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Comment sortir de la crise

Au fur et à mesure où la crise devient plus profonde, il apparait nécessaire d’identifier des mesures nationales ou internationales, qui seraient susceptibles de favoriser une sortie de crise.

A cette fin nous avons interviewé Bernard Marois, Professeur Emérite, en finance, à HEC. Il est par ailleurs, conseiller auprès d’Easybourse (site d’information financière et boursière) et actionnaire (minoritaire) d’un certain nombre de « start-ups ».


CFO-news : Bernard Marois bonjour, rappeler-nous les différents épisodes de la crise actuelle ?

Bernard Marois
Bernard Marois
Bernard Marois : Celle-ci a trouvé son origine dans la crise immobilière américaine : les prix des maisons individuelles ayant commencé à chûter, les ménages en difficulté sont devenus insolvables ; or ceux-ci avaient contracté des emprunts immobiliers adossés à la valeur de leur maison et non à leur capacité de remboursement. Leur défaut de paiement s’est répercuté sur l’ensemble du secteur bancaire mondial, parce que ces créances immobilières avaient été titrisées et ces titres (CDOs pour la plupart) revendus à des banques tierces non seulement américaines, mais également européennes ou japonaises. La crise, au départ immobilière (il y en a tous les 10 ou 15 ans) s’est transformée en crise bancaire.

N’oublions pas qu’en parallèle, nous avons également connu une spéculation sur les matières premières, pétrole compris, qui a provoqué un regain d’inflation (par les coûts) et donc un relèvement des taux d’intérêt.

La crise bancaire s’est traduite par un ralentissement des financements de l’économie (crédits à la consommation, prêts aux entreprises), accompagné d’une augmentation des taux d’emprunt, ce qui a entrainé une baisse forte de la croissance. L’entrée en récession de plusieurs pays (Etats-Unis, Allemagne, etc.) a précipité l’arrivée d’une crise économique mondiale qui n’épargne pas les pays émergents. C’est à ce stade que nous nous trouvons actuellement.

Que faut-il faire pour sortir de la crise ?

Il faut distinguer deux dimensions, l’une temporelle (court terme et moyen/long terme), l’autre spatiale (niveau national et international).

Commençons par le court terme. Quelles solutions faut-il adopter ?

Au niveau de chaque pays, les interventions indispensables de l’Etat vont concerner deux secteurs : le secteur financier (banques et compagnies d’assurance) et les secteurs industriels menacés. On peut dire que la plupart des pays ont fait le nécessaire dans ce domaine.
Si on prend l’exemple de la France, on peut citer :
- Pour ce qui est des banques, l’Etat a prévu 10.5 milliards pour les recapitaliser et 320 milliards pour relancer, en les garantissant, les crédits aux entreprises et aux ménages, à travers les guichets bancaires.
- Du coté des entreprises, il y a d’une part, des mesures générales (10.5 milliards à investir en direct et 11.4 milliards de soutien à la trésorerie des entreprises, et d’autre part, des mesures sectorielles (2 milliards pour le logement et l’industrie automobile).
- A cela s’ajoutent des mesures pour l’emploi (aide à l’embauche pour les entreprises de moins de 10 salariés par exemple et pour relancer la consommation (versement d’une prime de solidarité active de 200 euros aux futurs bénéficiaires du RSA).
- Dans les autres pays, les mesures sont dosées différemment : ainsi, en Grande-Bretagne, choix en faveur d’une nationalisation de certaines banques et baisse de la TVA de 2.5 points.

Et pour ce qui est du moyen terme ?

