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Banque Richelieu : L'Europe se fera dans les crises

14 avril 2020, par Alexandre Hezez, stratégiste Groupe Richelieu.


Les efforts visant à contenir l'épidémie de coronavirus en Europe ont brutalement interrompu la croissance économique qui se profilait en 2020. L'Italie et l'Espagne sont les plus durement touchées. La France a dû également imposer des mesures de confinement draconiennes.

Le confinement à des degrés divers et le chômage de masse ont provoqué un choc négatif de demande. Nous assistons à une diminution de la demande globale (consommation des ménages + investissements des entreprises + exportations de produits) du fait de l’obligation de rester chez soi et de la réduction du pouvoir d’achat (chômage partiel, perte d’emploi, etc..). Les individus ne peuvent plus consommer et les entreprises n’investissent plus. La crise de 2008 avait une origine financière. La crise actuelle, est d’abord sanitaire.

L’Europe va être économiquement très impactée par la crise sanitaire. Nous estimons que cela a provoqué une contraction de 3 % du PIB au premier trimestre et entraînera une nouvelle baisse de 7 % au deuxième trimestre. La profondeur de la récession sera au moins aussi importante que pendant la crise financière mondiale de 2008, et nous pensons que le risque de cette projection est à la baisse.

Chaque mois de confinement coûterait entre 2 % et 3 % du PIB.

Sur l’année 2020, l’Allemagne pourrait faire face à une récession économique de grande ampleur avec un recul de son PIB de -6,8 %, la France de -5 % et l’Italie de -7 %.

La France, tout comme l’Allemagne, fait partie des plus gros pays exportateurs de biens et de services (respectivement 8ème et 4ème au classement mondial). Si ces 2 pays ne sont pas les plus fragiles, ils sont donc particulièrement exposés à la fois à la perturbation de la chaîne d'approvisionnement et à la faible demande mondiale. La BCE estime que chaque mois de confinement coûterait entre 2 % et 3 % du PIB.

La Banque Centrale Européenne a sorti son bazooka monétaire. Si la BCE apparaît comme une institution avec des capacités illimitées, Christine Lagarde ayant rappelé qu’il n’y avait pas de limite à son engagement, elle ne peut pas à elle seule maintenir l’économie à flot.

En complément, les réponses politiques de 2020 semblent nettement plus rapides et adaptées que celles de la Grande Dépression (assouplissement de la banque centrale, relance budgétaire, certains reculs tarifaires potentiels, assouplisse-ment réglementaire au moins tempo-rairement, etc…). Des plans de soutien (mesures de chômage partiel) et de relance massifs sont nécessaires. Le problème auquel les Etats sont confrontés reste celui du niveau d’endettement.

Il semble évident que certains pays comme l’Italie ont une capacité de réaction continue (source Raymond James).

L’Eurogroupe peine à trouver une solution à une quadrature du cercle européen. Une première solution envisagée serait l‘octroi de dettes à certains Etats. Concrètement, il s’agirait de prêts qui contribueraient à alourdir l’endettement des pays demandeurs… une solution prônée par les plus « frugaux ». La deuxième solution qui peine à émerger serait une mutualisation, idée soutenue par la France et les pays du sud de l’Europe.

La question s’était déjà posée en 2010, 2011 et 2012 lors de la crise souveraine en Europe. Les nombreuses tergiversations avaient alimenté une perte de confiance de la zone euro. Le « haircut » grec avait potentiellement mis en place une prime de défaut sur les autres Etats les plus fragiles et mis en doute la capacité de solvabilité des banques des pays du sud.

La zone euro avait finalement trouvé un compromis et profité du soutien sans faille de Mario Draghi et de la crédibilité acquise de la Banque Centrale. Des outils concrets – non sans mal – avaient été mis en place avec le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF) et le Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF) pour combattre la crise de la dette publique dans la zone euro.

Le Mécanisme Européen de Stabilité avait remplacé ces outils en 2012. La Cour constitutionnelle allemande avait validé le dispositif avec certaines réserves après d’intenses négociations. Il a pour but de fournir une aide financière aux Etats membres qui connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement. Il est LE dispositif européen de gestion des crises financières de la zone euro au sein du Pacte budgétaire européen. Il permet d'aider sous conditions, des États en difficulté et de participer à des sauvetages de banques privées pour essayer de limiter les taux d'intérêt des dettes publiques en zone euro. C’est donc tout naturellement que certains pays dont la France demandent son activation : « Quand on a prévu un instrument pour la crise, il me semble sage d’y recourir sans condition » (Bruno Le Maire).

Certes, les conditions du financement du MES seront allégées dans l’accord mis en place par l’Eurogroupe cependant, le problème (parce qu’il y en a toujours un…) réside dans le fait que les prêts accordés au travers de ce mécanisme restent des emprunts qui s’additionnent aux dettes des pays demandeurs.

En sortie de crise, cela fragiliserait non seulement le pays mais le mettrait sous tutelle de l’Europe. On comprend dès lors que l’Italie soit réticente à plusieurs égards :
- Sa capacité future d’emprunt
- Sa nécessité de mettre en place un plan de relance d’envergure
- Sa politique intérieure qui raviverait le populisme et le sentiment anti-européen.

Cette crise alimenterait la rancoeur entre États membres et renforcerait leurs divergences.

L'augmentation de la dette pèserait durablement sur les comptes publics et limiterait la marge de manoeuvre budgétaire future de manière certaine.

