Or virtuel, devise de la liberté, arnaque du siècle, on a tout entendu ou presque sur la monnaie électronique décentralisée conçue en 2009 par Satoshi Nakamoto. Le bitcoin a ses détracteurs. Il a aussi d’ardents défenseurs. Entretien avec Jon Matonis, membre fondateur de la fondation Bitcoin, à la conférence FinDating de Dukascopy à Genève.
On reproche au bitcoin d’être une devise non collatéralisée. Qu’en pensez-vous ?
Si vous vous présentez à la Federal Reserve avec un billet de 10 dollars, elle vous rendra deux billets de cinq dollars. Aucune devise n’est réellement collatéralisée par autre chose que la confiance que ses usagers lui attribuent. En cela, le bitcoin n’est pas différent des autres monnaies.
Le bitcoin a affiché une forte volatilité récemment. N’est-ce pas inquiétant ?
La volatilité du bitcoin est inférieure à celle du S&P mais il est exact que la liquidité est insuffisante d’où les écarts de cotation.
Vous décrivez le bitcoin comme l’équivalent virtuel des espèces, c’est-à-dire une monnaie impossible à contrôler. Cela ne risque-t-il pas de lui attirer les foudres des Etats ?
La monnaie est effectivement un instrument politique et une devise libre et décentralisée est potentiellement susceptible d’être considérée comme une menace. Nous en sommes bien loin. Pour que le bitcoin en arrive là, encore faudrait-il que son pool de liquidité soit suffisant. Le bitcoin n’a pas atteint la masse critique nécessaire pour présenter un quelconque danger. S’il l’atteignait un jour, nous assisterions vraisemblablement à des réactions politiques mais il resterait difficile d’éliminer un moyen d’échange entièrement décentralisé. Contrairement aux réseaux qui peuvent être bloquées par pression sur une ou plusieurs institutions (comme on l’a vu avec SWIFT pour l’Iran ou avec Visa pour Wikileaks), le réseau bitcoin repose sur des milliers de point de distribution indépendants très difficiles à contrôler.
Le bitcoin est-il un défi aux banques ?
Aux banques centrales certainement, mais pas aux banques commerciales qui peuvent le traiter comme une devise semblable aux autres.
A ce propos, il est question que le bitcoin puisse être ajouté à la liste des devises ISO.
Il est effectivement question que la norme ISO 4217 qui définit les codes à trois lettres des devises au niveau mondial, lui attribue le code XBT, la première lettre X signifiant qu’il n’a pas de pays émetteur. Comme l’or dont le code est XAU ou l’argent XAG.
Le bitcoin ne risque-t-il pas de devenir la monnaie d’échange du crime ?
Pas plus que n’importe quelle autre devise. L’essentiel des transactions associées à des activités criminelles sont négociées dans des devises officielles et nul ne reproche aux banques centrales qui les émettent d’être complices de ces crimes. D’ailleurs la saisie et la mise aux enchères des bitcoins saisis par la justice américaine auprès de Silk Road n’a en rien terni la réputation du bitcoin.
Comment les Etats essaient-ils de règlementer le bitcoin ?
Ils règlementent essentiellement ses points de contact avec leurs devises. Comme l’Australie qui frappe les achats de bitcoins d’une TVA. Avec pour résultat une fuite des bitcoins vers d’autres cieux.
Où voyez-vous le plus grand potentiel d’essor pour le bitcoin ?
Dans les pays dont les régimes monétaires sont carentiels. L’Argentine par exemple où le peso souffre de dévaluations continuelles et où il est interdit d’acheter de l’or. Le Venezuela est un autre exemple possible. Un autre terrain fertile est celui des pays où la quantité de cash à disposition des personnes est sévèrement contrôlée comme la France.
La limite de 21 millions ne signe-t-elle pas la mort du bitcoin à terme ?
C’est une limite arbitraire inscrite dans le code mais ce code est en open source. Si la majorité des utilisateurs décident de la modifier, elle peut l’être. Par migration virale au nouveau software un peu comme pour les médias sociaux. De la même manière que Facebook a remplacé MySpace. Argent et software sont viraux par nature.
