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Couvrez ces paradis fiscaux que nous ne saurions voir

Alors que la question des abus des paradis fiscaux se pose avec de plus en plus d’acuité (1), il n’est pas inintéressant de voir comment se positionnent les enseignes des banques sur le sujet.


De nombreux acteurs du secteur financier tout en se targuant de RSE pour dénoncer les paradis fiscaux en réalité s’en accommodent.

C’est en tout cas ce que montre l’analyse sémantique de développements faits sur le site internet de la Société générale au sujet la RSE au sein du groupe (2)

Comme la plupart des enseignes bancaires, la Société Générale communique sur la RSE (Cf. www.socgen.com/rse. Dans les thématiques transversales se trouve l’éthique, qui comporte trois rubriques :
- un dispositif déontologique étoffé,
- Code de Conduite, et
- Centres financiers offshore et paradis fiscaux.

Cette dernière rubrique, qui expose la position du Groupe Société Générale sur les centres financiers offshore et paradis fiscaux, conduit à envisager une autre approche pour lutter contre les abus des paradis fiscaux.

La position représentative du Groupe Société Générale sur les centres financiers offshore et paradis fiscaux

Après un rappel des différences d’approches entre le FMI, l’OCDE (3) et le GAFI, le Groupe Société Générale expose une résolution ferme dans un avant dernier paragraphe :

Le groupe Société Générale a définit de strictes règles internes afin d’éviter toute implantation dans un pays considéré par l’OCDE comme ayant des pratiques fiscales dommageables ou par le GAFI comme disposant d’un dispositif de lutte contre le blanchiment insuffisant

Or cette résolution est annulée par le dernier paragraphe :

Le Groupe ne s’interdit cependant pas toute présence dans ces pays dès lors qu’y est développée une activité bancaire et financière effective répondant au besoin économique de la clientèle locale ou internationale, comme c’est le cas par exemple à Monaco.

Monaco figure sur la liste de l’OCDE des rares pays ayant des pratiques fiscales dommageables ; par ailleurs le GAFI manque de rigueur : on rappellera que le dernier rapport annuel 2006-2007 mentionne au paragraphe 56 que le GAFI a accepté un « don généreux » d’un Etat membre (4) alors qu’il ne s’agit pas d’un financement reconnu au paragraphe 57 du même rapport pour la raison qu’un tel financement est de nature à compromettre son aptitude à examiner les problèmes librement, en profondeur et objectivement (5). On rappellera aussi que dans le même rapport annuel le GAFI précise au paragraphe 46 qu’il n’hésitera pas à prendre des mesures si un pays présente une « menace sérieuse » pour les efforts déployés au niveau international pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, ce qui laisse entendre une marge de tolérance puisque la « menace simple » (par opposition à la « menace sérieuse ») n’entrainera pas de mesure. Tout cela est dit par GAFI qui fixe lui-même la crédibilité (ou le manque de crédibilité) de son action.

Surtout le dernier paragraphe de la société générale annule le précédent : un centre offshore ou un paradis fiscal par définition a développé une activité bancaire et financière effective répondant au besoin économique de la clientèle locale ou internationale.
C’est inhérent à la fonction même de centre offshore ou de paradis fiscal.

Devant la tolérance tant des institutions internationales que des enseignes pour la fiscalité attractive et le secret bancaire avec les dérives associées, il faut envisager une nouvelle approche.

Vers une nouvelle approche

Traiter la question des paradis fiscaux demande en effet un changement d’approche car la règle de primauté du business sur l’éthique domine bien, en réalité. Dans ce contexte l’approche par la fiscalité ou le secret bancaire (harmonisation de la fiscalité, fin du secret bancaire) conduit à une impasse car elle resserre les liens entre les places et les professionnels pour faire pression et résister.

