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Depuis l’été dernier, la crise des marchés financiers a changé de nature

Un câble diplomatique datant du 17 mars 2008, récemment divulgué par Wikileaks, rapporte une conversation entre Mervyn King, le président de la Banque d’Angleterre, Robert Kimmitt, alors Sous-Secrétaire au Trésor américain et Robert Tuttle, l’Ambassadeur des États-Unis en Grande-Bretagne, et répond indirectement à une question que l’on se pose à propos du déclenchement de la crise : parmi les instances dirigeantes de l’époque, incompétence ou dissimulation ?


Paul Jorion
Paul Jorion
La réponse dans ce cas-ci est claire : dissimulation. Parce que le diagnostic posé par Mervyn King ne diffère en rien de ceux qui furent proposés par les commentateurs de l’actualité financière à l’époque – je veux dire ceux d’entre nous qui n’avaient ni responsabilité politique, ni responsabilité au sein d’une banque, que celle-ci soit centrale ou commerciale.

Du côté des responsables, le message est resté identique, du plongeon du prix des titres adossés à des crédits hypothécaires subprime en février 2007 à aujourd’hui, et en contradiction flagrante avec les faits : la crise bancaire est une crise de liquidité et non pas de solvabilité. Autrement dit, elle résulte d’un problème purement technique de circulation de l’argent au sein du système financier et non de la faillite de fait du secteur bancaire dans son ensemble.

Or, le Président de la Banque d’Angleterre le dit sans ambages lors de ce déjeuner d’affaires à Londres en mars 2008 : la crise bancaire est maintenant une crise de solvabilité et non pas de liquidité, et il ne date pas ce verdict du moment où se tient la conversation, mais de six mois auparavant : en août 2007, c’est-à-dire du moment où un responsable de BNP Paribas prononça à propos des titres subprime les mots fatidiques : « Pas de prix ! » (après moi, en fait).

Quel aurait été l’impact a posteriori d’un diagnostic vrai ? Admettre l’insolvabilité de fait du secteur bancaire aurait débouché sur sa nationalisation, impliquant sa mise sous tutelle de l’État et un règlement par les investisseurs des pertes subies dans ce secteur. Refuser de reconnaître l’insolvabilité a conduit au résultat que l’on connaît : le règlement de l’addition par le contribuable à la place de l’investisseur, et un boulet attaché à son cou pour une durée indéfinie.

Il était question dans le discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Toulon le 25 septembre 2008, de punir les responsables de la crise : « L’impunité serait immorale », y est-il dit. Or, il existait dès mars de la même année une solution à la crise, pas celle prônée par Mervyn King de la dissimulation mais celle de dire la vérité à ce moment-là : « On ne rétablira pas la confiance en mentant, on rétablira la confiance en disant la vérité », affirmait le même discours.

Un choix existait : sauver les peuples ou les investisseurs. Ce furent les investisseurs qui furent choisis. Un mauvais choix, tout aussi mauvais que celui qui fut à l’origine de la crise : « On a financé le spéculateur plutôt que l’entrepreneur », affirme le discours de Toulon. La conclusion de ce discours demeure elle aussi d’une étonnante actualité : « … ne rien faire, ne rien changer, se contenter de mettre toutes les pertes à la charge du contribuable et faire comme s’il ne s’était rien passé serait également une erreur historique ».

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Le câble, publié par Wikileaks

Lundi 17 Mars 2008, 18:27
CONFIDENTIEL LONDRES 000797
SIPDIS NOFORN SIPDIS
EO 12958 DECL: 03/17/2018
TAGS ECON, EFIN, UK

SUJET : LA CRISE BANCAIRE EST MAINTENANT UNE CRISE DE SOLVABILITE ET NON PAS DE LIQUIDITE AFFIRME LE GOUVERNEUR DE LA BANQUE D’ANGLETERRE
Classifié par : AMB RTUTTLE, raisons 1.4 (b) et (d)

Résumé
§1. (C/NF) Depuis l’été dernier, la crise des marchés financiers a changé de nature. Le problème est maintenant non pas celui de la liquidité présente dans le système mais plutôt une question de solvabilité systémique, selon les déclarations du Gouverneur de la Banque d’Angleterre (BOE) Mervyn King lors d’une rencontre à déjeuner avec le Sous-Secrétaire au Trésor Robert Kimmitt et l’Ambassadeur Tuttle. King a mis en avant deux impératifs. Premièrement, trouver le moyen d’éviter aux banques l’infamie d’avoir à vendre des billets de trésorerie dont personne ne veut à des prix bradés ou de devoir réclamer l’aide d’une banque centrale. Deuxièmement, s’assurer qu’il existe un effort coordonné qui pourrait devoir aller jusqu’à recapitaliser le système bancaire dans son intégralité. Quant au premier impératif, King a suggéré de développer un système de regroupement et d’enchères de manière à débloquer l’important volume d’investissements financiers pour lesquels il n’existe pour le moment aucun marché. Quant au second impératif, King a suggéré que les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la Suisse, et peut-être le Japon puissent former un nouveau groupe provisoire qui dans un commun effort réunirait le capital nécessaire afin de recapitaliser toutes les principales banques. FIN DU RESUME