Où sont les plus grands centres d’échange du bitcoin ?
A Hong Kong, en Chine et en Arménie. Ces trois pays présentant des risques de contrepartie, les centres d’échange se dirigeront dorénavant vers le Luxembourg. C’est d’ailleurs là que je transfère celui que j’ai créé, Globitex. L’Europe, avec son passeport financier, est un terrain favorable qui évite, comme aux Etats-Unis, la multiplicité des barrières légales. Les centres d’échange se développent aussi en Grande-Bretagne, à Gibraltar et dans l’Ile de Man. Souvent en association avec l’industrie des jeux.
La technologie du blockchain éveille l’intérêt des centres de règlement plus traditionnels.
Effectivement, les institutions financière s’y intéressent de plus en plus près pour les substituer à leurs techniques archaïques. La direction de SWIFT, par exemple, a créé un département dédié à la technologie bitcoin.
Vous aviez songé faire de Genève le siège de la Bitcoin Foundation. Pourquoi est-elle à Londres ?
Genève était en effet l’une de nos deux préférences mais nous avons jugé les coûts trop élevés.
Interview réalisée par N. de Joncaire - AGEFI Suisse.
Euro et bitcoin aux extrêmes opposés du concept de devise
Difficile d’imaginer deux angles plus radicalement différents sur les devises que ceux présentés par Otmar Issing et Jon Matonis à la conférence FinDating organisée par la banque Dukascopy vendredi. D’un côté un ancien chef économiste et membre du Conseil de la Banque Centrale Européenne. De l’autre un membre fondateur de la fondation Bitcoin. La position de la devise centralisatrice ultime contre celle de la monnaie totalement décentralisée.
Otmar Issing était là où l’on attend un banquier central européen, de surcroit allemand: l’euro est irréversible (il n’y a d’ailleurs aucune clause de bail out dans le traité de Maastricht), les pays-membres doivent prendre leurs responsabilités et s’aligner sur leurs engagements, sinon ils seront sanctionnés. Il rappelait - non sans une certaine justesse - que les maux attribués à l’euro sont souvent du fait des défaillances structurelles de la gouvernance des Etats. Sur les 30 dernières années, le chômage espagnol a frisé les 30%, bien avant l’arrivée de la monnaie unique. Trop facile d’accuser l’euro qui est une sorte de club dont il faut accepter les règles sinon gare.
Le Bitcoin est évidemment une toute autre affaire. Protocole de réseau distribué (Bitcoin) ou monnaie parallèle (bitcoin)? Les deux évidemment. A la fois algorithme génial et moyen d’échange, répondant exclusivement aux lois de l’offre et de la demande sans autres contraintes que celles intégrées dans les logiciels open source. La force du bitcoin est celle des espèces: respect de la vie privée, règlement instantané, irréversibilité des transactions, traçabilité minimale, fongibilité … et coût de transactions internet pratiquement nuls. De quoi faire peur aux gouvernements qui perdraient un outil de contrôle précieux de leurs populations en cas de succès malgré un pool de liquidité qui sera limité puisque le programme de base ne prévoit l’émission que de 21 millions de bitcoins.
C’est la première fois que Dukascopy assortit sa désormais célèbre soirée mensuelle d’une conférence financière. Participaient à l’évènement des représentants des autorités de contrôle financières turques, chypriotes et maltaises. SIX Financial Information et le groupe Banque Baring Brothers Sturdza s’étaient joints aux sponsors.– (NJN)
Article publié dans le cadre du partenariat éditorial AGEFI Suisse/FINYEAR.
On reproche au bitcoin d’être une devise non collatéralisée. Qu’en pensez-vous ?
Si vous vous présentez à la Federal Reserve avec un billet de 10 dollars, elle vous rendra deux billets de cinq dollars. Aucune devise n’est réellement collatéralisée par autre chose que la confiance que ses usagers lui attribuent. En cela, le bitcoin n’est pas différent des autres monnaies.
Le bitcoin a affiché une forte volatilité récemment. N’est-ce pas inquiétant ?
La volatilité du bitcoin est inférieure à celle du S&P mais il est exact que la liquidité est insuffisante d’où les écarts de cotation.
