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Cryptomonnaies et le spectre de la surrèglementation

Les instabilités récemment connues sur ces actifs ont certainement entrainé une surréaction au moment de rédiger ce texte. Il faudra l’ajuster pour aboutir à une version efficace et voir émerger un marché sûr et compétitif...


Par Lionel Lafontaine, senior manager chez Square Management

Les cryptomonnaies font l’objet de beaucoup de fantasmes et de défiance, notamment parce qu’elles sont peu connues et maitrisées par peu d’acteurs. Toutefois les usages et fraudes en vigueur invitent à la mise en place d’une réglementation juste, permettant de distribuer les cartes d’une activité saine et d’apaiser les débats autour de ces instruments. La réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets) porte cette ambition, et doit permettre d’exploiter le potentiel des innovations sous-jacentes aux crypto-actifs. Mais entre gestion des risques et accompagnement du développement d’un nouveau marché, le régulateur évolue sur une ligne de crête.

D’une part, la méconnaissance et l’asymétrie d’informations entourant les cryptomonnaies amplifient la spéculation et la volatilité. Même les projets les plus iconiques et cohérents dans l’univers de cryptomonnaies sont exposées à une spéculation intensive. La forte dévaluation du Bitcoin et l’effondrement de la cryptomonnaie Luna en sont l’illustration. D’autre part, les fraudes ou escroqueries même grossières pullulent, car ce marché est peu réglementé et de manière non coordonnée. Pour exemple la chaine YouTube Crypto Gouv dont le créateur Youtubeur proposait des conseils mais aussi la gestion des fonds à des particuliers, s’est volatilisé avec les capitaux investis en cryptomonnaies. L’enjeu très fort est de positionner un cadre réglementaire plus solide et ne plus être simple spectateur de son développement anarchique. Il faut pouvoir se positionner en termes d’exigences d’informations sur les produits, de profil clients et d’appétence aux risques portés, de sorte à inspirer confiance et accompagner la croissance d’un marché fiable. Toutefois, face aux risques observés, il faut garder à l’esprit la richesse des innovations qui accompagnent ces instruments.

Les cryptomonnaies ont différentes facettes et sont notamment utilisées pour des levées de fonds sur des projets innovants via des ICO (Initial Coin Offering) ou des STO (Security Token Offering). Des initiatives de cryptomonnaies d’État émergent. Et un souhait d’accélération de la démocratisation des monnaies numériques dans les paiements quotidiens se fait de plus présent. Pour exemple, Amazon pense créer une cryptomonnaie adossée sur sa propre blockchain, Google travaille à offrir son service de paiement en cryptomonnaies… En bref, ces instruments ont un potentiel indéniable, et sont en plein essor. Un cadre réglementaire permettra de donner plus de visibilité et de cohérence à leur utilisation et de réaliser un peu plus ce potentiel.

Retour sur le contexte règlementaire

Le suivi des cryptomonnaies a été initié dans la loi française à travers la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises). Celle-ci permet d’encadrer la communication et la comptabilisation de ces actifs. C'est-à dire cesser de les ignorer en donnant des définitions et un cadre.
La loi PACTE apporte une définition précise du support de transaction à savoir ce qu’est un token (jeton en français). Elle a permis la mise en place d’un visa pour la circulation de ces jetons avec une procédure d’octroi et de retrait, qui impose de respecter les règlementations européennes de lutte anti blanchiment et de KYC (connaissance client et respect de son appétence au risque).

Enfin elle précise, l’encadrement des prestataires exerçant sur le territoire et qui interviennent dans la circulation ou la conservation de ces actifs, on parle de PSAN : prestataires de services sur actifs numériques. Ces activités sont également soumises à un agrément de l’AMF.

Très récemment la loi MiCA, dont une première mouture a vu le jour cet été offre de base les mêmes axes d’aménagement que la loi PACTE et vise à renvoyer vers les réglementations appropriées les différents pans de l’activité entourant les cryptomonnaies ; DSP2 pour les services de paiement ; DME2 pour la monnaie électronique. En ce qui concerne LCB-FT la réglementation TFR est en charge d’intégrer les cryptomonnaies dans le spectre réglementaire existant.

En complément cette loi introduit deux points critiques l’un dédié à l’impact climatique, le second consacré à la sécurisation des stablecoins et la souveraineté monétaire.

Concernant le volet climatique, elle impose l’obligation de déclaration de l’empreinte environnementale et climatique, dans un délai de deux ans. La Commission européenne devra fournir un rapport décrivant l'impact environnemental des cryptoactifs et l'introduction de normes minimales de durabilité obligatoire. Ce qui implique une mise en œuvre effective du texte en 2024.

Par ailleurs, étant donné les récents événements entourant les stablecoins, une attention particulière leur est portée dans le cadre de cette réglementation. Notamment des exigences de solvabilité strictes avec des réserves de liquidité de un pour un, afin de pouvoir se faire rembourser à tout moment et gratuitement par l’émetteur. Enfin le développement de stablecoins indexés sur des devises non européennes, sera limité pour préserver notre souveraineté monétaire.

La règlementation MiCA souhaite imposer un plafond d’échanges journalier pour les stablecoins. Mais ce plafond apparait comme totalement déconnecté des réalités du marché. Le règlement souhaite exiger une limite quotidienne à 200 millions d’euros échangés pour 1 million de transactions. Pour exemple, le volume de transactions de Tether est 250 fois plus élevé que cette limitation (près de 50 milliards de dollars échangés sur les dernières journées du mois d’aout).

Perspectives

En limitant le volume des stable-coin non émis en devise européenne, le cadre proposé par MiCA restreint par essence la concurrence. « La place européenne » deviendrait alors un marché de second rang, diminuant son attractivité avec un cadre de transaction trop limité.

Le souhait d’une nouvelle version de ce règlement a déjà été exprimé par Christine Lagarde, présidente de la BCE, afin de combler certains « manques », notamment la nécessité de réguler les crypto actifs négociables sans intermédiaires (à l’instar du bitcoin) ou les prêts de cryptomonnaies.

En outre, les stable-coin portent beaucoup d’espoirs pour la mise en place de cryptomonnaies d’État. Car les mêmes technologies couplées à des mediums de stockage à profil public, et une logique d’émission centralisée, permettraient de mettre en circulation une monnaie numérique complètement traçable et transparente. Limitant drastiquement les possibilités de fraude. Tout cela pour aboutir à l’antithèse de l’esprit « DeFi » des cryptomonnaies, anonymes et avec une gestion décentralisée, indépendante de toute action politique.

MiCA est une première version du cadre réglementaire. Il pose les principaux jalons et répond à un noyau d’exigences incontournables.

Les instabilités récemment connues sur ces actifs ont certainement entrainé une surréaction au moment de rédiger ce texte. Il faudra l’ajuster pour aboutir à une version efficace et voir émerger un marché sûr et compétitif. Faute de quoi, les investisseurs ayant une appétence pour les cryptomonnaies iront prendre des risques ailleurs (Malte, USA, Canada …), et ce règlement passerait à côté de son objectif.

Mardi 22 Novembre 2022




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