 - requiert également de publier des informations sur la chaîne d‘approvisionnement et de sous-traitance, afin d‘identifier, de prévenir et d‘atténuer les incidences négatives existantes et potentielles.

En termes de plans d’action ensuite, avec certaines réglementations nationales qui se précisent. Aux Etats-Unis, la législation sur les minerais de conflits (Dodd-Franck Act), promulguée en 2010, impose aux sociétés cotées en bourse aux États-Unis d’exercer un devoir de diligence sur leur chaîne d’approvisionnement afin de déterminer si leurs achats de minerais spécifiques ont bénéficié à des groupes armés impliqués dans des conflits. Plus récemment, le Modern Slavery Act, promulgué en octobre 2015 au Royaume-Uni, impose aux organisations commerciales ayant un chiffre d’affaire de plus de 36 millions de livres et exerçant des activités au Royaume-Uni de présenter annuellement les mesures prises pour lutter contre l’esclavage moderne et la traite des êtres humains, dans leurs activités et dans leur chaîne de valeur.

Quelles seraient les conséquences financières pour les entreprises de l’adoption de la loi ?

A nouveau, un décret viendra préciser les obligations précises pour l’entreprise.

Le texte validé dans un premier temps par l’Assemblée indique que les entreprises devront définir et mettre en œuvre un plan de vigilance, qu’elles devront publier dans le rapport de gestion. Selon le degré de maturité actuel des entreprises sur la question, elles devront donc renforcer leur compréhension de leur chaîne de valeur en travaillant sur la cartographie des risques, en les hiérarchisant et en allant plus loin dans le contrôle des fournisseurs.

Concernant l’exigence de publication, l’objectif n’est pas faire une « bible des achats responsables » mais simplement rassurer les investisseurs et les parties prenantes avec un plan d'action. Le fait qu'il prévoit une sanction permet de chiffrer le coût de l'inaction.

Eric Mugnier, merci d'avoir répondu à nos questions et rendez-vous très prochainement dans un nouveau numéro de Finyear.

© Copyright Finyear. Propos recueillis par la rédaction de Finyear.


Vendredi 27 Novembre 2015




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