Vous décrivez le bitcoin comme l’équivalent virtuel des espèces, c’est-à-dire une monnaie impossible à contrôler. Cela ne risque-t-il pas de lui attirer les foudres des Etats ?
La monnaie est effectivement un instrument politique et une devise libre et décentralisée est potentiellement susceptible d’être considérée comme une menace. Nous en sommes bien loin. Pour que le bitcoin en arrive là, encore faudrait-il que son pool de liquidité soit suffisant. Le bitcoin n’a pas atteint la masse critique nécessaire pour présenter un quelconque danger. S’il l’atteignait un jour, nous assisterions vraisemblablement à des réactions politiques mais il resterait difficile d’éliminer un moyen d’échange entièrement décentralisé. Contrairement aux réseaux qui peuvent être bloquées par pression sur une ou plusieurs institutions (comme on l’a vu avec SWIFT pour l’Iran ou avec Visa pour Wikileaks), le réseau bitcoin repose sur des milliers de point de distribution indépendants très difficiles à contrôler.
Le bitcoin est-il un défi aux banques ?
Aux banques centrales certainement, mais pas aux banques commerciales qui peuvent le traiter comme une devise semblable aux autres.
A ce propos, il est question que le bitcoin puisse être ajouté à la liste des devises ISO.
Il est effectivement question que la norme ISO 4217 qui définit les codes à trois lettres des devises au niveau mondial, lui attribue le code XBT, la première lettre X signifiant qu’il n’a pas de pays émetteur. Comme l’or dont le code est XAU ou l’argent XAG.
Le bitcoin ne risque-t-il pas de devenir la monnaie d’échange du crime ?
Pas plus que n’importe quelle autre devise. L’essentiel des transactions associées à des activités criminelles sont négociées dans des devises officielles et nul ne reproche aux banques centrales qui les émettent d’être complices de ces crimes. D’ailleurs la saisie et la mise aux enchères des bitcoins saisis par la justice américaine auprès de Silk Road n’a en rien terni la réputation du bitcoin.
Comment les Etats essaient-ils de règlementer le bitcoin ?
Ils règlementent essentiellement ses points de contact avec leurs devises. Comme l’Australie qui frappe les achats de bitcoins d’une TVA. Avec pour résultat une fuite des bitcoins vers d’autres cieux.
Où voyez-vous le plus grand potentiel d’essor pour le bitcoin ?
Dans les pays dont les régimes monétaires sont carentiels. L’Argentine par exemple où le peso souffre de dévaluations continuelles et où il est interdit d’acheter de l’or. Le Venezuela est un autre exemple possible. Un autre terrain fertile est celui des pays où la quantité de cash à disposition des personnes est sévèrement contrôlée comme la France.
La limite de 21 millions ne signe-t-elle pas la mort du bitcoin à terme ?
C’est une limite arbitraire inscrite dans le code mais ce code est en open source. Si la majorité des utilisateurs décident de la modifier, elle peut l’être. Par migration virale au nouveau software un peu comme pour les médias sociaux. De la même manière que Facebook a remplacé MySpace. Argent et software sont viraux par nature.
Où sont les plus grands centres d’échange du bitcoin ?
A Hong Kong, en Chine et en Arménie. Ces trois pays présentant des risques de contrepartie, les centres d’échange se dirigeront dorénavant vers le Luxembourg. C’est d’ailleurs là que je transfère celui que j’ai créé, Globitex. L’Europe, avec son passeport financier, est un terrain favorable qui évite, comme aux Etats-Unis, la multiplicité des barrières légales. Les centres d’échange se développent aussi en Grande-Bretagne, à Gibraltar et dans l’Ile de Man. Souvent en association avec l’industrie des jeux.
La technologie du blockchain éveille l’intérêt des centres de règlement plus traditionnels.
Effectivement, les institutions financière s’y intéressent de plus en plus près pour les substituer à leurs techniques archaïques. La direction de SWIFT, par exemple, a créé un département dédié à la technologie bitcoin.
Vous aviez songé faire de Genève le siège de la Bitcoin Foundation. Pourquoi est-elle à Londres ?