Il ya deux mesures à introduire progressivement. Il faut d’abord mieux règlementer les secteurs bancaires nationaux. Il est clair que ce sont les Etats-Unis, principal responsable de la crise financière, qui doivent faire le plus gros effort. Deux dispositifs doivent, en particulier, être élaborés : subordonner l’attribution de crédits immobiliers à la solvabilité du client et non pas de la valeur du collatéral (la maison achetée), comme cela a été le cas dans le passé. Ensuite, il faut limiter l’effet de levier des banques d’affaires (on se souviendra qu’au moment de la faillite, Lehman Brothers disposait d’un effet de levier de 30, c'est-à-dire que les dettes de l’établissement bancaire étaient égales à 30 fois les capitaux propres !)
L’autre point, c’est une plus grande transparence de certaines opérations financières, en particulier, toutes les opérations de gré-à-gré (CDOs, CDSs, etc.), qu’il faut pouvoir recenser et contrôler, en les enregistrant auprès de chambres de compensation ad hoc.

Et que faut-il faire, au niveau international ?

De mon point de vue, trois initiatives importantes devraient être prises assez rapidement :
1) Il faut repenser le statut des agences de notation.
Celles-ci se sont retrouvées en porte-à-faux, lors de l’évaluation des CDO, des SIV (« Special Investment Vehicules ») ou des sociétés « monoline » (« rehausseurs de crédit »), dans la mesure où elles n’ont pas su percevoir le risque réel de ces produits ou entités. Fondamentalement, l’objectivité de ces agences peut être biaisée par le fait qu’elles sont rétribuées par les émetteurs et non par les investisseurs !
Une solution serait de créer des agences indépendantes rémunérées par un organisme international, tel que le F.M.I.

2) Il est indispensable de renforcer la gouvernance mondiale. Dans ce domaine, 3 pistes de réflexion peuvent être explorées :
- Les paradis fiscaux
Une négociation pourrait les inciter à mieux collaborer avec le reste du monde, en les menaçant de taxer toutes les transactions vers ces pays, en cas de refus d’obtempérer.
- Les aides financières aux pays en difficulté
Elles seront mises en place par un FMI rénové.
- Les matières premières agricoles
Dans la mesure où elles sont déterminantes dans la lutte contre la faim et la pauvreté, il est criminel de laisser le champ libre aux marchés (et en particulier aux « commodities derivatives », produits dérivés sur matières premières)
Il faut donc réactiver les accords de stabilisation des produits agricoles, avec constitution éventuelle de stocks régulateurs et arbitrage sur les marchés.

3) Enfin, il serait très utile de rénover le FMI (Fonds Monétaire International)
Il faut, bien sûr, augmenter ses ressources pour lui permettre d’intervenir, sur un nombre plus grand de pays avec des « munitions » plus conséquentes, éventuellement de concert avec d’autres organismes appropriés (par exemple au côté de l’Union Européenne, pour aider la Hongrie) ou, au contraire, en solitaire (Islande, Pakistan, etc.)
Par ailleurs, il devrait élargir ses attributions. On peut penser à la création d’une filiale dédiée à l’activité de notation (point mentionné précédemment) et d’une autre consacrée aux matières premières agricoles.

Comment voyez-vous les deux prochaines années ?

Il est clair que 2009 sera difficile, mais la France n’est pas forcément la plus mal placée : son secteur bancaire est plutôt plus solide que celui de ses concurrents, le marché immobilier n’a pas connu la même folie spéculative que les Etats-Unis ou l’Espagne, la consommation résiste mieux que chez nos voisins (les prévisions économiques semblent le confirmer).
Ceci étant, il faudra attendre 2010, pour voir un retour de la croissance, dans un environnement qui sera différent de celui que l’on a connu précédemment.

C'est-à-dire ?

Une économie plus tournée vers le développement durable (la « greentech » sera peut-être la prochaine bulle !), une finance mieux contrôlée et un effort plus marqué vers les PME, source de création d’emplois, sans oublier le développement de l’économie solidaire (« social business », ONG, etc.)

Merci, Monsieur Marois pour ces commentaires et à très bientôt dans un nouveau numéro de CFO-news.

© Copyright CFO-news. Propos recueillis par la rédaction de CFO-news


Mardi 16 Décembre 2008




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