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Changements climatiques et RSE : Quels Bilans 2010 ?

L’actualité de cette fin d’année 2010 en témoigne, il en est de la Responsabilité Sociale des Entreprises comme des changements climatiques. Entre impuissance et espoir, optimisme tempéré, doute ou déception, le citoyen ordinaire que nous sommes tous ne sait plus ce qu’il en faut en penser, ni à quel saint se vouer, tant les commentaires des experts et observateurs concernant ces deux dossiers importants pour l’avenir du monde et de notre planète diffèrent et divergent, quand ils ne sont pas diamétralement opposés. Peut-on dès à présent tirer un bilan - provisoire - de l’année 2010 ?


Constant Calvo
Constant Calvo
Prenez la RSE par exemple. On a assisté à la naissance au 1er Novembre 2010 de la première Norme Internationale ISO 26000. On était en droit de penser que cette nouvelle allait provoquer un immense élan d’enthousiasme. Que nenni. En réalité, elle n’a semble-t-il suscité, jusqu’à présent, qu’un enthousiasme mesuré, que de la curiosité. Prudence. Wait and see. En revanche, elle a généré beaucoup d’attentes, et autant de craintes que de questionnements. Il faut sans doute donner à l’ISO 26000 le temps de montrer ses beaux atours et les bénéfices qu’elle peut apporter, et surtout lever les ambiguïtés et les résistances.

La Chine est l’un des pays signataires de la Norme, alors que d’autres pays tels que les USA, l’Inde et la Turquie ont refusé de l’adopter. Ne feignons pas l’étonnement et ne soyons pas non plus naïfs. Le paraphe des autorités chinoises est d’abord affaire de politique, de realpolitik qui plus est. La Chine est devenue l’un des pays où l’on parle le plus de responsabilité sociale des entreprises. Encore faut-il savoir, qu’en Chine, la RSE n’est pas portée par la pression de la société et l’engagement volontaire des entreprises, mais par l’État. Autrement dit, en Chine, la RSE n’est rien d’autre qu’un instrument et une arme au service de la politique étrangère, laquelle est fondée sur le seul calcul des forces et de l’intérêt national.

D’aucuns penseront sans doute que l’adoption par la Chine de la Norme ISO 26000 est somme toute une bonne nouvelle, dans la mesure où les autorités chinoises vont se sentir obligées d’acter leur engagement.

En cette période de fêtes de fin d’année, pourtant, pour ne mentionner que l’Industrie du Jouet, lorsqu’on sait que plus de 90% des jouets importés en Europe sont fabriqués en Chine, et que, selon les ONG, au cours de leur production les Droits de l’Homme et des travailleurs sont souvent bafoués, que dans la plupart des usines les jeunes femmes ouvrières s’épuisent à la tâche pour des salaires de misère, qu’elles sont contraintes de vivre dans des dortoirs d’usine, qu’elles ne reçoivent pas de contrat de travail, travaillent jusqu’à 15 heures d’affilée, ne bénéficient pas de la sécurité sociale et sont punies d’amendes si elles se rendent fréquemment aux toilettes ou parlent trop souvent avec leurs collègues, il est légitime de se poser la question de la crédibilité de cette signataire des autorités chinoises comme de la légitimité de la Norme elle-même, ou de sa capacité à faire évoluer les pratiques des entreprises transnationales impliquées.

La Norme ISO 26000 va-t-elle réussir à s’imposer ? Va-t-on réussir tant bien que mal à moraliser le capitalisme ? Les entreprises qui constituent l’Industrie du Jouet vont-elles continuer à ignorer ou feindre d’ignorer cette situation ?

La situation des usines de fabrication de jouets chinoises est, du point de vue des Droits de l’Homme, à ce point grave et critique, pour ne pas dire insupportable, que l’Association Peuples Solidaires a lancé le 21 Septembre 2010 une pétition en direction de la Fédération Internationale de l’Industrie du Jouet. Elle lui demande, en substance, de corriger son code de conduite et de s’assurer de sa bonne application par ses entreprises membres et les usines qu’elle certifie.

L’association exige que les ouvriers reçoivent un salaire vital (plutôt qu’un salaire minimum) ; qu’ils ne travaillent pas plus d’heures que ce que prévoit la loi chinoise du travail ; que ses entreprises membres changent leurs pratiques d’approvisionnement en payant davantage et en prévoyant des délais plus longs pour la fabrication des jouets ; que les violations des droits des travailleurs ne soient tolérées à aucun niveau de la chaîne d’approvisionnement.

Du côté de Cancun, les perspectives ne paraissent pas meilleures. le Sommet mondial qui a réuni 200 pays s’est terminé par un texte de compromis qui, bien qu’il entérine la création d’un Fond vert pour l’aide aux pays en développement et concrétise le programme REDD (le Fonds de partenariat pour la réduction des émissions de carbone forestier des Nations Unies ) sur la déforestation, ne permettra pas, au grand dam des ONG, de limiter l’augmentation de la température mondiale à 2°C d’ici 2050. Cancun est un demi-succès ou un demi-échec. Comme on voudra. Pas de quoi pavoiser en tout état de cause.

Les nouvelles en cette fin d’année ne sont pourtant pas toutes de cet acabit, ni même mauvaises. Le Rapport sur le Développement Humain 2010 , paru en Novembre 2010, par exemple, publié pour le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), contient parmi ses 260 magnifiques pages, riches d’observations, de commentaires, réflexions, statistiques, et autres analyses - soit une mine d’informations qui ne demande qu’à être exploitée -, de véritables raisons d’espérer. A lire de toute urgence.

On peut notamment y lire ceci dans son préambule : « Les 20 dernières années ont vu des progrès substantiels dans bien des aspects du développement humain. La plupart des gens sont aujourd’hui en meilleure santé, vivent plus longtemps, sont mieux éduqués et ont un plus large accès aux biens et aux services. Même dans les pays qui connaissent des conditions économiques défavorables, l’éducation et la santé des gens se sont grandement améliorées. Et ces progrès ne se sont pas limités à la santé, à l’éducation et à l’élévation des revenus mais ont aussi concerné la faculté des gens à choisir leurs dirigeants, à influencer les décisions publiques et à partager le savoir. »

Revenons un instant à la RSE. On se doutait depuis belle lurette - c’était un secret de Polichinelle - que les grandes entreprises faisaient l’impasse sur nombre de leurs activités et, par conséquent, sur la lisibilité et visibilité des informations qu’elles distillent savamment dans leur Rapport Développement Durable. Or, le Comité catholique contre la faim et le développement-Terre Solidaire (CCFD) qui a passé au crible les rapports d’activité 2009 des 50 plus grandes entreprises européennes, a rendu ses conclusions le 7 décembre 2010.

Horreur et cauchemar ! Où l’on apprend notamment que, s’agissant de leurs implantations et activités dans les paradis fiscaux, les cinquante plus grandes entreprises européennes y comptent 4706 filiales. Fichtre! Ce n’est pas rien. Mathilde Dupré, de la CCFD a précisé que ces activités off-shore totalisent « près de 800 milliards d’euros, soit 10 fois l’aide au développement, et qui représente un manque à gagner de 125 milliards d’euros de recettes fiscales des multinationales pour les pays en développement. »

Faisons un rêve. Que n’aimerions-nous pas lire un jour : « Les 20 dernières années ont vu des progrès substantiels dans bien des aspects du réchauffement climatique et de la responsabilité sociale des entreprises. » !

Constant Calvo, Directeur associé ADHERE RH
http://blog.adhere-rh.com

Jeudi 16 Décembre 2010




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