Bremain ou Brexit : Europe, prépare ton avenir !

A quelques jours du référendum britannique, dans une note intitulée Bremain ou Brexit : Europe, prépare ton avenir, l’Institut Montaigne appelle les responsables politiques français et européens à déployer sans délai une action ferme et coordonnée quelle que soit l’issue du vote.


En se basant sur une trentaine d’auditions, notamment de chefs d’entreprise, d’universitaires, de hauts fonctionnaires, de diplomates et de juristes, l’Institut Montaigne entend informer les citoyens européens et leurs dirigeants des conséquences politiques et économiques du Brexit (sortie) comme du Bremain (maintien) sur l’avenir de la construction européenne. Cette publication formule sept recommandations : une à mettre en œuvre au plus tard à l’occasion du Conseil européen du 28 juin, trois propositions en cas de Bremain et trois autres en cas de Brexit.

« La tenue même de ce référendum est le symptôme de l’incapacité de l’Union européenne à susciter une forte adhésion au projet commun. Que les Britanniques décident de rester ou de sortir, l’Europe doit se réinventer pour que le projet européen soit encore demain une réalité », déclare Laurent Bigorgne, directeur de l’Institut Montaigne.

Bremain : des conséquences à ne pas sous-estimer

L’accord du 19 février 2016 porte en lui les germes d’une intégration européenne moins aboutie et plus difficile à l’avenir. Il prévoit des évolutions majeures dans quatre domaines : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et la liberté de circulation.

La fin d’une « Union sans cesse plus étroite entre les peuples européens », la dissociation entre le marché unique et la zone euro, ou encore la limitation de la libre circulation des travailleurs, sont autant de risques qui doivent pousser les Etats membres à définir précisément et très rapidement le nouveau modèle dans lequel ils souhaitent inscrire l’avenir de l’Union.

L’accord concédé au Royaume-Uni contraint les Européens à ne plus esquiver certaines questions fondamentales et ouvre un nouveau chapitre de l’histoire de l’UE. Il marque probablement la fin d’une intégration européenne par le droit et pourrait acter un pas décisif dans la direction d’une UE au sein de laquelle existent et se développent des «cercles concentriques » ou une intégration « à la carte ».

Aucun des gouvernements européens ne semble préparé à la mise en place effective d’un nouveau modèle, qui reste entièrement à dessiner. La tentation sera grande de s’en tenir dans les prochains mois à un statu quo ou à des évolutions a minima. Pourtant, alors que le prix de l’inaction était déjà coûteux, ne pas penser ni prendre en main ces évolutions placerait l’Europe dans une situation dangereuse, qu’elle ne fera que subir.

Brexit : vers une dislocation de l’Europe ?

En cas de sortie du Royaume-Uni, l’incertitude politique pourrait paralyser l’UE durant plusieurs années et d’autres procédures de sortie pourraient même être envisagées.

Un risque immédiat sur les marchés financiers

Bien que de nombreux mécanismes européens aient été mis en place depuis la crise de 2008, les marchés financiers pourraient pâtir sévèrement d’un tel scénario. Il n’est pas à exclure que certains investisseurs souhaitent profiter de la situation pour « attaquer » les actifs européens les moins solides. La BCE comme la Banque d’Angleterre disposent aujourd’hui des outils nécessaires pour amortir des coups trop brutaux, néanmoins une baisse de la valorisation de nombreux marchés pourrait survenir.

Le budget de l’UE devra par ailleurs être modifié afin de compenser la contribution budgétaire nette du Royaume-Uni, pesant ainsi considérablement sur les autres Etats membres, sur leurs relations ou sur la qualité des politiques publiques et des institutions européennes qui subiront des coupes drastiques.

Le risque d’une crise politique

Les Etats membres de l’Union européenne risquent de se diviser profondément quant à la réponse à apporter au Royaume-Uni en cas de départ de celui-ci. Certains pourraient vouloir adopter une ligne

« dure » en n’octroyant au Royaume-Uni aucun accès au marché intérieur européen en dehors d’une possible adhésion à l’Espace économique européen. Cette position aurait l’avantage de ne pas inciter de nouveaux pays à vouloir quitter l’Union européenne. A l’inverse, d’autres pays plaideront pour une ligne plus conciliante afin de préserver leurs intérêts commerciaux mais aussi de conserver ce pays dans le giron européen.

La tentation du « détricotage »

Le Brexit serait le premier véritable recul de l’histoire de la construction européenne. Sans un contre-discours fort et audible, il pourrait devenir l’élément déclencheur d’une dislocation progressive de l’Union européenne. L’influence de la remise en question du projet européen sur les opinions publiques déjà gagnées par l’euroscepticisme et le risque de contagion à d’autres Etats-membres seraient significatifs. Chaque pays demanderait à son tour que lui soit accordé des dérogations ou des droits spécifiques ou déciderait même d’organiser son propre référendum afin de bénéficier des dividendes de l’UE sans en supporter les charges et la responsabilité.

Quel avenir pour la zone euro ?