Genève était en effet l’une de nos deux préférences mais nous avons jugé les coûts trop élevés.
Interview réalisée par N. de Joncaire - AGEFI Suisse.
Euro et bitcoin aux extrêmes opposés du concept de devise
Difficile d’imaginer deux angles plus radicalement différents sur les devises que ceux présentés par Otmar Issing et Jon Matonis à la conférence FinDating organisée par la banque Dukascopy vendredi. D’un côté un ancien chef économiste et membre du Conseil de la Banque Centrale Européenne. De l’autre un membre fondateur de la fondation Bitcoin. La position de la devise centralisatrice ultime contre celle de la monnaie totalement décentralisée.
Otmar Issing était là où l’on attend un banquier central européen, de surcroit allemand: l’euro est irréversible (il n’y a d’ailleurs aucune clause de bail out dans le traité de Maastricht), les pays-membres doivent prendre leurs responsabilités et s’aligner sur leurs engagements, sinon ils seront sanctionnés. Il rappelait - non sans une certaine justesse - que les maux attribués à l’euro sont souvent du fait des défaillances structurelles de la gouvernance des Etats. Sur les 30 dernières années, le chômage espagnol a frisé les 30%, bien avant l’arrivée de la monnaie unique. Trop facile d’accuser l’euro qui est une sorte de club dont il faut accepter les règles sinon gare.
Le Bitcoin est évidemment une toute autre affaire. Protocole de réseau distribué (Bitcoin) ou monnaie parallèle (bitcoin)? Les deux évidemment. A la fois algorithme génial et moyen d’échange, répondant exclusivement aux lois de l’offre et de la demande sans autres contraintes que celles intégrées dans les logiciels open source. La force du bitcoin est celle des espèces: respect de la vie privée, règlement instantané, irréversibilité des transactions, traçabilité minimale, fongibilité … et coût de transactions internet pratiquement nuls. De quoi faire peur aux gouvernements qui perdraient un outil de contrôle précieux de leurs populations en cas de succès malgré un pool de liquidité qui sera limité puisque le programme de base ne prévoit l’émission que de 21 millions de bitcoins.
C’est la première fois que Dukascopy assortit sa désormais célèbre soirée mensuelle d’une conférence financière. Participaient à l’évènement des représentants des autorités de contrôle financières turques, chypriotes et maltaises. SIX Financial Information et le groupe Banque Baring Brothers Sturdza s’étaient joints aux sponsors.– (NJN)
Article publié dans le cadre du partenariat éditorial AGEFI Suisse/FINYEAR.
Lisez gratuitement :
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
La newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises de la finance d’entreprise et de la finance d'affaires.
Les 5 lettres mensuelles digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- The FinTecher
- Le Capital Investisseur
Le magazine trimestriel digital :
- Finyear Magazine
Un seul formulaire d'abonnement pour recevoir un avis de publication pour une ou plusieurs lettres
Le quotidien Finyear :
- Finyear Quotidien
La newsletter quotidienne :
- Finyear Newsletter
Recevez chaque matin par mail la newsletter Finyear, une sélection quotidienne des meilleures infos et expertises de la finance d’entreprise et de la finance d'affaires.
Les 5 lettres mensuelles digitales :
- Le Directeur Financier
- Le Trésorier
- Le Credit Manager
- The FinTecher
- Le Capital Investisseur
Le magazine trimestriel digital :
- Finyear Magazine
Un seul formulaire d'abonnement pour recevoir un avis de publication pour une ou plusieurs lettres
Autres articles
-
Spendesk, Rodolphe Ardant le fondateur accueille Axel Demazy en tant que CEO
-
Younited, la fintech française devient la filiale d'Iris Financial et s'offre une cotation sur Euronext Amsterdam avant Paris ?
-
La fintech Pixpay annonce une nouvelle CEO : Cécile Marret, en remplacement de son co-fondateur, Benoît Grassin
-
WEB3 : Faustine Fleuret quittera l'ADAN d'ici la fin de l'année
-
French Fintech Week : coup d'envoi de la 4ème édition !