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Contentieux lié à l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité et notion de groupe

Cass. com. 27 mai 2014 n° 13-14.956 (lien ci-dessous).


Le règlement CE n°1346/2000 du 29 mai 2000 a instauré un régime commun à tous les États membres de l’Union européenne, afin d’harmoniser le traitement des entreprises en difficultés.

L’un des principaux apports de ce règlement est le principe de reconnaissance mutuelle des procédures d’insolvabilité [1]. Ainsi lorsqu’une juridiction d’un État membre a pris une décision en faveur de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité, les autres États membres doivent reconnaître cette décision, à l’instant même où celle-ci produit ses effets dans l’État d’ouverture.
Si les juridictions des autres États membres disposent toujours de la possibilité d’ouvrir une procédure secondaire d’insolvabilité, celle-ci est limitée aux biens du débiteur situés sur le territoire de cet État [2].

Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 27 mai 2014 est venu réaffirmer ce principe pour les personnes physiques (I) qu’il est intéressant de mettre en parallèle avec le sort réservé aux « groupes » de sociétés (II) dont la définition devrait être clarifiée prochainement au niveau européen.

I. L’affirmation du principe de « priorité » de la première décision d’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité
En l’espèce, une personne physique a demandé, le 16 juillet 2007, l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à son encontre auprès d’un tribunal de grande instance en France. Celui-ci s’est déclaré incompétent, après avoir relevé que les intérêts principaux du demandeur étaient localisés en Allemagne. La Cour d’appel et la Chambre commerciale de la Cour de cassation ont à leur tour rejeté cette demande, après avoir reconnu qu’une décision d’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité avait été rendue « entre temps » par une juridiction allemande, le 06 novembre 2008.

La chambre commerciale de la Cour de cassation, en confirmant la décision de la Cour d’appel, se conforme à la jurisprudence constante.[3]. Elle réaffirme ainsi le principe, selon lequel, lorsqu’une décision a ouvert une procédure principale d’insolvabilité dans un État membre de l’Union européenne et qu’une instance est en cours au sujet de l’ouverture de la procédure devant une juridiction d’un autre État membre, le conflit juridictionnel de compétence territoriale se résout en faveur de la décision d’ouverture déjà rendue. Les différentes dates de « saisine » des juridictions importent peu [4].

II. La portée de l’arrêt pour les groupes de société
Il est apparu intéressant de confronter cette jurisprudence à la notion de « groupe », car en matière d’ouverture de procédure collective, l’existence de groupes internationaux pose certaines difficultés. A ce jour, le règlement européen ne prévoit pas de dispositions particulières relatives aux groupes de sociétés, notion qui n’est également pas juridiquement reconnue en droit français.
Dès lors, faut-il considérer le groupe comme une entité, où les filiales sont assimilées à des établissements de la société mère ou faut-il prendre en compte les différentes sociétés du groupe comme des entités autonomes ?

La portée du principe posé par la décision de la Cour de cassation apparaît différente en fonction de la solution qui serait retenue. En effet, (option 1) si le groupe est considéré comme « une entité », la procédure principale ouverte au lieu du centre des intérêts principaux du groupe dans son ensemble devra être prise en compte pour les filiales. Ainsi, celles-ci ne pourraient que faire l’objet d’ouverture de procédure secondaire dans leur État d’origine.[5]

Par contre, (option 2) si chaque société composant le groupe est considérée comme une « entité autonome », l’ouverture d’une procédure principale à l’encontre de l’une d’entre elles n’aura pas d’incidence sur les autres, qui ne se verront pas opposer cette première décision d’ouverture. Chaque société pourra ainsi faire l’objet de l’ouverture d’une procédure collective principale dans l’État de son siège statutaire.

Le règlement européen ne définit pas la notion de groupe et l’article 3 paragraphe 1 prévoit simplement une « présomption » du centre des intérêts principaux de la personne morale au lieu de son siège statutaire.

La Cour de justice de l’Union européenne est allée un peu plus loin en 2006 et a reconnu que le lieu du centre des intérêts principaux du « groupe » n’était retenu pour les filiales, que si des éléments « objectifs » et « vérifiables » par les tiers permettaient de situer le centre des intérêts principaux de la filiale au même lieu que celui du groupe[6].

Sans trancher le débat, la réforme récente du droit des entreprises en difficulté français s’inspire de la pratique (EMETEC, Petropus, etc.) et organise la notion de « coopération » entre organes de la procédure (art. L 662-2 du Code de commerce) pour permettre tantôt un regroupement des affaires devant une même juridiction ou la désignation d’un mandataire « coordinateur ».

Pour plus de sécurité juridique, et face à des organisations de plus en plus complexes, il est donc souhaitable que la révision en cours du règlement européen sur l’insolvabilité permette un meilleur traitement des difficultés rencontrées par le groupe. La proposition de modification en date du 18 décembre 2012 qui prévoit une définition des groupes d’entreprises : « constituant un ensemble d’entreprises composé d’une société mère et de filiales » ; la société mère étant qualifiée par la détention d’une majorité de droits de vote et d’une influence sur la nomination et la révocation des dirigeants de la filiale, semble aller dans le bon sens.

À suivre !

Cass. com. 27 mai 2014 n° 13-14.956 :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029015454&fastReqId=1763178781&fastPos=1

[1] Article 16 Règlement CE n°1346/2000 du 29 mai 2000
[2] L’article 26 du Règlement CE n°1346/2000 prévoit également qu’un État membre puisse refuser de reconnaître une décision d’ouverture de procédure rendue dans un autre État membre, si celle-ci produit des effets manifestement contraires à son ordre public.
[3] CA Versailles, 04 septembre 2003, n° 2003-05038 ; Tribunal de commerce de Nanterre, 19 mai 2005, n° 2005P00666
[4] La loi applicable à une procédure en cours ne s’applique pas aux instances en ouverture d’une procédure d’insolvabilité.
[5] Tribunal de commerce de Nanterre, EMTEC, 15 février 2006, n° 2006P00149 ; Affaire Eurotunnel (voir. Dammann R., Podeur G., L’affaire Eurotunnel : première application du règlement CE n°1346/2000 à la procédure de sauvegarde, Recueil Dalloz 2006, p. 2329)
[6] Cour de justice des communautés européennes, Eurofood IFSC Ltd, 2 mai 2006, C-341/04

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