Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts, sauf si...

Nous l'avons constamment souligné depuis des années, et notamment au lendemain de la crise de 2008-2009 : les crises font partie de la vie économique. Il ne faut donc pas en avoir peur mais les appréhender comme des phases de mutations et d'opportunités. De la sorte, pour les pays, les entreprises et les particuliers qui ont réussi à les affronter comme telles, elles leur permettent d'en sortir gagnants et même renforcés. Comme disait Friedrich Nietzsche « ce qui ne me tue pas me rend plus fort ».


Marc Touati
Mais attention, cette réussite suppose deux conditions sine qua non. D'une part, savoir tirer les leçons des erreurs passées pour ne pas les rééditer. D'autre part, posséder une capacité d'adaptation à toute épreuve. C'est d'ailleurs là que résident les principales forces du système capitaliste depuis le XVIIème siècle et plus globalement de l'homo-economicus. A l'inverse, si le dogmatisme et le refus des réformes priment, l'échec est au bout du chemin.

Ainsi, au lendemain du dramatique krach de 1929, alors qu'ils étaient au bord de la faillite généralisée, les Etats-Unis ont pu redémarrer grâce à une profonde remise en question de leur modèle économique et à la création du New-Deal, basé sur la première relance keynésienne de l'Histoire. Le principe est relativement simple : lorsque les forces naturelles de l'économie ne parviennent pas à l'équilibre et qu'un excès d'offre s'installe, l'Etat doit venir à la rescousse pour relancer la demande, et notamment l'investissement. Cela crée un effet accélérateur, qui permet de relancer de nouveaux projets d'investissement et d'emploi du secteur privé. La croissance redémarre alors nettement, permettant d'accroître les recettes fiscales, qui viennent combler alors le déficit public initialement suscité par la relance. C'est grâce à cette révolution que les Etats-Unis ont pu sortir de la crise dès la seconde partie des années 1930.

A l'inverse, l'Europe n'a pas su s'adapter à la nouvelle donne et n'a pu sortir de la crise que par le scénario du pire, en l'occurrence la seconde guerre mondiale. Au lendemain de cette dernière, l'Europe n'a heureusement pas fait la même erreur. Elle n'en avait d'ailleurs pas le choix. Ainsi, les États-Unis ont engagé une politique de relance keynésienne à l'échelle internationale, appelée plan Marshall. C'est en partie grâce à elle que le monde occidental a connu sa plus longue phase de croissance forte, de plein-emploi et de prospérité, appelée les « Trente Glorieuses ».

Malheureusement, tout a une fin et la recette-miracle des « Trente glorieuses » est devenu le poison des « Quarante Piteuses ». Ainsi, avec les chocs pétroliers des années 1970 et 1980, toute la belle mécanique de la relance keynésienne s'est effondrée. Pour une raison simple : l'inflation n'était plus seulement due à la demande, mais à un choc d'offre exogène et négatif, à savoir la flambée des cours pétroliers. Si bien que, dans leur quasi-totalité, les pays qui ont tenté une relance keynésienne n'ont connu que forte inflation, déficit extérieur élevé, dévaluation de leur devise, augmentation des taux d'intérêt et aggravation de la dette publique. C'est notamment ce qui se produisit en France, lorsque, faisant fi de cette nouvelle donne, le gouvernement Mitterrand de 1981 engagea une relance massive qui fut un échec cuisant.

Plus proche de nous, au lendemain de la crise de 2008, la planète dans son ensemble a mené une politique de relance budgétaire pharaonique pour un montant de 5 000 milliards de dollars. Un peu comme dans les années 1930 aux Etats-Unis, le succès a été au rendez-vous et la croissance mondiale a nettement rebondi. De plus, à la différence de 1981 en France, cette relance internationale n'a pas engendré une forte inflation pour la simple raison que les forces en présence à travers la planète étaient (et sont d'ailleurs toujours) déflationnistes.

En outre, grâce à l'action des Banques centrales, qui ont inondé les marchés obligataires de liquidités, les taux d'intérêt à long terme n'ont pas augmenté, et ont même baissé pour atteindre parfois des niveaux nuls, voire négatifs. La relance keynésienne a donc bénéficié d'un contexte parfait : faible inflation, politiques monétaires ultra-accommodantes et taux d'intérêt des obligations d'Etat excessivement bas.

Pour autant, une carence demeure : que ce soit aux Etats-Unis, au Japon, en Europe et en France, l'augmentation des dépenses publiques ne parvient plus à relancer fortement la croissance. Une relation inversée semble même s'imposer, puisque plus les premières progressent, plus la seconde devient molle.

En effet, si une politique uniquement tournée vers l'offre n'est pas opportune, il en est de même d'une politique focalisée sur la demande. Pour être efficace, une relance keynésienne doit aussi s'appuyer sur une économie modernisée et réactive. Or, l'augmentation des dépenses publiques s'accompagne trop souvent d'un accroissement de la pression fiscale, qui limite de facto l'investissement et la consommation, sans oublier l'emploi. D'où une augmentation du chômage, puis des déficits publics, donc de la dette et une moindre marge de manœuvre pour toute nouvelle relance budgétaire…

Voilà pourquoi les stratégies économiques focalisées sur l'augmentation des dépenses publiques sont aujourd'hui vouées à l'échec. Continuer de le nier (comme trop de dirigeants politiques le font encore en France) ne produira que de l'inefficacité économique et sociale, ainsi que de graves déceptions qui ne feront qu'accroître les tensions sociétales. Les dernières tristes semaines nous l'ont malheureusement confirmé. Ne l'oublions jamais : pour pouvoir sortir des crises par le haut, il faut savoir s'adapter, se remettre en question et moderniser ! Sinon, l'échec devient inévitable.

C'est en cela que la résilience récente de l'économie française ne peut être que temporaire. En effet, le rebond de croissance de ces derniers trimestres n'est qu'un effet de correction de la faiblesse passée, associé à un alignement des planètes exceptionnel. A présent que les planètes se désalignent (notamment via l'augmentation des cours des matières premières et de l'euro), la réalité structurelle va reprendre le dessus : trop de pression fiscale, trop de rigidités, un manque criant de modernisation du modèle économique et social hexagonal. Autant de handicaps qui engendreront un net ralentissement de la croissance française d'ici la fin 2016.


Marc Touati
Economiste.
Président du cabinet ACDEFI (premier cabinet de conseil économique et financier indépendant).

www.acdefi.com


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Lundi 13 Juin 2016


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