Une sortie du Royaume-Uni de l’UE pourrait in fine permettre de clarifier la cohérence de la zone euro avec le périmètre du marché unique et serait aussi l’occasion de réfléchir à la manière de conduire à son terme l’intégration économique et de revisiter sa gouvernance économique. Cette opportunité ne pourra pas être exploitée sans une vision partagée et une volonté politique forte.

Afin de redonner confiance dans l’UE, les Etats membres et leurs dirigeants devront impérativement manifester une forte volonté politique, réaffirmer au plus vite la raison d’être de l’UE et son ambition. Pour ce faire, un nouveau discours européen devra nécessairement être porté par les différents gouvernements européens, et en premier lieu par ceux de la France et de l’Allemagne.

Dans les deux cas, pour regagner la confiance des peuples, l’Union européenne doit apporter des résultats tangibles et cesser de concentrer son énergie dans des débats institutionnels.

Sept recommandations pour réinventer l’Europe

Recommandation 1

Dans les jours qui suivront le référendum – au plus tard à l’occasion du Conseil européen du 28 juin -, les dirigeants européens devront immédiatement affirmer, ensemble, leur volonté de poursuivre la construction européenne. Ils devront définir au plus vite une feuille de route précise pour les prochains mois, afin de dissiper les incertitudes qui pèsent aujourd’hui sur l’avenir de l’Union européenne.

Recommandation 2

En cas de Bremain, les Etats membres devront exiger une interprétation stricto sensu de l’accord du 19 février dernier et refuser toute mise en œuvre extensive de celui-ci.

Recommandation 3

En cas de Bremain, les dirigeants européens devront sans délai, en réponse aux principales questions que pose l’accord du 19 février :

réaffirmer que l'abandon de l’objectif d’« Union sans cesse plus étroite » ne peut pas être étendu à d’autres Etats membres ;
réaffirmer que le principe de libre circulation des personnes, travailleurs compris, ne peut souffrir de nouvelles dérogations ;
exposer clairement la future articulation de l’Union économique et monétaire et du marché intérieur.

Recommandation 4

En cas de Brexit, il serait précieux que le président français et de la chancelière allemande, avec les dirigeants européens qui le souhaiteraient, interviennent conjointement et publiquement dans la foulée du scrutin. Cette déclaration commune prendrait d’abord acte de la sortie du Royaume-Uni et demanderait aux dirigeants britanniques d’en tirer immédiatement toutes les conséquences. En effet, l’Europe ne devrait en aucun cas se laisser dicter son agenda par un pays choisissant de la quitter.

Cette déclaration appellerait fermement à davantage d’intégration au sein de la zone euro : intégration fiscale ; intégration budgétaire renforcée – ce qui engagerait la France à conduire enfin les réformes économiques nécessaires - ; partage étendu de responsabilités communes – et l’Allemagne à envisager l’émission de dette européenne. Enfin, elle marquerait la volonté d’achever l’Union bancaire dans les meilleurs délais. Cet appel ne manquerait d’ailleurs pas d’être soumis aux citoyens français et allemands à l’occasion des échéances électorales prévues dans les deux pays en 2017.

Recommandation 5

En cas de Brexit, le gouvernement britannique devra prendre acte de la volonté des citoyens britanniques en décidant d’une mise en réserve des eurodéputés britanniques, des fonctionnaires des institutions européennes et du Commissaire européen britannique.

Il sera en outre inenvisageable que le Royaume-Uni assure la présidence de l’Union européenne qui doit lui échoir pour le deuxième semestre 2017.

Recommandation 6

En cas de Brexit, les dirigeants européens devront définir sans délai la durée, le contenu ainsi que les différentes étapes des négociations qui s’ouvriront avec le Royaume-Uni. Fixer clairement ce cadre est une condition indispensable pour éviter que des divisions entre les Etats membres n’empêchent l’Union européenne de faire prévaloir pleinement ses intérêts.

Recommandation 7

En cas de Brexit, l’Union européenne et les Etats membres qui la composent ne devront pas accorder au Royaume-Uni un statut plus favorable que celui des pays non membres de l’Union européenne et membre de l’Espace économique européen. Il faut ainsi rappeler qu’il n’est pas de statut plus profitable à un Etat que celui de membre de l’Union européenne.

Retrouvez l’ensemble de nos propositions ici :
http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/bremain-ou-brexit-europe-prepare-ton-avenir

A propos de l’Institut Montaigne
Association à but non lucratif, l'Institut Montaigne est un laboratoire d'idées créé en 2000. Il élabore des propositions concrètes autour de quatre axes de politiques publiques : action publique, cohésion sociale, compétitivité et finances publiques. Adressés aux pouvoirs publics, ses travaux sont le fruit d'une méthode d'analyse et de recherche ouverte sur les comparaisons internationales, rigoureuse et critique. L’Institut Montaigne réunit des chefs d'entreprise, des hauts fonctionnaires, des universitaires et des personnalités issues d’horizons très divers. Ses financements sont exclusivement privés, aucune contribution n'excédant 2 % d’un budget annuel de 3 millions d’euros. À travers ses publications et les événements qu’il organise, l'Institut Montaigne, think tank pionnier en France, souhaite jouer pleinement son rôle d'acteur du débat démocratique.

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Mardi 21 Juin 2016


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