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Cycles « GEO-ECONOMIQUES » et l'avenir de l'Europe

Tous les étudiants en management ont entendu parler des « cycles » économiques. Les cycles Juglar (nom d’un savant anglais) durent de 7 à 10 ans, avec 3 stades : la croissance, une phase de stagnation et la décroissance ou récession.


Bernard Marois
Bernard Marois
Les cycles Kondratieff (du nom d’un économiste russe) se déroulent sur 50 à 70 ans et englobent plusieurs cycles Juglar, dans un mouvement binaire : hausse moyenne sur 30 ans puis, baisse moyenne.Les dix-neuf et vingtième siècles peuvent ainsi être analysés à l’aune de ces cycles. La mise en place progressive par la plupart des pays de « stabilisateurs » sociaux a atténué la courbe de ces cycles : les récessions sont beaucoup plus courtes et moins dévastatrices au vingt-et-unième siècle qu’au dix-neuvième siècle ; cependant, on notera que 2000-2001 a marqué le début d’une mini-récession (explosion de la bulle des « valeurs internet »), de même que 2007 et 2008 ont été marquées par la crise des « subprimes », prolongée en 2011-2012 par la crise de l’euro, liée à l’endettement public excessif des pays de l’Europe du Sud. Certes, le taux de croissance mondial reste positif, malgré les crises répétées, mais certaines régions connaissent des mini-récessions (l’Asie du Sud-Est en 1998 ou l’Europe en 2012). En outre, la rigueur des dernières crises a été largement adoucie par la montée de l’endettement public mondial, qui atteint actuellement des records historiques, en temps de paix, et pose un autre problème, que l’on pourrait relier à la solvabilité des Etats.

En parallèle à ces cycles économiques, les historiens ont mis en lumière l’existence de « cycles géo-politiques ». « Les civilisations sont mortelles », disait Valéry. Cela s’est tout-à-fait vérifié, au cours des siècles. La Grèce a connu son heure de gloire avec Alexandre le Grand, de même que la Perse avec Cyrus le Grand. Rome, créée en -753 avant J.C. (tout au moins, selon la légende mythologique de Romulus et Remus), a colonisé par étapes tout le pourtour de la Méditerranée, devenue « Mar Romana », puis s’est étendue jusqu’au Danube et au Rhin, enfin aux frontières de l’Ecosse. Cet empire s’est effondré en 476, à la fois sous l’assaut des « peuples barbares », mais aussi à travers la division interne (à un certain moment, il y avait 2 empereurs et 2 Césars se partageant le pouvoir, l’armée intervenant pour attiser les conflits). A cela s’ajoute, la situation économique : une production désorganisée par l’augmentation soudaine du coût du travail, l’esclavage ayant disparu, à la suite de la christianisation de l’empire romain. Donc l’économique et le politique se sont rejoints pour provoquer l’effondrement de Rome (cf. l’ouvrage fondamental rédigé par le britannique Gibbon : « Grandeur et décadence de l’empire romain »). Autre exemple instructif : la Chine, principale puissance mondiale au Moyen-Age et réceptacle des principales innovations humaines de l’époque : poudre, imprimerie, boussole, etc. Au début du 19ème siècle, son PIB est encore le premier au monde, avant la Grande-Bretagne. En 80 ans, cet empire va exploser et connaître la honte d’être colonisé par les puissances occidentales. C’est la conséquence de la fermeture du pays, à la fin du 15ème siècle, qui a stoppé le transfert des découvertes scientifiques vers l’« Empire du Milieu ». En conséquence, l’armée chinoise est inefficace et archaïque ; la Chine a également ratée le virage de l’industrialisation qui a fait la force de l’Europe, puis des Etats-Unis. Depuis, la Chine s’est réveillée…

Ce rappel historique montre clairement l’enchevêtrement de 3 facteurs essentiels expliquant l’évolution des pays : la démographie, l’innovation technologique, la force militaire. L’Allemagne a été restaurée, après la chûte du Saint-Empire Romain Germanique (provoquée en partie par les luttes religieuses des 16ème et 17ème siècles), grâce à l’armée prussienne. La Grande-Bretagne a dominé les 18ème et 19ème siècles, grâce à sa marine et sa propension à favoriser l’innovation industrielle. La France a tenu la première place en Europe, sous Louis XIV, grâce à sa force militaire et à sa démographie (Etat le plus peuplé). On pourrait multiplier les exemples. Ainsi, l’Europe a connu un effondrement économique de 1300 à 1400, à cause des épidémies de peste et de choléra, qui ont fait chûter la population de près d’un tiers et de la Guerre de Cent Ans. Le retour à meilleure fortune a permis l’éclosion de la Renaissance, d’abord en Italie, puis dans les autres pays.

Revenons à l’Europe d’aujourd’hui. La principale caractéristique de long terme réside dans l’hiver « démographique », qui nous a atteints. Hormis la France, tous les autres pays connaissent une baisse de leur population, uniquement freinée par l’immigration. Ce phénomène de vieillissement accéléré risque d’être cumulatif et d’entraîner une baisse irrémédiable de la consommation interne et donc de la production nationale. Quant à l’immigration, elle pose d’autres problèmes (intégration difficile, rejet du « multiculturalisme », conflits religieux potentiels, etc.). Une échappatoire consisterait à développer l'exportation et l’implantation à l’étranger, en particulier sur des marchés porteurs, c’est-à-dire à démographie favorable. Dans le premier cas, cela suppose un coût du travail concurrentiel, y compris au niveau monétaire. Hors, actuellement, la zone euro est tout juste à l’équilibre, compte tenu de la force de l’euro. Un accroissement, en termes de PIB, ne viendra donc pas du commerce extérieur. Dans le second cas (investissements à l’étranger), la démarche n’est fructueuse, que si les retombées de ces sorties de capitaux sont positives, à savoir : soit des exportations supplémentaires vers ces marchés étrangers, soit des retours de capitaux sous forme de dividendes ou de redevances. Mais pourquoi ces capitaux viendraient se réinvestir dans une zone (l’Europe) à l’avenir aussi sombre ?

Quant à l’innovation, l’Europe voit les dépenses de recherche progressivement baisser, ce qui est logique puisque les bénéfices des entreprises, ainsi que leurs marges subissent le contrecoup de la stagnation économique.

Pour conclure, on ne voit pas comment l’Europe, compte tenu de son affaissement démographique, pourra retrouver une croissance économique suffisante, susceptible de lui permettre d’investir pour l’avenir. Ce continent aura connu une montée en croissance, à la fin du quinzième siècle, pour émerger comme la puissance économique majeure, au dix-huitième siècle, et dominante aux dix-neuvième siècle. Depuis les années 70, l’Europe a connu un plateau et a amorcé son « déclin » dès le début du vingt-et-unième siècle. D’autres régions connaissent ces mêmes contraintes (Japon, Russie), mais cela ne fournit aucune consolation ! Ce qui est encore plus affligeant, c’est de constater que le seul pays européen à croissance démographique (même faible), la France, n’est pas capable d’en tirer parti économiquement. Hélas, Valéry avait raison.


Bernard MAROIS
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur du Club Finance HEC

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Vendredi 4 Juillet 2014




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