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Dégradation de la note Française, quelles conséquences ?

À la différence des précédentes décisions, c’est le cœur de la zone euro qui a été impacté vendredi (le 13/01/2012). Pour rappel, la France et l’Autriche ont perdu un cran passant à AA+, tandis que l’Espagne, l'Italie et le Portugal perdaient 2 crans de notation. L'Espagne passe ainsi à la notation A tandis que l'Italie devient BBB+ et le Portugal BB. La note des Pays-Bas et de la Finlande est toujours AAA et celle de la Belgique AA. Le point à souligner est que pour tous les pays de la zone euro, à l'exception de l'Allemagne, les notes de Standard&Poor's (S&P) ont été assorties d’une perspective négative, préalable à une possible dégradation à moyen terme. Au final, seule l’Allemagne a été épargnée.


Quelles sont les conséquences de la perte du triple A de la France ?

Cet événement doit être relativisé. Il avait déjà été évoqué respectivement par les agences S&P et Moody’s au début du mois de décembre. Contrairement aux rumeurs, la France est loin d’un risque avéré de faillite et ses conditions de financement restent tout à fait raisonnables. Le taux d'intérêt sur les obligations d'États à 10 ans oscille entre 3 et 3,5 %, ce qui reste historiquement à des niveaux très bas.

Cette décision était largement anticipée sur les marchés. Marginal de 2005 à 2008, l'écart de taux d'intérêt entre la France et l’Allemagne s’est élargi depuis pour des raisons essentiellement de liquidité plus importante du marché allemand. Cet écart s'est accentué fortement depuis l'automne 2011 en fonction des négociations sur la résolution de la crise de la zone euro et des alertes des agences de notation. En conséquence, la décision de S&P ne reflète Source : Datastream aucune nouvelle dynamique de rupture, mais ne fait qu’officialiser un état de fait. Cela n'aura pas de conséquences fortes et immédiates sur l'économie française.

Plus fondamentalement, que révèle la décision de S&P ?

L'agence S&P s'interroge sur le diagnostic porté par les européens sur la crise qu'ils traversent. L'attention sur la question budgétaire est essentielle mais insuffisante pour bien appréhender les risques actuels, notamment ceux portant sur la croissance de la zone. Dès lors, utiliser la consolidation budgétaire comme arme immédiate et principale de la résolution de la crise ne permet pas de réduire le risque sur la croissance. Dans le détail des pays ensuite, il y a des différenciations qui traduisent les raisons des dégradations. Dans le cas de la France, les risques sont associés à une dette publique élevée et à des rigidités excessives sur le marché du travail. Ces deux aspects distinguent la situation française de celle de l'Allemagne. S&P indique que l'Allemagne a une capacité plus grande d'amortir et d'absorber les chocs, une économie plus stable en conséquence, et une situation des finances publiques plus saine.

S’agissant de l’Espagne, ce sont les inquiétudes sur la croissance et la fragilité du secteur financier qui ont motivé la décision. Même constat pour l’Italie, sanctionné pour sa trop forte dépendance au financement extérieur, dans un contexte récessif peu attractif pour les investisseurs internationaux.

Ces changements de notation affecteront forcément la manière dont les européens négocieront les prochaines étapes de la résolution de la crise de la zone. La hiérarchie avait déjà évolué lors de la réunion du 26 octobre dernier à Bruxelles, donnant un poids majeur à l'Allemagne. Ce changement est encore plus marqué avec le changement de notation et notamment le passage de l'Italie en BBB+. De ce point de vue, la réunion du 30 janvier prochain sera essentielle pour valider ou non ce changement de hiérarchie qui se traduirait alors par la réaffirmation des objectifs de réduction des déficits budgétaires à un horizon court.

Le Fonds européen de stabilité financière (FESF) sort également fragilisé de cette annonce. Auparavant de 444 milliards d’euros, la part du fonds soutenue par des pays notés triple A passe à 272 milliards d’euros. Nous sommes donc particulièrement vigilants sur l’avenir à court terme de ce véhicule, pour lequel deux scénarios s’affrontent : soit les quelques pays toujours notés AAA, Allemagne en tête, montent dans le FESF (basé sur l’emprunt), soit le processus de transfert à l’ESM (European Stability Mechanism basé sur les fonds propres) est accéléré. Nous attendons plutôt la deuxième option, la première ayant pour but d’être temporaire. Le lundi 16/01/2012, S&P a dégradé le FESF de AAA à AA+. Ce que révèle aussi cette décision est la vulnérabilité des États face aux partis-pris des agences. Avec des grilles de lecture a priori similaires, Fitch et S&P sont en effet arrivés à des conclusions différentes alors que leurs méthodologies sont semblables. C’est la preuve que leur décision découle d’éléments de plus en plus qualitatifs (et donc, arbitraires), au détriment d’arguments quantitatifs (et donc, objectifs). Ce qui différencie néanmoins les agences est souvent le scénario macroéconomique qui se traduit, dès lors qu'ils sont très distincts dans leurs prévisions, par des trajectoires de finances publiques différentes.