- C’est très clairement ce qui ressort d’une réponse datée du 24 juillet 2007 du ministre luxembourgeois Luc Frieden à une question parlementaire du député Laurent Mosar en date du 3 juillet 2007 sur l’initiative des sénateurs américains : A la mauvaise question « Quelles démarches sont envisagées afin de préserver les intérêts de la place financière ? » (6), le ministre a répondu que « Le Gouvernement est en contact avec les représentants étatiques d'autres centres financiers internationaux réputés repris sur la liste de la proposition de loi, afin d'échanger des vues sur la meilleure approche à suivre ».

- C’est ce même Luc Frieden qui était allé soutenir la Suisse suite aux propos d’A. Montebourg de janvier 2007 contre les « pratiques prédatrices» des « paradis fiscaux suisses », ce qui avait faire dire à son homologue suisse que « La Suisse et le Luxembourg ont des places financières fortes et donc des intérêts communs » (7)

Pour lutter contre les abus, au lieu de stigmatiser la fiscalité ou le secret bancaire, il faudrait au contraire casser les solidarités en mettant en exergue le manque de crédibilité des discours d’éthique et de RSE des places et des professionnels, et faire en sorte qu’accepter le soutien d’une place négligente et/ou soutenir une place négligente deviennent un risque pour la réputation et détourne les investisseurs ; s’agissant des professionnels (banques et auditeurs notamment) accepter le soutien d’un professionnel négligent et/ou soutenir un professionnel négligent devraient également devenir un risque pour la réputation et détourner les parties prenantes.

Comme le dit Christian Maréchal, « derrière la façade d’honorabilité, s’il y a un autre monde, il est difficile de faire coexister constamment et complètement les deux mondes ; à un moment, une erreur se produit, quelque chose n’est plus compatible » (8). C’est cet autre monde qu’il convient de mettre en lumière pour les parties prenantes et il n’est point besoin de recourir à de l’information interne des entreprises : communiqués de presse des organisations, interviews de leurs dirigeants, jugements des tribunaux, actes de droits de société, etc. sont autant de sources informations pour mettre en évidence le décalage entre une façade d’honorabilité et une pratique non-conforme à ce discours conduisant à n’accorder aucun crédit aux engagements.

Il s’agit ainsi par une approche de type intelligence économique légale, de forcer une vraie régulation entre les places et les professionnels des places en mettant un terme à une tartufferie et un « esprit de corps » qui annihilent le « nettoyage » salutaire du secteur financier.

(1) On peut penser à l’initiative de sénateurs américains républicains et démocrates avec le Stop Tax haven Abuse Act et plus récemment à l’affaire du Liechtenstein soulevée par l’Allemagne
(2) Le groupe est sans doute représentatif du secteur financier ainsi qu’il l’est pour la réalité de la maîtrise des risques et des contrôles.
(3) La page n’est pas gérée car elle liste cinq pays sur la liste des paradis fiscaux non coopératifs de l’OCDE alors qu’il n’en reste que trois
(4) Il s’agit du« don généreux » du Luxembourg dont le ministre de la justice déclarait il y a quelques mois devant des professionnels de la place luxembourgeoise « Est-ce qu'une grande place financière comme la nôtre doit exagérer un peu ou bien être plus laxiste au risque de laisser passer quelques scandales ? Oui, il peut arriver que nous ayons exagéré certaines procédures, mais c'était dans une tendance générale en Europe. J'espère que nous n'avons pas mal fait et qu'il est encore possible de revenir en arrière. Je ne veux surtout pas que l'on dise que nous ne faisons plus rien et je suis prêt à abandonner certaines exigences si cela s'avère nécessaire » (« Haro sur les procédures », Paperjam, 29 juin 2006)
(5) Cf. principe 6 de Transparence Internationale
(6) La bonne question eût été : « Que faut-il faire pour éviter que la place financière ne soit mis en cause périodiquement dans des affaires internationales ? »
(7) Cité par Swissinfo du 10 janvier 2007
(8) Ch. Maréchal, Meurtres à l'ombre de la qualité. Paris, INSEP, 2002, page 49

Lundi 24 Mars 2008




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