La situation est critique. Si le MES s'avère insuffisant, le prochain filet de sécurité viendrait du programme d'opérations monétaires sur titres (Outright Monetary Transactions, OMT) de la BCE, créé aussi en 2012, mais jamais utilisé.

À la demande du gouvernement d'un pays, et sous réserve de certaines conditions (comme un programme du MES), la BCE pourrait acheter massivement les emprunts d‘États d'un pays sur le marché secondaire. Le partage du risque et le caractère conditionnel sont toutefois des obstacles significatifs. C'est pourquoi cette solution ne sera adoptée qu'en dernier ressort pour éviter l'effondrement du marché de la dette souveraine d'un pays. Et donc, une fois la crise déclenchée.

Les achats d'actifs de la Banque Centrale Européenne limitent les rendements et montrent qu’un soutien continu est nécessaire pour éviter une crise financière.

En mars, la BCE a acheté 51 milliards d’euros dans le cadre de son programme d’achats, soit un rythme 2 fois supérieur à celui de janvier et février. Elle s’est concentrée sur les obligations d’Etats et en particulier les spreads italiens (pour 12 milliards d’euros).

Par ailleurs, une fois les dettes accumulées et d’ici quelques mois voire plusieurs années, se posera la question non seulement du remboursement mais de la baisse (hypothétique) du bilan de la BCE ou des réinvestissements qu’elle opérera. D’où la question à 2 250 milliards (montant de la dette italienne !) : comment un pays peut contenir une crise sanitaire sans précédent, sans augmenter sa propre dette ?

Les solutions proposées en dehors de la BCE auront un coût à long terme, à savoir un endettement plus lourd, de sérieux problèmes budgétaires et des tensions sociales et politiques.

Certains Etats européens, dont la France et l'Italie, ont dernièrement demandé à l'Allemagne et certains pays du nord de l'Europe la mutualisation de certaines dettes face aux conséquences économiques de la pandémie. Les discussions restent difficiles sur la création d’un autre instrument destiné à relancer l’économie européenne après l’épidémie. Le président de l'Assemblée Nationale française, Richard Ferrand, et son homologue allemand, Wolfgang Schäuble plaident dans une tribune pour "plus de solidarité et d'intégration financière" en Europe face à la crise du coronavirus. Beaucoup plaident pour un recours à un emprunt européen pour faire face à la crise du coronavirus.

Cette mutualisation, sous la forme de « coronabonds », est fortement rejetée par l'Allemagne, les Pays-Bas et d'autres pays du nord, plus vertueux sur un plan budgétaire. Pour l’instant, ces eurobonds sont inacceptables. La mise en place d’eurobonds constituerait un « saut fédéral » trop substantiel. Et pourtant, cette solution apporterait peut-être de la confiance et de la sérénité vis-à-vis de la zone euro.

La publication des résultats finaux du PMI en Europe aujourd'hui a donné un premier aperçu de la façon dont les mesures de confinement plongent les économies dans de profondes récessions. Et ce sont les pays les plus fragiles économiquement qui sont touchés.

Une nouvelle fois, grâce à la crise de 2011, des outils sont à disposition et peuvent être utilisés à discrétion sans intervention du parlement européen, des parlements nationaux ou d’autres organismes étatiques. Mais ce ne sera pas suffisant compte tenu de l’ampleur de la crise de l’économie et du rebond souhaité.

Les gouvernements et la BCE ont des marges de manoeuvre en cas de nouvelle dégradation en Europe. Certaines réponses doivent être apportées avant une autre crise… « Nous savons tous que durant cette crise, nous avons besoin de réponses rapides et nous ne pouvons prendre deux ou trois ans pour inventer de nouveaux outils » a soutenu la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen. Le prochain budget à long terme de l’UE doit être un instrument clé du plan de relance pour affronter les graves conséquences économiques de la crise sanitaire. Une forme de solidarité doit nécessairement se dessi-ner mais elle doit rester ciblée.

Le message de Christine Lagarde est clair dans une tribune publiée dans le Monde ce 9 avril 2020 : « Les gouvernements européens doivent être côte à côte pour déployer ensemble des politiques face à un choc commun ».

Un alignement des politiques budgétaires et monétaires, et l’égalité de traitement face au virus, sont les meilleurs moyens de protéger notre capacité productive et l’emploi, en vue de retrouver des taux de croissance et d’inflation soutenables une fois que la pandémie aura pris fin.

De source diplomatique, la réponse européenne doit s’orienter sur trois axes principaux : jusqu’à 240 milliards d’euros de prêts du fonds de secours de la zone euro, un fonds de garantie de 200 milliards d’euros pour les entreprises et jusqu’à 100 milliards pour soutenir le chômage partiel.

Une solution sera trouvée mêlant les intérêts à court terme et les défis à long terme. La mise en place d’un fonds de reconstruction ciblé sur une croissance plus verte et plus numérique, voulu par la Banque Centrale Européenne peut permettre notamment la convergence des points de vue et des intérêts de chaque pays de la zone euro. S'ils sont maniés en temps opportun et avec détermination, tous ces outils et projets à venir peuvent non seulement aider à surmonter la crise et à maintenir l'unité de la zone euro, mais aussi à dessiner une Europe post-covid 19 et une économie tournée vers la confiance et l’investissement.

Quitte à se répéter à chaque fois que nous parlons d’Europe : « l'Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions apportées à ces crises » écrivait Jean Monet dans ses mémoires. L’occasion est trop belle aujourd’hui pour vérifier cette maxime.

Alexandre Hezez
Stratégiste Groupe Richelieu

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Mardi 14 Avril 2020




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