La perte du triple A va-t-elle impacter les attentes politiques dans le cadre des élections présidentielles françaises ?

La dégradation annoncée par S&P et les explications sur les perspectives négatives mettent en lumière les interrogations sur la croissance française à un horizon de 3 à 4 ans et sur la façon dont les futurs gouvernements devront la relancer.

L'annonce de S&P démontre la nécessité d'une plus grande transparence du scénario adopté par le gouvernement pour la France à l'horizon 2016. Si les perspectives sont trop optimistes (2 % de croissance chaque année de 2013 à 2016 pour le gouvernement français actuellement) alors l'équilibre attendu des finances publiques en 2016 ne sera pas atteint, nécessitant des mesures complémentaires. C'est probablement sur cet aspect et sur les mesures associées que l'impact sera le plus fort sur l'économie française.

Les investisseurs seront davantage attentifs à la situation budgétaire française à moyen terme, obligeant ainsi le gouvernement a être plus vigilant dès maintenant.

À cet égard, le changement de scénario économique nécessite une adaptation du discours des candidats, qui ne pourront ignorer cette nouvelle notation et ses implications. Ils devront certainement revoir le profil budgétaire de leur programme à l’aune de ce scénario de croissance plus réduite. De véritables choix budgétaires devront dès lors être tranchés, portant un contenu politique très fort et différencié selon les candidats : réduction des dépenses ou hausses des recettes fiscales ? Si le choix se fait sur les dépenses, sur quels secteurs porteront elles ? Santé, éducation, police (…) ? Quel type d’imposition privilégier, TVA ou IRPP ? Ces choix et les options prises seront très politiques. De ce point de vue, la décision de S&P pourrait bien amorcer le lancement véritable de la campagne électorale. La note AAA n’est pas un objectif politique en soi. Ce qui l’est, en revanche, c’est le retour de la croissance. Si la probabilité de retrouver la notation AAA est réduite à moyen terme, le risque d’un abaissement supplémentaire en cas de dégradation macroéconomique est quant à lui bien réel. Il n’y a pas d’ambigüité là-dessus. Le curseur du débat politique se placera donc à ce niveau.

Quel impact est à attendre sur les marchés ?

Les marchés obligataires n’ont pas été affectés par cette décision au cours de la séance de lundi 16/01/2012. Le 10 ans français s’échange toujours à 3,08 %, reflétant un spread de 130 points de base identique (voire légèrement inférieur) aux séances précédentes. Le marché des CDS a lui aussi très peu décalé. Dans tous les cas, les réexpositions éventuelles ne peuvent se faire dans la journée, tout arbitrage nécessite un minimum du temps.

Pourquoi cette absence d’impact en matière de valorisation ? Si la décision de S&P a des conséquences symboliques et politiques importantes, la qualité de crédit inhérente à une notation AA+ diffère en réalité très peu d’une notation AAA. D’autre part, les investisseurs s’attendaient à une baisse plus forte (de deux crans, à AA). Plus encore, le spread actuel de la France intègre selon nous plutôt la note A. Enfin, pour ce qui est des flux, la dégradation d’un cran par une seule agence ne suffit pas à faire sortir la France des indices AAA. Or ni Fitch, qui ne prévoit pas de dégradation en 2012 en l’absence d’un "choc économique significatif", ni Moody’s, qui a prolongé aujourd’hui même son examen de la perspective stable de la note française, ne semblent enclin à emboiter le pas de S&P à court terme. Pour l’Italie, en revanche, cette décision est une très mauvaise nouvelle. Reléguée dans la catégorie à part des BBB, sa dette pourrait souffrir de flux vendeurs pour des raisons purement règlementaires. De ce fait, le timing de S&P (un vendredi 13 !) est très critiquable, car sa décision intervient après des adjudications qui se sont globalement bien déroulées et risque dès lors de modifier la perception plutôt en voie d’amélioration de la dette italienne sur les marchés. Les prochaines adjudications seront donc critiques. Car si l’Italie peut encore tenir avec des taux de refinancement à 7 % pour quelques mois, elle ne pourra pas le faire indéfiniment sur plusieurs années. La décision de S&P pourrait alors bien accélérer la tendance actuelle tournée vers le refinancement domestique par les particuliers. C'est clairement la situation de l'Italie qu'il faudra observer avec la plus grande attention car c'est une source de fragilité forte pour l'ensemble de la zone euro.

Quelle a été la responsabilité de la BCE dans cette annonce ?

S&P a salué la bonne gestion de la situation par la BCE. Cette dernière est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la dégradation de la note de la France n’a pas été aussi importante qu’on pouvait le craindre. Largement perceptible depuis la nomination de Mario Draghi, le changement d’orientation de la BCE devrait donc être conforté par l’annonce de S&P.

Par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management et Olivier de Larouzière, directeur de la gestion obligataire euro
Rédigé le 17 janvier 2012

www.am.natixis.com

Jeudi 19 Janvier 2012




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