L’insolvabilité systémique est désormais le problème
§2. (C/NF) King a déclaré que la liquidité est nécessaire mais non suffisante dans la crise du marché actuelle car le système bancaire mondial est sous-capitalisé en raison d’un effet de levier trop important. Il a dit qu’il est difficile de penser que les quatre principales banques anglaises (Royal Bank of Scotland, Barclays, HSBC, and Lloyds TSB) n’ont pas besoin de capitaux supplémentaires. Un effort coordonné des banques centrales et des ministres des finances sera peut-être nécessaire afin de développer un plan de recapitalisation du système bancaire.

Débloquer les titres adossés à des hypothèques qui ne trouvent pas acheteur
§3. (C/NF) King a déclaré qu’il est également impératif de trouver un moyen pour que les banques puissent se débarrasser de leurs titres qui ne trouvent pas acheteur, ce qui inclut les titres adossée à des hypothèques, sans devoir les solder à des prix bradés. Il a dit que les ventes à prix bradés ne servent qu’à abaisser la valeur plancher à laquelle les banques doivent évaluer leurs actifs (cote au marché), et par là-même obligent à entériner des ventes forcées supplémentaires injustifiées. Il a déclaré que nous devons inventer un système d’enchères où les banques pourraient placer les billets de trésorerie qu’elles veulent vendre sans craindre d’être stigmatisées par les marchés qui interpréteraient des ventes à faible prix comme le signe que la banque est en difficulté. King a pourtant indiqué qu’il ne savait pas encore comment structurer de telles enchères et que des discussions supplémentaires étaient nécessaires. Kimmit a convenu qu’il fallait trouver le moyen de débloquer ces marchés et a déclaré que nous devrions rester en contact aussi bien bilatéralement qu’à travers le G7, le Forum de Stabilité Financière et les banques centrales.

Une méthode éventuelle de recapitalisation
§4. (C/NF) Le G7 est presque complètement inopérant au niveau économique a déclaré King. Des économies jouant un rôle-clé ne sont pas représentées, en particulier celles qui ont d’importantes et croissantes réserves en capital. King a dit qu’un nouveau groupe international était nécessaire pour remédier à cela. Cela pourrait être un groupe provisoire, et il a suggéré que peut-être les banques centrales et les ministres des finances des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de la Suisse pourraient coordonner les discussions avec d’autres pays qui ont de vastes réserves de capitaux, incluant les fonds souverains, à propos du recyclage de dollars pour recapitaliser les banques. King dit que le Japon pourrait ne pas être inclus car il n’a pas grand-chose à offrir. King a observé pourtant qu’inclure les Japonais pourrait les forcer à finalement évaluer au prix du marché des actifs dépréciés. Kimmit a déclaré qu’il était réticent à susciter de nouveaux regroupements dans la communauté financière internationale en raison des inévitables débats visant à déterminer qui inclure.

Commentaire
§5. (C) Les propositions de King n’étaient pas des idées en l’air comme on peut en lâcher pour faire la conversation au cours d’un déjeuner. Il était clair que son objectif principal lors de cette réunion était de faire connaître à Kimmit, dans les grandes lignes, ses idées originales sur la question. King n’est pas rentré dans les détails quant à ses propositions et se satisfaisait de présenter des idées générales, posant ainsi les fondements pour une discussion future. FIN DU COMMENTAIRE

§6. (U) Participants: USG: Ambassador Robert Tuttle; Deputy Secretary Kimmitt; Eric Meyer, Office Director for Europe;
SIPDIS Robert Saliterman, Spokesman, International Affairs, U.S. Treasury; Warren Chane, ECONOFF. UK: Mervyn King, Governor, Bank of England; Chris Salmon, Private Secretary.

§7. (U) Le Sous-Secrétaire Kimmitt a approuvé ce message.
Visit London’s Classified Website: state.sgov.gov/p/eur/london/index. cfm TUTTLE
Visit London’s Classified Website: state.sgov.gov/p/eur/london/index. cfm TUTTLE

NB : Merci à Nikademus pour la traduction.

Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions.
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Lundi 10 Janvier 2011




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